Titre original :  Portrait of Dr. Jenny Trout © Park Bros., Toronto / Library and Archives Canada / PA-212242

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GOWANLOCK, JENNY KIDD (Trout), institutrice et médecin, née le 21 avril 1841 à Kelso, Écosse, fille d’Andrew Gowanlock et d’Elizabeth Kidd, fermiers ; le 25 août 1865, elle épousa à Stratford, Haut-Canada, Edward Trout, et ils adoptèrent un garçon et une fille ; décédée le 10 novembre 1921 à Hollywood (Los Angeles).

Jenny Kidd Gowanlock fut l’une des premières femmes à défier l’emprise masculine sur la profession médicale au Canada. Pour certains de l’époque victorienne, la médecine convenait particulièrement à la nature féminine telle que certains la définissaient. Les femmes y firent donc des gains, malgré l’opposition vigoureuse de la plupart des hommes médecins. Mlle Gowanlock se battit pour élargir l’accès des femmes à la profession à cause de ses convictions féministes et de sa foi chrétienne. « J’espère vivre assez longtemps pour voir le jour où chaque grande localité (du moins) en Ont[ario] aura une vraie bonne dame médecin qui travaillera au nom [du Seigneur] », écrirait-elle en 1881.

Jenny Kidd avait immigré dans le canton haut-canadien d’Ellice avec sa famille à l’âge de six ans. Les Gowanlock exploitaient une ferme florissante de dix acres et se rendaient régulièrement à l’église presbytérienne Knox de Stratford, non loin de là. Jenny Kidd fréquenta l’école dans cette localité et fut acceptée en 1860 comme membre adulte de l’Église libre. L’année suivante, elle termina son cours à la Normal School de Toronto, en à peu près la moitié du temps habituel. De 1861 à 1865, elle enseigna dans le réseau des écoles publiques de la région de Stratford.

C’est là qu’elle fit la connaissance d’Edward Trout, qui y vendait de la publicité pour le Leader de Toronto. Après de longues fréquentations, ils se marièrent et s’établirent à Toronto. Edward prospéra : en 1867, avec son frère John Malcolm, il fonda un hebdomadaire financier très respecté, le Monetary Times. Pour Mme Trout, les choses allaient moins bien : prise soudainement de désordres nerveux après son mariage, elle devint à demi invalide, à peine capable de se mouvoir. Puis, son état s’étant amélioré grâce à un traitement à l’électrothérapie, science nouvelle à l’époque, elle décida de réaliser son rêve d’enfant : devenir médecin.

Toujours encouragée et soutenue financièrement par son mari, Jenny Kidd Trout fit en 1871–1872 un an de propédeutique à la Toronto School of Medicine. Elle-même et sa condisciple Emily Howard Stowe [Jennings*] réussirent, malgré l’hostilité évidente de certains professeurs et étudiants. Cependant, aucun collège canadien de médecine n’était disposé à accepter des femmes comme étudiantes régulières. Mme Trout, tout comme la Montréalaise Charlotte Ross [Whitehead*], alla donc au Woman’s Medical College de Philadelphie, reconnu pour son orientation chrétienne. Elle obtint son diplôme en mars 1875 et, un mois plus tard, passa assez aisément les examens du College of Physicians and Surgeons of Ontario. Elle devint ainsi la première femme autorisée à pratiquer la médecine au Canada ; Emily Howard Stowe serait la deuxième en 1880.

En juillet 1875, à Toronto, la docteure Trout et sa grande amie Emily Amelia Tefft, elle aussi diplômée du Woman’s Medical College, ouvrirent un cabinet qui comportait des « installations spéciales pour traiter les dames avec des bains galvaniques ou l’électricité ». L’électrothérapie avait très bonne réputation auprès des médecins du temps. En 1877, les docteures Trout et Tefft inaugurèrent le Medical and Electro-Therapeutic Institute, qui occupait les trois maisons situées au nord de celle de la docteure Trout, rue Jarvis. Une soixantaine de patientes y résidaient et une quarantaine d’entre elles recevaient un traitement quotidien. Par la suite, les docteures Trout et Tefft ouvrirent des succursales à Hamilton et à Brantford. En dépit de sa popularité, cette vaste entreprise fonctionnait à perte ; de plus, elle exigeait un travail trop astreignant pour la santé de la docteure Trout. Vers la fin de 1882, à l’âge précoce de 41 ans, celle-ci dut annoncer qu’elle abandonnait la pratique de la médecine.

C’était une grave déception pour la docteure Trout, mais dès 1883, elle put se consacrer à une nouvelle cause : la création d’un collège de médecine pour femmes au Canada. De leur propre initiative, le docteur Michael Barrett* et cinq de ses collègues masculins à la Toronto School of Medicine avaient décidé de fonder un établissement de ce genre dans la ville et d’y enseigner. La docteure Trout était disposée à soutenir le projet, financièrement et par son influence, à la condition que le conseil d’administration soit constitué en majorité de femmes et qu’on leur alloue au moins quelques-uns des postes de professeur. Barrett rejeta ces exigences : il ne voulait aucune femme au conseil. La docteure Trout se tourna donc vers un groupe plus conciliant qui était en train d’organiser une école à Kingston qui serait affiliée au Queen’s College. Une fois entérinée la fondation du Women’s Medical College à une assemblée publique tenue à Kingston le 8 juin 1883, elle devint non seulement l’une des administratrices du collège, mais aussi sa principale bienfaitrice : elle promit de verser 200 $ par année pendant cinq ans.

Le 12 juin, la docteure Trout apprit avec stupéfaction que Barrett et ses collaborateurs, assistés d’Emily Howard Stowe et de la Canadian Women’s Suffrage Association, avaient fondé le Woman’s Medical College à Toronto. Craignant manifestement que le groupe de Kingston ne lui coupe l’herbe sous le pied, Barrett était désormais prêt à accepter des femmes au conseil d’administration et dans le corps enseignant. Edward Trout, au nom de sa femme, dénonça le « revirement complet » de Barrett et affirma que l’initiative des Torontois constituait une injustice flagrante envers le collège de Kingston. Cependant, aucun des deux camps ne voulait céder. En octobre, deux collèges de médecine pour femmes ouvrirent leurs portes.

Il n’y avait pas assez d’étudiantes. La rivalité entre le collège de Kingston et celui de Toronto divisait la petite communauté naissante que le Toronto Daily Mail appelait les « dames médecins ». Dans les années 1890, plusieurs facultés canadiennes de médecine, dont celle du Bishop’s College [V. Francis Wayland Campbell*], commencèrent à admettre des candidates, ce qui intensifia la concurrence pour les inscriptions. Enfin, en 1894, le collège de Toronto et celui de Kingston convinrent de fusionner en un seul, l’Ontario Medical College for Women, dans la capitale provinciale. La docteure Trout avait continué d’appartenir au conseil d’administration du collège de Kingston jusqu’à la fin et d’en être l’une des principales bienfaitrices.

Peu à peu, Jenny Kidd Trout se détourna des affaires médicales pour se plonger dans l’étude de la Bible et s’engager dans les missions étrangères, expérience libératrice pour bien des femmes de la fin de l’époque victorienne. Après une tragédie familiale, elle-même et son mari adoptèrent leurs petit-neveu et petite-nièce qui étaient devenus orphelins. En outre, à un moment quelconque de sa carrière, elle milita dans le mouvement de la tempérance et l’Association for the Advancement of Women.

En 1908, les Trout s’installèrent à Hollywood, où Jenny Kidd Gowanlock Trout mourut 13 ans plus tard. Première femme autorisée à exercer la médecine au Canada, elle avait promu la formation médicale des femmes au nom de solides principes féministes et avait été une féministe chrétienne typique.

Peter E. Paul Dembski

Dans le cadre de ses études au Woman’s Medical College of Pennsylvania à Philadelphie, Jenny Kidd Gowanlock Trout a rédigé une thèse sur les usages médicaux du pavot somnifère intitulée « Papaver somniferum » (thèse de m.d., 1875).

Univ. of Waterloo Library, Special Coll. Dept. (Waterloo, Ontario), WA 10 (Elizabeth Smith Shortt fonds).— Victoria Univ. Arch. (Toronto), Fonds 2083 (Victoria Univ., Cobourg, Ontario, Dept. of Medicine fonds), 87.144V (Toronto School of Medicine, student reg., 105-1, 1858–1875).— Daily British Whig (Kingston, Ontario), 9 juin, 3 oct. 1883.— Globe, 24 juill. 1875, 12, 15 mai, 13 juin, 2 oct. 1883.— Mail (Toronto), 16 avril 1875, publié par la suite sous le titre Toronto Daily Mail, 14 mai, 2 oct. 1883.— World (Toronto), 5 avril 1883.— G. F. Alsop, History of the Woman’s Medical College, Philadelphia, Pennsylvania, 1850–1950 (Philadelphie, 1950).— P. E. P. Dembski, « Jenny Kidd Trout and the founding of the Women’s Medical colleges at Kingston and Toronto », OH, 77 (1985) : 183–206.— V. [J.] Strong-Boag, « Canada’s women doctors : feminism constrained », dans A not unreasonable claim : women and reform in Canada, 1880s–1920s, Linda Kealey, édit. (Toronto, 1979), 109–129 ; reparu dans Medicine in Canadian society : historical perspectives, S. E. D. Shortt, édit. (Montréal, 1981), 207–235.— A. A. Travill, Medicine at Queen’s, 1854–1920 : a peculiarly happy relationship ([Kingston, 1988]).— W. H. Trout, Trout family history (Milwaukee, Wis., 1916).

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Peter E. Paul Dembski, « GOWANLOCK, JENNY KIDD (Trout) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gowanlock_jenny_kidd_15F.html.

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Auteur de l'article:    Peter E. Paul Dembski
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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