GORDON, JOHN, manufacturier, marchand et promoteur de chemins de fer, né en 1828 à Latheron (région de Highland, Écosse), décédé célibataire le 29 mai 1882 à Paris.

John Gordon, son père, sa mère et sa sœur se joignirent au flot d’Ecossais qui partirent des Highlands à destination de l’Amérique du Nord ; ils débarquèrent en 1841 et s’établirent, par la suite, à Grenville, Bas-Canada. Ils s’étaient peut-être renseignés sur le pays auprès de leurs parents Joseph et Edward Mackay qui étaient occupés à établir ce qui deviendrait une entreprise florissante de « marchandises sèches » à Montréal. On ignore comment le père de Gordon gagna sa vie et combien de temps la famille demeura à Grenville avant de déménager à Peterborough, Haut-Canada.

Après la mort du père, en 1851, la famille alla s’établir à Hamilton. Cette année-là, Gordon, en qualité d’associé principal, forma avec son oncle, Donald Mackay, la Gordon, Mackay and Company. Mackay avait été marchand-tailleur à Hamilton et la compagnie conserva ce commerce de détail tout en se ramifiant considérablement dans l’importation et le commerce en gros de marchandises sèches. Les entreprises n’étant pas obligées d’établir l’identité de tous leurs associés avant 1869, on ne sait donc pas si la Gordon, Mackay and Company comptait d’autres membres. Compte tenu de la participation ultérieure de Joseph et d’Edward Mackay aux entreprises commerciales de Gordon et de la valeur pour une nouvelle firme des relations entretenues par les deux frères dans les affaires transocéaniques, il est possible que ces derniers en firent partie.

Au cours des décennies 1840 et 1850, Hamilton connut une période de croissance commerciale, mais la dépression de 1857 démontra la précarité de cette prospérité. Le groupe des commerçants, dont les opérations reposaient sur un système d’emprunt et de crédit utilisé à outrance, subit de nombreuses faillites. Bien que la Gordon, Mackay and Company réussit à survivre à la récession de 1857, la décision de déménager la compagnie à Toronto en 1859 s’avéra sage ; elle témoignait aussi de la croissance de Toronto et du déclin de Hamilton. Donald Mackay resta cependant à Hamilton pour exploiter sous son nom jusqu’en 1866 un magasin de vêtements confectionnés sur mesure et de prêts-à-porter au détail.

Le déménagement à Toronto dut profiter à Gordon et à la firme. En 1861, l’activité de la compagnie s’était diversifiée considérablement par la création d’une filature de coton sur le canal Welland, à Merriton (maintenant partie de St Catharines). Cet essor permit à la Gordon, Mackay and Company d’offrir, à l’encontre de la plupart de ses concurrents, un bon choix de cotonnades fabriquées au Canada, dans sa propre manufacture ou dans d’autres filatures. Dès le début, les Lybster Mills, comme on les appelait, se spécialisèrent dans les produits de coton à bon marché, branche de la production où les fabricants britanniques et américains se trouvaient moins avantageusement en concurrence.

L’expansion s’était produite à un moment propice la guerre de Sécession préserva en fait le marché canadien en perturbant l’industrie du coton dans le Nord américain et en entraînant une disette de coton chez les manufacturiers anglais. Le retour à la paix ranima fatalement la concurrence des États-Unis ; l’activité des Lybster Mills fut troublée et, de fait, pendant plusieurs mois, en 1869, ils cessèrent complètement de produire. Dans les trois années qui suivirent, cependant, l’entreprise de marchandises sèches prospéra et rapporta des profits intéressants aux deux filiales de la Gordon, Mackay and Company. La firme ouvrit de nouveaux locaux plus vastes à Toronto en 1870 et, en 1872, les Lybster Mills étaient en plein essor et rapportèrent 10 p. cent sur le capital investi. Depuis l’ouverture de la filature, la capacité de production avait doublé, grâce à de nouvelles machines achetées en Angleterre et à des ouvriers et des gérants recrutés aux États-Unis. Gordon et Mackay réorganisèrent l’entreprise en 1872 pour en faire une compagnie par actions sous le nom de Lybster Cotton Manufacturing Company, de façon à financer son expansion vers une nouvelle étape dans la production, soit le blanchiment de produits de coton. Au début, la compagnie avait un capital de $250 000 dont la Cordon, Mackay and Company détenait un cinquième. Les membres provisoires du conseil d’administration de la nouvelle compagnie furent Donald Mackay, John Macdonald, de Toronto, et Edward Mackay, Andrew Robertson et John Rankin, de Montréal.

La dépression qui débuta en 1873 eut des conséquences défavorables sur cette nouvelle orientation. La Lybster Cotton Manufacturing Company continua de payer des dividendes de 8 p. cent sur ses actions, mais sa capacité de filage et de tissage n’augmenta pas d’une manière significative car des filatures de coton beaucoup plus grandes, reliées financièrement à la communauté commerciale de Montréal, virent le jour sur le Saint-Laurent. L’entreprise de gros de la Cordon, Mackay and Company subit aussi des pertes pendant la récession. Le dumping de textiles britanniques et américains sur le marché canadien et les tentatives des manufacturiers britanniques, en particulier, d’éviter de passer par l’intermédiaire des marchands canadiens de gros, grâce à des voyageurs de commerce, causèrent la faillite de bon nombre d’entreprises plus petites et moins solides. Si elle ne fut pas aussi prospère que dans un passé récent, la Gordon, Mackay and Company réussit toutefois à surmonter crise.

Bien que les affaires de la Gordon, Mackay and Company aient occupé une grande partie de son temps, Gordon fut aussi président de la Toronto, Grey and Bruce Railway Company, de 1868 à 1880, et en détint la plus grande tranche des actions. À partir de 1867, avec James Gooderham Worts, John Shedden* et George Laidlaw, entre autres, Gordon se fit le promoteur actif de chemins de fer à faible écartement, comme moyen de transport économique et comme solution de rechange au chemin de fer du Grand Tronc. Il se trouva plus tard dans l’embarras lorsque la situation financière et le degré d’exploitation de la Toronto, Grey and Bruce ne correspondirent pas au plan optimiste qu’il avait projeté. La dépendance aux subventions municipales et la difficulté de négocier des emprunts au Canada et de vendre des obligations avec des escomptes intéressants en Angleterre furent aggravées par des frais de construction imprévus et par la dépression du milieu des années 1870. Ces problèmes pesèrent lourd sur le chemin de fer et sur Gordon qui prit l’entière responsabilité des dispositions financières et fit de nombreux voyages pour conserver la confiance des investisseurs anglais. La tension que subit Gordon à cause de ces difficultés financières contribua probablement à ruiner sa santé et il fut, par la suite, forcé de se retirer des affaires pendant les dernières années de sa vie.

On a peu de détails sur la vie de Gordon hors du monde des affaires. Pendant son séjour à Hamilton, il avait siégé au conseil d’administration de la Hamilton Highland Society et, plus tard, il devint président de l’Ontario Rifle Society. Il appartenait à l’Eglise presbytérienne. Pendant les années 1870, il fit de la politique et appartint à la minorité influente de libéraux qui plaidèrent en faveur d’une politique de tarif protectionniste. Il exposa son opinion dès mars 1870, lors d’une réunion à Toronto portant sur le problème protectionniste, et au Board of Trade de cette ville, l’année suivante. En 1872, il se présenta comme candidat libéral dans la circonscription de Peterborough West, mais sans succès.

La carrière de Gordon démontre comment au xixe siècle la réussite d’une entreprise produisait un effet d’entraînement dans d’autres secteurs de l’économie. Les Lybster Mills, en fournissant un approvisionnement de textiles, et la Toronto, Grey and Bruce Railway, en donnant de l’extension au marché de Toronto, contribuèrent à la prospérité commerciale de la compagnie de Gordon et à sa fortune personnelle. À sa mort, Gordon laissa des biens évalués à $94 000, dont $40 000 en biens immeubles et $54 000 en biens meubles, surtout des titres dans ses entreprises et des actions de chemin de fer.

David G. Burley

York County Surrogate Court (Toronto), n4 692, testament de John Gordon, 26 oct. 1882 (mfm aux AO).— Canada, chambre des Communes, Journals, 1876, app.3, témoignage d’Andrew Robertson.— Ontario, Legislature, Sessional papers, 1871–1872, II : n29 ; 1874 (1re session), III : n13 ; 1874 (2e session), II : n5 ; 1875–1876, III–IV : n33 ; 1877, IV : n41 ; 1878, IV : n26.— Globe, 6 juill. 1872, 20 mai 1882.— Mail, 15 juill. 1872.— Monetary Times, 28 nov. 1867, 25 juin, 15 oct.,19 nov. 1868, 29 avril, 12 août, 3 sept. 1869, 1er avril, 26 août, 2, 16, 23 sept. 1870, 13 janv., 3 févr., 25 août, 22 sept., 10 nov., 22 déc. 1871, 12 janv., 6, 13 sept. 1872, 17 janv., 19 sept., 21 nov. 1873, 6 févr., 18 sept. 1874, 10 sept. 1875, 3 mars 1876, 2 juin 1882.— Dominion annual register, 1882.— Masters, Rise of Toronto, 105, 110, 145.

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David G. Burley, « GORDON, JOHN (1828-1882) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gordon_john_1828_1882_11F.html.

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Auteur de l'article:    David G. Burley
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
Date de consultation:    16 nov. 2024