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GLASGOW, ROBERT POLLOCK, libraire et éditeur, né le 3 septembre 1875 près de Shipton, Québec, fils de William Glasgow et de Helen Tough ; le 16 juin 1897, il épousa à Fredericton Louise Campbell Barter, et ils eurent deux filles et deux fils ; décédé le 5 avril 1922 à New York.
Le père de Robert Pollock Glasgow immigra dans les Cantons-de-l’Est à partir du comté de Londonderry (Irlande du Nord). Il s’établit d’abord à Sherbrooke, puis acquit en 1874 une ferme près de Shipton. Sa mort, survenue quand Robert Pollock avait 12 ans, obligea le jeune garçon à quitter l’école publique. Aîné de six enfants, il dut trouver du travail pour contribuer à la subsistance de sa famille.
Dès l’âge de 15 ans, Glasgow sillonnait la campagne environnante pour vendre des livres par abonnement. Il exerça cette activité, menaçante pour les librairies traditionnelles, jusque dans la vingtaine avancée. Après avoir été, pendant une courte période, employé de la Bradley-Garretson Company Limited de Brantford, en Ontario, et de la Morang and Company de Toronto, il représenta la R. S. Peale and Company de New York, pour laquelle il vendit en Australie Library of the world’s best literature, de Charles Dudley Warner, et l’Encyclopedia Americana aux États-Unis et au Canada. En 1906, il devint représentant des ventes pour Makers of Canada, collection en 20 volumes de George Nathaniel Morang*, publiée de 1903 à 1908 à Toronto et vendue par abonnement. Bien que de qualité inégale, cette histoire du Canada par l’étude des grands personnages remportait du succès.
En 1907, Glasgow vivait à Toronto où, tout en poussant la vente de Makers of Canada, il travailla pendant un moment comme chef de service au Scientific American de New York pour arrondir ses fins de mois. Vendre Makers of Canada l’avait convaincu de l’existence d’un marché pour les ouvrages d’histoire du Canada et, même si la vente de livres par abonnement n’était plus en vogue, il en voyait l’utilité pour les publications de prestige. Dès 1909, il planifiait une nouvelle histoire du Canada en plusieurs volumes. Avec Arthur H. Brook à la vice-présidence, il fonda la United Editors Limited, à la fois maison d’édition et librairie, et confia la direction générale de la collection à deux spécialistes en histoire, le commissaire du service civil Adam Shortt* et l’archiviste du dominion Arthur George Doughty*. En 1911, les collaborateurs signèrent un protocole d’accord. Moins d’un an plus tard, la United Editors Limited faisait place à une autre société, toujours sous la présidence de Glasgow, la Publishers’ Association of Canada Limited, qui aiderait à financer Canada and its provinces ; a history of the Canadian people and their institutions by one hundred associates. La collection, composée de 23 volumes, parut de 1913 à 1917. La responsabilité de la publication passa en 1914 à une nouvelle entreprise, la Glasgow, Brook and Company. (De 1911 environ à 1915, Glasgow exploita en plus, dans le même bureau, une maison d’édition générale, la R. P. Glasgow and Company.)
Événement marquant dans l’historiographie canadienne, Canada and its provinces, qui demeure un ouvrage de référence inestimable, était le tour d’horizon le plus complet publié jusque-là. Adeptes de la perspective scientifique et coopérative prônée par lord Acton en Grande-Bretagne, Shortt et Doughty s’enorgueillissaient d’utiliser avec rigueur les sources directes, sans tomber dans le nationalisme moralisateur qui caractérisait alors tant d’écrits historiques. Les volumes, magnifiquement imprimés par les Edinburgh University Press, contenaient des articles de plus d’une centaine de collaborateurs : historiens professionnels et amateurs, journalistes et spécialistes de différentes techniques. Ils présentaient l’histoire nationale et régionale de même que la situation du Canada à l’époque, en mettant l’accent sur l’évolution politique et économique.
Mis en chantier au moment du lancement de Canada and its provinces, le projet suivant de Glasgow, Chronicles of Canada, abordait l’histoire du pays de manière moins méthodique, en privilégiant le récit romancé. Glasgow en confia la direction à George MacKinnon Wrong*, professeur d’histoire à la University of Toronto, et à Hugh Hornby Langton*, bibliothécaire de cette université. Conçus pour un public plus large que Canada and its provinces, les 32 volumes « légers [et] maniables » de Chronicles furent publiés par la Glasgow, Brook and Company de 1914 à 1916. Glasgow écrivit à l’un des collaborateurs, William Charles Henry Wood* : « Ce que nous voulons pour cette collection, c’est de la narration simple – continue et claire – pas de discussion ni d’argumentation – pas de prêchi-prêcha ni de ton de maître d’école [...] Ainsi, nous prêchons et enseignons sans en avoir l’air et nous atteignons notre but. » Dans une annonce, les éditeurs promettaient des histoires vraies, « [tirées] de la vie humaine, racontées dans un style simple et vivant » et ils offraient gracieusement aux abonnés éventuels un recueil de chapitres tirés de la collection.
Le soin que Glasgow mettait à produire ses publications et à les mettre en marché leur assurait le succès commercial. Il laissait les historiens veiller à l’exactitude des faits. Par contre, à propos de l’« organisation et [de la] composition » des livres, il disait tout net, à Wrong par exemple : « Jamais je n’ai trouvé personne qui peut s’en occuper aussi bien que moi. » Wrong était du même avis : Glasgow, assura-t-il à sir John Stephen Willison, « a de l’avenir dans le monde de l’édition, de bonnes idées et beaucoup d’intégrité. Il sait vendre des livres et s’arranger pour qu’ils rapportent. » Hélas, les textes de Chronicles présentaient les mêmes défauts que ceux de Makers of Canada : une bonne partie des manuscrits avaient été abondamment corrigés ou récrits, mais les volumes demeuraient inégaux. En janvier 1914, dans un accès de frustration, Glasgow écrivit à Langton : « Vraiment, le Canada compte plus de directeurs de publication et d’auteurs à la noix que tout autre pays du monde anglophone. » Pourtant, un mois plus tard, il pouvait confier à Wrong : « Je sais que, malgré tout, ces volumes sont les meilleurs écrits au Canada que nous ayons eus, et le verdict des lecteurs canadiens ne me fait pas peur. »
En 1916, Glasgow commença à faire carrière aux États-Unis, tout en conservant des intérêts dans l’édition à Toronto. La notice nécrologique du Globe de Toronto rapporte que, à son avis, pendant la guerre, le domaine de l’édition était « entièrement occupé » au Canada. À New York, il fonda la United States Publishers’ Association en vue de produire une édition augmentée de l’ouvrage de Warner, Library of the world’s best literature. Toutefois, sa publication la plus imposante fut Chronicles of America. De même format que Chronicles of Canada, cette collection en 50 volumes fut publiée conjointement de 1918 à 1921 par la Glasgow, Brook and Company et par les Yale University Press. D’éminents historiens américains y participèrent de même que quelques Canadiens. En reconnaissance de la contribution de Glasgow à l’université et à l’historiographie américaine, la Yale University lui décerna à titre honorifique une maîtrise ès arts en 1920.
Après la parution de Chronicles of America, on commença à adapter cet ouvrage au médium relativement nouveau qu’était le cinéma. Glasgow devint vice-président de la Chronicles of America Picture Corporation, qui produisit avec succès une série de films portant le même titre. En avril 1922, tandis qu’il y travaillait dans son bureau, il succomba à une crise cardiaque. L’automne précédent, au cours d’un accès de grippe, son cœur lui avait causé quelque inquiétude. Membre de la congrégation First Unitarian à Toronto et de la congrégation épiscopale All Angels à New York, il fut inhumé au cimetière Mount Pleasant à Toronto.
Mort précocement à l’âge de 46 ans, Robert Pollock Glasgow avait mené une carrière très productive. Ses ambitieux projets, lancés à une époque où les éditeurs tiraient plus ou moins le diable par la queue, connurent un vif succès. Il n’écrivit rien lui-même et travailla toujours en coulisse. Pratique, entreprenant et dynamique, il était également cultivé et idéaliste. Pour lui, l’histoire devait servir à bâtir le pays, à combattre l’esprit de clocher, à inculquer patriotisme et sens civique. « Il fut éditeur, mais jamais pour le profit uniquement, peut-on lire dans une nécrologie. En lui se combinaient les rêves d’un visionnaire et les talents d’un homme d’action. »
La première édition de Canada and its provinces, vendue par abonnement de 1913 à 1917, a été rapidement épuisée et a été très tôt suivie par l’« Archives edition » et l’« Edinburgh edition », qui ont paru toutes deux de 1914 à 1917. La série Chronicles of Canada, initialement publiée de 1914 à 1916, a été réimprimée en 1922, puis en 1964.
ANQ-E, CE501-S93, 25 oct. 1875.— Dalhousie Univ. Arch. (Halifax), MS 2-82 (A. McK. MacMechan papers).— TRL, SC, Biog. scrapbooks, 4 : 554–556.— UTA, B1965-0014, H. H. Langton papers.— Yale Univ. Library, Beinecke Rare Book and ms Library (New Haven, Conn.), Yale Univ. Press papers.— Globe, 6 avril 1922.— Annuaire, Toronto, 1907–1922.— Carl Berger, The writing of Canadian history : aspects of English-Canadian historical writing since 1900 (Don Mills [Toronto], 1976).— Canadian annual rev., 1912, 1915.— Literary history of Canada : Canadian literature in English, C. F. Klinck et al., édit, (2e éd., 4 vol., Toronto, 1976–1990), 1.— G. L. Parker, The beginnings of the book trade in Canada (Toronto, 1985).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 1.— I. E. Wilson, « Shortt and Doughty : the cultural role of the Public Archives of Canada » (mémoire de m.a., Queen’s Univ., Kingston, Ontario, 1973).
Danielle Hamelin, « GLASGOW, ROBERT POLLOCK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 23 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/glasgow_robert_pollock_15F.html.
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Auteur de l'article: | Danielle Hamelin |
Titre de l'article: | GLASGOW, ROBERT POLLOCK |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 23 déc. 2024 |