Fondateur du village de Deschambault, Jacques-Alexis de Fleury Deschambault (mort en 1715) contribua à l’administration de la justice en Nouvelle-France pendant 25 ans. Il vint à Québec en 1671. Trois ans plus tard, il reçut un fief près de Portneuf de sa belle-mère, Éléonore de Grandmasion, qui lui céderait toute la seigneurie en 1683. Deschambault abandonna son existence de seigneur de campagne en 1690 pour occuper des charges de bailli, de procureur puis de juge royal à Montréal.

FLEURY DESCHAMBAULT (d’Eschambault), JACQUES-ALEXIS DE, bailli, procureur puis juge royal à Montréal, fondateur de la seigneurie et du village de Deschambault, baptisé le 7 novembre 1640 à Montaigu, France, fils de Jacques Fleury et de Perrine Gabar (Gabard), inhumé le 31 mars 1715 à Montréal.

Jacques-Alexis de Fleury Deschambault vint à Québec au début de 1671, avec le titre de « docteur ès lois et avocat au Parlement ». Six mois à peine après son arrivée, le 19 novembre, il épousait Marguerite de Chavigny de Berchereau, veuve de Thomas Douaire de Bondy et mère de quatre enfants. Sa belle-mère, Éléonore de Grandmaison*, veuve de François de Chavigny, possédait sur les bords du Saint-Laurent, près de Portneuf, un fief d’une lieue de largeur sur trois lieues de profondeur, encore peu exploité. Elle concéda d’abord à son gendre, le 22 avril 1674, une terre de 10 arpents de front. Jacques-Alexis alla s’y installer avec sa famille, et le recensement de 1681 lui attribue déjà 20 arpents de terre en culture et 16 bestiaux. Deux ans plus tard, en 1683, Éléonore de Grandmaison lui cédait toute la seigneurie, en échange d’une terre à l’île d’Orléans. Deschambault était encore le seul habitant de cette seigneurie. Il entreprit de la mettre en valeur, avec l’aide de ses enfants. L’année suivante, le nouveau seigneur prit part à l’expédition de Joseph-Antoine Le Febvre* de La Barre contre les Tsonnontouans (Sénécas). Il servit alors comme aide-major dans le bataillon de Québec. Un recensement de 1688 montre qu’il développait activement son domaine : il employait 3 domestiques et possédait 39 arpents en culture, 37 en pâturage et 34 bestiaux. Quatre familles de colons y étaient installées et trois autres en voie d’établissement. Deschambault vivait des produits de la terre et de la pêche ; il avait fait bâtir un manoir et un moulin. De plus, la seigneurie portait son nom.

Une profonde modification survint dans sa vie en 1690, qui lui permit d’abandonner son existence de seigneur de campagne pour retourner à la ville et reprendre ses études légales. Les Sulpiciens, seigneurs de Montréal, détenaient le droit de justice dans l’île ; leur bailli, Jean-Baptiste Migeon* de Branssat, venait de démissionner, à cause de son grand âge et de ses multiples affaires. Les Sulpiciens songèrent à l’ancien avocat Deschambault pour le remplacer. Mais le nouveau bailli eut du mal à se faire admettre. Migeon lui était défavorable et le Conseil souverain, désireux d’abolir la justice seigneuriale, opposa des délais, de sorte que Deschambault, nommé par l’abbé François Dollier de Casson en août 1690, ne put prendre possession de sa charge que le 21 novembre suivant. Il prononça alors une solennelle allocution, dont le texte a été conservé. Dans l’une de ses premières causes, il subit la mauvaise humeur du Conseil souverain, qui lui décerna un blâme et cassa son jugement.

Comme la population s’accroissait dans l’île de Montréal et aux environs, Louis XIV, en accord avec les Sulpiciens, établissait, par un édit du 15 mars 1693, la justice royale dans cette région. Le Conseil souverain désigna Charles Juchereau de Saint-Denys comme premier lieutenant général civil et criminel, et Deschambault devint procureur du roi, ce qui signifiait pour lui une diminution de responsabilités. Il l’accepta cependant assez bien et s’entendit très bien avec son collègue. En 1696, il dut interrompre momentanément ses fonctions pour accompagner le gouverneur Frontenac [Buade*] dans son expédition contre les Iroquois (Haudenosaunee) ; il commandait alors les milices de Montréal. Pendant plusieurs mois, en 1698, il remplaça le juge Juchereau, en voyage en France. Il le remplaça encore pour une période plus longue, en 1701, quand Juchereau, hanté par le goût des aventures, obtint un congé de trois ans et partit pour le Mississippi. Lorsqu’on apprit, à Montréal, la mort de ce magistrat aventureux, deux candidats briguèrent sa succession : Deschambault et Daniel Migeon* de La Gauchetière, fils de l’ancien juge. Sur l’avis de l’intendant Jacques Raudot, Deschambault fut nommé officiellement, en 1706, lieutenant général civil et criminel de Montréal. Propriétaire dun jeune esclave autochtone, il le fit baptiser la même année sous le prénom de Charles-Alexis.

Il eut à juger plusieurs causes difficiles et, dans l’une d’elles, ayant cru trop facilement les racontars de quelques bavards, il subit la cuisante humiliation de se voir suspendu pendant un mois par le Conseil souverain, pour « étudier les ordonnances », et condamné aux frais du procès. Il entra aussi plusieurs fois en conflit avec le gouverneur de Vaudreuil [Rigaud], qui désirait protéger ses anciens amis de Montréal. Deschambault s’en plaignit à la cour et le gouverneur lui fit subir de dures représailles, allant jusqu’à faire supprimer le banc des juges dans l’église de Montréal. Ces tracasseries ne nuisirent cependant pas à sa carrière, et il continua d’exercer la judicature jusqu’à un âge avancé. Il mourut à Montréal, en mars 1715, après avoir contribué à l’administration de la justice, en divers emplois, pendant 25 ans. Un de ses derniers actes judiciaires fut une singulière ordonnance de police, par laquelle il ordonnait aux habitants de Montréal d’entretenir « les banquettes » (trottoirs de bois) devant leurs maisons et leur interdisait de laisser les cochons courir les rues.

Deschambault avait eu sept enfants de son premier mariage avec Marguerite de Chavigny. L’aîné, Jacques* (1672–1698), fut missionnaire en Acadie ; le second, Charles (1674–1742), passa en France et devint négociant et armateur à La Rochelle ; Joseph* (1676–1755), sieur de La Gorgendière, épousa Claire Jolliet, fille de l’explorateur Louis Jolliet*, et continua la descendance canadienne de la famille ; Jeanne-Charlotte (1683–1763) épousa François Le Verrier puis Pierre de Cavagnial, marquis de Vaudreuil [Rigaud*] ; Simon-Thomas, sieur de La Janière, alla s’établir à la Martinique.

Après le décès de Marguerite de Chavigny, en 1705, Deschambault épousa, le 9 juillet 1708, Marguerite-Renée Denys, veuve de Thomas de Lanouguère* et fille de Pierre Denys de La Ronde et de Catherine Leneuf. Il devenait ainsi, par le jeu des alliances, le beau-père de Madeleine de Verchères [Jarret*]. Il n’eut pas d’enfants de ce second mariage et sa veuve lui survécut.

René Baudry

AN, Col., B, 32, f.14v. ; 33, f.381 ; 34, ff.344, 358 ; 35, f.307 ; Col., C11A 31, f.176 ; 33, ff.199, 201 ; Col., C11G, 2, f.118v. ; 3, ff.29ss ; 4, ff.203ss ; 5, ff.37ss.— Jug. et délib., II, VI, passim.— L’expédition de M. de La Barre contre les Iroquois en 1684, BRH, XXXI (1925) : 55.— Recensement de la seigneurie d’Eschambault, RHAF, IX (1954–55) : 439.— É.-Z. Massicotte, Ordonnance inédite de M. de Fleury Deschambault, concernant les rues de Montréal, en 1715, BRH, XXII (1916) : 81 ; Les tribunaux et les officiers de justice, MSRC, 3e sér., X (1916), sect. : 275, 284, 286.— [François Daniel], Histoire des grandes familles françaises du Canada (Montréal, 1867), 371–396.— Ægidius Fauteux, Réponse, BRH, XXXVIII (1932) : 59.— J.-J. Lefebvre, La famille Fleury Deschambault de La Gorgendière, MSGCF, III (1948–49) : 152–174.— P.-G. Roy, Jacques-Alexis de Fleury Deschambault, BRH, XXXVII (1931) : 705–713.

Bibliographie de la version modifiée :
Arch. départementales, Vendée (La Roche-sur-Yon, France), « État civil », Montaigu, 7 nov. 1640 : etatcivil-archives.vendee.fr/f/etatcivil/tableau/? (consulté le 3 juin 2024).— Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre darch. de Montréal, CE601-S51, 3 avril 1706. Robert Larin, « la Noblesse de la Nouvelle-France : un fait social accaparé par le pouvoir royal », Hist., économie et société (Malakoff, France), 37 (2018), 3 : 64–76.

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René Baudry, « FLEURY DESCHAMBAULT (d’Eschambault), JACQUES-ALEXIS DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fleury_deschambault_jacques_alexis_de_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
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Date de consultation:    20 déc. 2024