DOUCET, STANISLAS-JOSEPH, prêtre, patriote acadien, homéopathe, inventeur et auteur, né le 8 juillet 1847 à Bathurst, Nouveau-Brunswick, fils unique de François-Xavier Doucet, cultivateur, et de Rachel Boudrot (Boudreau) ; décédé le 1er décembre 1925 à Grande-Anse, Nouveau-Brunswick.

Après ses études primaires à Bathurst, Stanislas-Joseph Doucet étudia à la St Michael’s Academy, à Chatham, puis entra au grand séminaire de Montréal en septembre 1868. Le 31 juillet 1870, à Charlottetown, il fut ordonné prêtre pour le diocèse de Chatham, dont l’évêque, Mgr James Rogers*, assistait alors au Premier Concile du Vatican, où le dogme de l’infaillibilité pontificale fut consacré (c’est pourquoi Mgr Peter McIntyre*, évêque de Charlottetown, conféra l’ordination). Doucet fut tout de suite nommé vicaire à Tracadie, au Nouveau-Brunswick. En 1871, il devint curé et le demeurerait jusqu’à la fin de ses jours. Il œuvra successivement aux endroits suivants : à Shippagan en 1871–1872 avec la desserte des îles Lamèque et Miscou ; à Saint-Charles, dans le comté de Kent, de 1872 à 1877, avec la desserte de Richibucto ; à Pokemouche de 1877 à 1887 ; à Shippagan de 1888 à 1898 ; à Grande-Anse de 1898 à 1925. En 1900, Mgr Rogers le nomma vicaire général, poste qu’il occupa jusqu’au décès de l’évêque, en 1902. En novembre 1916, lorsque Mgr Thomas Francis Barry, alors évêque de Chatham, lui obtint de Rome une nomination de prélat domestique, l’abbé Doucet prit le titre de monseigneur. En 1920, quand Mgr Patrice-Alexandre Chiasson devint le premier évêque acadien du diocèse de Chatham, il le nomma à son tour vicaire général.

Considéré par ses contemporains comme un grand patriote, Doucet fut un des artisans de la « renaissance acadienne ». Il se fit remarquer à cinq des Conventions nationales des Acadiens tenues entre 1881 et 1921. Il y exprima ses idées sur les grands thèmes du nationalisme acadien, notamment le choix du jour de la fête nationale des Acadiens (1881) et de leur drapeau (1884) [V. Marcel-François Richard*]. En 1905, il y fit le bilan des réalisations acadiennes dans divers domaines ; en 1908, il y participa à la commission sur les relations entre les Acadiens des provinces Maritimes et des États-Unis ; en 1921, il s’y prononça en faveur de la protection de lieux historiques (la forteresse de Louisbourg et le fort Beauséjour).

En 1885, l'abbé Doucet avait pris une part active dans la fondation du Courrier des provinces Maritimes à Bathurst. Par la suite, entre 1890 et 1915, il utilisa les journaux à plusieurs reprises pour faire connaître son opinion sur des sujets aussi importants que la question linguistique. En 1896, il donna une conférence sur ce thème à la University of New Brunswick, à Fredericton ; il en publia le texte la même année à Saint-Jean sous le titre : Dual language in Canada : its advantages and disadvantages […]. Avec son ami et confrère, l'abbé Marcel-François Richard, il mena de plus la lutte pour la nomination d'un premier évêque acadien dans les Maritimes. Les Acadiens formaient à cette époque le groupe catholique majoritaire, tandis que les Irlandais catholiques occupaient tous les postes de commande dans l'Église. Quand Mgr Édouard-Alfred Le Blanc* fut nommé évêque de Saint-Jean, en 1912, l'abbé Doucet qualifia l'heureux événement de « grand arrangement ». La même année, il participa au Congrès de la langue française à Québec.

En politique, Doucet s’appliqua – en écrivant des articles dans les journaux, en prenant part à des réunions ou en signant des pétitions – à donner son appui aux candidats acadiens, provinciaux et fédéraux, qui tentaient de se faire élire au Nouveau-Brunswick. Dès 1904, et ce, jusqu’à la fin de sa vie, il s’intéressa à la désignation d’un deuxième sénateur acadien (il souhaitait que deux Acadiens soient simultanément membres du Sénat, dont Pascal Poirier* faisait partie depuis 1885). Il écrivit même à plusieurs premiers ministres à ce sujet.

Doucet joua un grand rôle dans l’établissement du collège du Sacré-Cœur à Bathurst, que les eudistes avaient d’abord ouvert à Caraquet en 1899 [V. Joseph-Théophile Allard* ; Prosper Lebastard*]. Un incendie survenu le 30 décembre 1915 détruisit le collège, que les eudistes installèrent provisoirement dans le noviciat-scolasticat qu’ils avaient déjà construit à Bathurst. Le 6 mars 1917, cette maison de formation fut à son tour la proie des flammes. Entre-temps, un long débat avait cours à propos de l’endroit où l’on allait rebâtir le collège. Mgr Doucet insista auprès de l’évêque du diocèse, notamment en faisant signer des pétitions, pour qu’il soit définitivement établi à Bathurst, où c’est finalement l’édifice destiné au noviciat qui accueillit les collégiens à partir de 1921.

Pour parfaire ses connaissances, Doucet fit quatre voyages, qui le menèrent en Europe et en Terre sainte (1886, 1900, 1922), ainsi qu’à l’Exposition universelle de Chicago (1893), et eut recours à la lecture. C’est surtout à titre d’homéopathe qu’il excella et qu’il fut le plus apprécié. Quand il avait été curé à Pokemouche, l’absence de médecin dans la région l’avait poussé à s’intéresser à cette méthode thérapeutique qu’il pratiquerait jusqu’à la fin de sa vie. Sa bibliothèque médicale comptait une soixantaine de livres récents et il était abonné à une revue spécialisée en homéopathie. Il faisait venir de Philadelphie, en Pennsylvanie, les médicaments dont il avait besoin pour soigner ses patients, qui habitaient à une quarantaine de milles à la ronde ; d’autres se procuraient par courrier les fameuses petites pilules blanches qui firent sa renommée. Pour simplifier les consultations, il numérotait ses médicaments ; de cette façon, les malades pouvaient renouveler leurs ordonnances sans devoir mémoriser les noms scientifiques. Surnommé l’« homme aux miracles » par certains de ses patients, il finit par agacer les médecins qui vinrent peu à peu s’établir dans la région, car il leur enlevait de la clientèle. En 1916, le docteur L.-G. Pinault, de Campbellton, se plaignit à l’évêque que l’homéopathe avait fait un mauvais diagnostic pour deux de ses patients.

Homme curieux et érudit, l’abbé Doucet fit également des expériences avec l’électricité. En 1891, il avait fait breveter, aux États-Unis et au Canada, un système de signalisation électrique pour le chemin de fer afin de prévenir les collisions sur les voies ferrées. L’invention semble avoir été utilisée par une compagnie de Philadelphie. En 1895, il suggéra la construction d’« un tunnel pour chars électriques » entre le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard. L’autodidacte donna aussi plusieurs conférences à titre d’astronome amateur. Il fabriqua un modèle réduit du système solaire qu’il exposa dans son presbytère. Pour expliquer le mouvement de rotation de la Terre, il installa un pendule dans le clocher de l’église de Grande-Anse. Il fut d’ailleurs l’artisan principal de cette église, dont il dessina les plans et construisit la maquette. De plus, il recueillit une partie de l’argent nécessaire à son érection au moyen de quêtes mensuelles, d’activités diverses dans les chantiers (des démonstrations à l’aide d’appareils électriques de son cru, par exemple) et de pique-niques. Les travaux de construction s’échelonnèrent de 1902 à 1912.

En 1905, le journal le Moniteur acadien, de Shédiac, fit paraître le seul poème que l’abbé Doucet écrivit en français : les Anges de la terre. Il publia deux poèmes en anglais, à Saint-Jean, sous forme de brochures : The soul : a philosophic poem en 1917 (dont une seconde édition, parue en 1923, comportait une centaine de vers de plus) et Emmanuel, the living bread, en 1922. En 1912, il avait composé, sur l’air de la Marseillaise, les paroles d’un chant patriotique, En avant !, qui fut très populaire chez les Acadiens au début du xxe siècle. Il jouait de plus du violon, du piano et de l’orgue.

À la mort de Mgr Stanislas-Joseph Doucet, l’Acadie a perdu un homme remarquable. Ses amis et collaborateurs appréciaient la « délicate diplomatie » dont il faisait preuve dans ses entreprises. Son érudition et ses aptitudes diverses ont impressionné ses contemporains.

Éloi DeGrâce

On trouvera une liste détaillée des sources et ouvrages utiles pour étudier la vie de Stanislas-Joseph Doucet dans notre volume, Mgr Stanislas-J. Doucet (Shippagan, N.-B., 1977). Plusieurs dépôts d’archives conservent des documents qui nous ont servi dans la préparation de ce volume : les Arch. des Pères eudistes (Charlesbourg, Québec), les Arch. du diocèse de Bathurst, N.-B., les archives des paroisses où Mgr Doucet a été curé, ainsi que le Centre d’études acadiennes, univ. de Moncton, N.-B., où se trouvent le fonds S.-J. Doucet et les fonds d’archives de plusieurs contemporains de Mgr Doucet. Les APNB ont une copie sur microfilm de son acte de baptême (MC290/F1456, 8 juill. 1847).

Les trois journaux acadiens de l’époque constituent des sources intéressantes pour qui veut étudier l’œuvre de ce personnage : Courrier des provinces Maritimes (Bathurst), l’Évangéline (Moncton) (plus particulièrement le 25 oct. 1923), et le Moniteur acadien (Shédiac, N.-B.) (plus particulièrement le 10 déc. 1925). [é. deg.]

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Éloi DeGrâce, « DOUCET, STANISLAS-JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/doucet_stanislas_joseph_15F.html.

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Auteur de l'article:    Éloi DeGrâce
Titre de l'article:    DOUCET, STANISLAS-JOSEPH
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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