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DOOLITTLE, PERRY ERNEST, cycliste, médecin, chirurgien, inventeur et automobiliste, né le 22 mars 1861 à Luton, Haut-Canada, fils d’Ira Scott Doolittle et de Sarah Jane Westover ; le 6 octobre 1886, il épousa à Toronto Emily Esther Pearson (1861–1956), et ils eurent un fils et une fille ; décédé le 31 décembre 1933 dans la même ville et inhumé au cimetière Mount Pleasant.
Fervent de bicyclette et d’automobile, Perry Ernest Doolittle représente bien les Canadiens de la fin du xixe et du début du xxe siècle qui adoptèrent ces nouveaux moyens de transport. Il naquit près d’Aylmer, dans le sud-ouest du Haut-Canada, au sein d’une famille méthodiste ; son père et sa mère étaient respectivement d’origine anglaise et allemande. Doolittle fréquenta la Trinity Medical School de Toronto, où il obtint en 1885 un doctorat en médecine et une maîtrise en chirurgie. Il s’installa ensuite dans la même ville, où il ouvrit un cabinet et se spécialiserait en électrothérapie (pour le traitement de l’arthrite) ainsi qu’en chirurgie, et y exercerait jusqu’à la fin de ses jours.
La première véritable passion de Doolittle fut non pas la médecine, mais la bicyclette. Il en reçut une à l’âge de sept ans. À l’adolescence, après avoir vu, dans la revue new-yorkaise Scientific American, des illustrations de grands bis à l’Exposition universelle de Philadelphie de 1876, il construisit son propre modèle avec un cadre en bois et des roues en acier. Sa bicyclette suivante, en fer, avait comme barre centrale le canon d’un vieux fusil. Il ne tarda pas à disputer des courses. Aux championnats canadiens de 1883, tenus à London, en Ontario, par la Canadian Wheelmen’s Association (CWA), Doolittle se classa deuxième dans l’épreuve de cinq milles, présidée par le journaliste sportif Philip Dansken Ross* ; l’année suivante, au même événement, il remporta le demi-mille sans les mains et la course à obstacles. Il gagnerait plus de 50 épreuves dans sa carrière.
Doolittle s’impliquait dans les associations avec enthousiasme. Quelques heures après la course de 1883, il fut élu vice-président de la CWA. Celle-ci, dont le siège se trouvait en Ontario, appuyait la construction et l’entretien de bonnes routes partout au pays, et publia à Hamilton l’éphémère mensuel Bicycle, dirigé par le journaliste Walter Cameron Nichol*. Dans les années 1880 et 1890, Doolittle soutint la CWA, plus particulièrement à titre de rédacteur, en 1895, du guide de voyage de l’association, Wheel outings in Canada […], qu’il dédia au gouverneur général lord Aberdeen [Hamilton-Gordon] et à lady Aberdeen [Marjoribanks]. Dans l’espoir d’attirer les touristes américains, Doolittle écrivit : « Si nous parvenons à vous convaincre qu’après tout, notre territoire n’en est pas un de neige et de glace perpétuelles, et que nulle part ailleurs les excursions estivales ne sont aussi agréables, nous aurons accompli la tâche que nous nous sommes donnée. » En 1890, il avait déjà abandonné la course, mais enfourchait sa bicyclette dans ses loisirs et offrait ses services de chirurgien aux membres du Toronto Bicycle Club (dont le secrétaire était Edmond Baird Ryckman, futur ministre fédéral). Avide bricoleur de bicyclettes, Doolittle avait aussi un esprit d’invention : en 1896 et en 1898, il fit breveter des freins à moyeu que, pendant un certain temps, on produisit commercialement et utilisa largement au Canada.
En 1896, au cours d’un séjour en Angleterre, qu’il fit afin d’obtenir un brevet britannique pour son invention, Doolittle tomba amoureux de l’automobile. Il en devint rapidement l’un des passionnés les plus notoires du Canada. « Il conduisait par pur plaisir et souhaitait que d’autres fassent de même », noteraient les auteurs Hugh Durnford et Glenn Harry Baechler. En 1899, Doolittle fut peut-être le premier au pays à acheter une voiture d’occasion, une Winton, de son ami James Robert Moodie, homme d’affaires de Hamilton. Doolittle compta parmi les premiers médecins de Toronto à visiter les patients en auto, et organisa très tôt des défilés automobiles dans la ville, auxquels Moodie et le marchand John Craig Eaton* participèrent. Il inventa aussi la jante amovible Doolittle et d’autres pièces de voiture. Ses idées ne connurent cependant pas toutes le succès : le jour où il essaya de réparer deux pneus à plat de la Winton en les remplissant de mélasse et de lait au lieu d’air, l’un d’eux éclata et une odeur qu’il qualifia « d’indescriptible » s’en libéra. En 1903, Doolittle devint président fondateur du Toronto Automobile Club, intégré, quatre ans plus tard, à l’Ontario Motor League, elle-même à l’origine de la Canadian Automobile Federation créée en 1913 – Doolittle présida la rencontre inaugurale – et rebaptisée Association canadienne des automobilistes (CAA) en 1916. Il en occuperait la présidence de 1920 jusqu’à sa mort.
Personnalité de renommée nationale, Doolittle réclama inlassablement de plus nombreuses et de meilleures routes. On lui doit peut-être, en partie, la Loi des grandes routes du Canada [V. Archibald William Campbell*], que le gouvernement unioniste de sir Robert Laird Borden instaura en 1919. Deux de ses connaissances, les premiers ministres de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick, George Howard Ferguson* et Pierre-Jean Veniot, firent construire des routes qui améliorèrent le transport dans leur province respective. Doolittle espérait établir des règles de circulation uniformes d’un bout à l’autre du vaste dominion, tâche difficile, car les règles étaient fixées à l’échelle locale et certaines provinces restreignaient l’utilisation des automobiles, même après leur augmentation en nombre. (Par exemple, l’Île-du-Prince-Édouard n’autorisa l’usage illimité de la voiture qu’en 1917, l’ayant d’abord interdit, puis permis les lundis, mercredis et jeudis seulement.) Les pressions soutenues de Doolittle provoquèrent néanmoins des changements : au début des années 1920, à la suite de débats houleux, les provinces Maritimes et la Colombie-Britannique passèrent à la conduite à droite sur la route, pratiquée partout ailleurs au Canada.
Doolittle effectua plusieurs traversées du pays en voiture. Sa plus célèbre se déroula en 1925, quand il conduisit de Halifax à Vancouver un modèle T fabriqué par la Ford Motor Company of Canada Limited de Gordon Morton McGregor*, qui parraina le périple. Il espérait remporter la médaille d’or offerte par Albert Edward Todd*, l’un des fondateurs de la Canadian Highway Association, à la première personne qui traverserait le Canada en automobile. Pendant les 40 jours que dura son voyage, Doolittle s’adressa régulièrement aux foules qui se déplaçaient pour le voir ; il les sensibilisa aux problèmes rencontrés par les automobilistes et souligna l’urgence de construire une autoroute transcontinentale au Canada. Il fit cette prédiction au sujet de l’aboutissement du projet : « Nous serons plus que jamais unis par des liens amicaux et sociaux d’un océan à l’autre. » Toutefois, le manque de voies praticables l’obligea à utiliser des roues ferroviaires pour circuler sur des rails sur plus de 800 milles du parcours ; il enfreignit ainsi la règle exigeant que le véhicule demeure en tout temps sur la route, ce qui lui coûta la médaille. (L’exploit de traverser le dominion strictement sur route ne se réaliserait qu’en 1946.) Doolittle reçut plus tard une autre forme de récompense : en août 1928, au cours d’un déjeuner à Toronto auquel participaient des personnalités influentes telles que le premier ministre Ferguson, le maire Samuel McBride, et les constructeurs automobiles Thomas Alexander Russell et Robert Samuel McLaughlin*, il se vit remettre un chèque de 5 000 $ de la part des « hommes de l’automobile » du pays en reconnaissance de ses « années de travail dans la promotion des voitures et des routes ».
Perry Ernest Doolittle, que la CAA acclamerait comme le « roi des routes canadiennes », mourut en 1933, la veille du jour de l’An, emporté à 72 ans par une pneumonie après un combat de plusieurs années contre un cancer de la prostate. À ses funérailles, Russell et le premier ministre George Stewart Henry* figurèrent parmi les porteurs honoraires. En 1934, à l’assemblée annuelle de la CAA, les représentants « se levèrent, tête inclinée, pour honorer en silence la mémoire du Dr Doolittle […] et réaffirmer leur dévouement aux nobles objectifs de l’association, auxquels il avait consacré, sans faillir, son énergie et ses talents exceptionnels : la réalisation de la route transcanadienne et l’uniformisation des règles de circulation dans tout le dominion ». Même si Doolittle ne put voir de son vivant l’achèvement de la route pancanadienne – le premier ministre John George Diefenbaker* l’inaugurerait en 1962 –, on le considère, pour reprendre les mots de la CAA, comme le « père spirituel de la route transcanadienne ».
Perry Ernest Doolittle est l’éditeur de Wheel outings in Canada and C.W.A. hotel guide (Toronto, 1895). Les UTARMS conservent un dossier de coupures de presse (A1973-0026/086(60)), qui contient des articles de journaux sur certains de ses discours publics. En utilisant le moteur de recherche Google Patents, on peut trouver plusieurs brevets de Doolittle, dont « Brake mechanism for bicycles » : www.google.com/patents/US576560 (consulté le 29 juin 2017) et « Detachable rim for pneumatic tires » : www.google.com/patents/US1018238 (consulté le 29 juin 2017).
Globe, 3 juill. 1883 ; 16 mai 1925 ; 28 août 1928 ; 1, 3 janv., 28 août 1934.— I. J. Bates, « The great Canada bicycle tour – part I », Outing and the Wheelman (Boston), 4 (avril–septembre 1884) : 97–106.— R. A. Collins, A great way to go : the automobile in Canada (Toronto, 1969).— « The C.W.A. meet », Outing and the Wheelman, 4 : 473–474.— D. F. Davis, « Dependent motorization : Canada and the automobile to the 1930s », Rev. d’études canadiennes (Peterborough, Ontario), 21 (1986–1987), no 3 : 106–132.— Hugh Durnford et Glenn Baechler, Cars of Canada (Toronto, 1973).— H. English, « The Toronto Bicycle Club », Outing (New York et Londres), 16 (avril–septembre 1890) : 490–491.— Daniel Francis, A road for Canada : the illustrated story of the Trans-Canada Highway (Vancouver, 2006).— F. G. Lenz, « What Frank G. Lenz, “Outing’s” correspondent, says of Toronto », Cycling (Toronto), 2 (26 nov. 1891–10 nov. 1892) : 405.— F. A. de Luna, « Rules of the road : left, right or down the middle ? », Beaver (Winnipeg), 73 (1993), no 4 : 17–21.— Glen Norcliffe, The ride to modernity : the bicycle in Canada, 1869–1900 (Toronto et Buffalo, N.Y., 2001).
Dimitry Anastakis et Christopher Pennington, « DOOLITTLE, PERRY ERNEST », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/doolittle_perry_ernest_16F.html.
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Auteur de l'article: | Dimitry Anastakis et Christopher Pennington |
Titre de l'article: | DOOLITTLE, PERRY ERNEST |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2020 |
Année de la révision: | 2020 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |