DAULÉ, JEAN-DENIS, prêtre catholique et auteur, né le 18 août 1766 à Paris, fils de Firmin Daulé, domestique, et de Marie-Madeleine Mireux ; décédé le 17 novembre 1852 à L’Ancienne-Lorette, Bas-Canada.
Jean-Denis Daulé appartenait à une modeste famille originaire de la Picardie. À l’époque de sa naissance, ses parents travaillaient à Paris comme domestiques dans une grande maison de la rue Saint-Eustache. Traités généreusement par leur maître, ils vivaient honorablement. Durant son enfance, le jeune Jean-Denis pouvait donc tous les jours se rendre aux Halles ou prier un peu dans l’église Saint-Eustache et y écouter la chorale de Saint-Sulpice qui avait une brillante renommée. C’était un des rares endroits à Paris où se donnaient encore des concerts de musique religieuse.
Ayant remarqué la mémoire étonnante et l’application de Daulé, ses premiers maîtres facilitèrent son entrée au séminaire des Pauvres. Il y fit ses humanités et commença ses études de théologie. À la fin de sa philosophie, dans un moment de ferveur, il se réfugia à la trappe de Sept-Fons. Mais sa trop grande jovialité l’empêcha d’être admis dans cet ordre d’austères religieux. Il revint au séminaire et reprit sa théologie. Il fut ordonné prêtre le 30 mars 1790, à l’âge de 23 ans.
Le 1er octobre 1791, l’Assemblée nationale constituante exigea des prêtres le serment à la Constitution civile du clergé. Comme beaucoup de ses confrères, Daulé refusa de prêter serment. Le 26 août 1792, la Convention adopta un décret draconien par lequel tout prêtre réfractaire devait quitter la France dans les 15 jours sous peine d’être déporté à la Guyane. Pour éviter le pire, Daulé s’enfuit de Paris ; il se rendit à Rouen, puis à Calais, et de là, en octobre de la même année, il traversa en Angleterre. Il rejoignit ainsi un grand nombre de ses compatriotes déjà installés à Londres. Un catholique du nom de Winter accueillit chez lui le prêtre réfugié qui lui enseigna le français et de qui il apprit l’anglais. On ne tarda pas à ouvrir des souscriptions pour venir en aide aux ecclésiastiques démunis, et le comité anglais de secours regarda le Bas-Canada comme un asile approprié à beaucoup de ces infortunés. Daulé posa sa candidature dès qu’il connut les vœux du comité.
Le 26 juin 1794, Daulé débarquait à Québec en compagnie de Jean-Baptiste-Marie Castanet*, François-Gabriel Le Courtois* et Louis-Joseph Desjardins*, dit Desplantes, avec pour tout bagage son bréviaire et son violon. À leur arrivée, ils offrirent leurs services à Mgr Jean-François Hubert*, évêque de Québec ; celui-ci les accueillit à bras ouverts, car le Bas-Canada avait à cette époque grand besoin de prêtres. Daulé passa l’été dans la maison de campagne du séminaire de Québec, à Saint-Joachim, comme invité du supérieur de l’institution, Henri-François Gravé* de La Rive. Le 1er octobre, il alla loger au collège des jésuites où vivait le dernier membre de cet ordre au Bas-Canada, Jean-Joseph Casot*. Il remplit pendant un an la fonction de vicaire de la paroisse Notre-Dame de Québec.
À la demande de Mgr Pierre Denaut*, nouvel évêque de Québec, Daulé prit en charge la paroisse Saint-Jean-Baptiste, aux Écureuils (Donnacona), le 15 août 1795. Le milieu connaissait de grandes difficultés. Sans curé de 1766 à 1786, la paroisse avait été desservie sporadiquement par les curés de Sainte-Famille, à Cap-Santé, ou de Saint-François-de-Sales, à Pointe-aux-Trembles (Neuville). Le prédécesseur de Daulé, Auguste-Pascal Tétreau, avait été en butte à la malice de ses paroissiens. De plus, l’exploitation d’un moulin sur les bords de la rivière Jacques-Cartier par George Allsopp*, marchand protestant de Cap-Santé, créait des problèmes. Près de 200 hommes, surtout des immigrants, travaillaient à ce moulin. Seuls dans ce milieu à être payés en espèces sonnantes chaque samedi, la plupart d’entre eux considéraient le dimanche comme un jour de plaisir où ils pouvaient employer leur argent à leur guise. D’ailleurs, ce travail rétribué attirait la main-d’œuvre de la paroisse qui se détournait du travail agricole, et la vie familiale ainsi que la pratique religieuse s’en ressentaient. Fin diplomate, parlant l’anglais, le nouveau curé multiplia ses visites au manoir Allsopp. Ses démarches lui gagnèrent la sympathie de cette famille influente. En outre, Daulé ne ménageait rien pour attirer les fidèles à l’église : il faisait des homélies entrecoupées de cantiques, qu’il composait lui-même et qu’il enseignait à ses paroissiens, et jouait du violon dont les accords séduisaient même les plus revêches.
Le 13 juin 1806, Daulé fut nommé aumônier des ursulines de Québec, poste qu’il occupa jusqu’en 1832. Il se sentit aussitôt à l’aise dans ses nouvelles fonctions. Esprit novateur, il associa les élèves du monastère aux cérémonies liturgiques ; il les préparait lui-même à chanter les cantiques qu’il avait mis en musique pour elles. C’est à cette époque que Daulé entreprit de rédiger un recueil de cantiques pour les offices religieux, en reconnaissance de l’accueil chaleureux qu’il avait reçu au Bas-Canada. Il s’assura la collaboration du colonel Joseph-François-Xavier Perrault, chef du corps de musique des Voltigeurs canadiens, qui lui fournit des chansons de l’ancien temps, qu’il transformait en cantiques. Marie-Félicité Baillairgé, fille de Pierre-Florent Baillairgé*, excellente musicienne et ancienne élève des ursulines, composa une bonne partie de la musique du recueil. L’ouvrage parut à Québec en 1819 sous le titre de Nouveau Recueil de cantiques à l’usage du diocèse de Québec [...]. Tout en exerçant ses fonctions d’aumônier, Daulé avait aussi desservi, en 1815 et 1816, la mission Notre-Dame-de-Foy, à Sainte-Foy.
Au cours des années 1820, Daulé subit cependant un affaiblissement progressif de la vue en raison des nombreuses heures de travail qu’il avait consacrées à la préparation de son recueil. Au printemps de 1832, Daulé, devenu presque aveugle, dut démissionner de son poste d’aumônier. Le 14 mai, il quitta à son grand regret le monastère des ursulines et fut envoyé à la nouvelle paroisse Saint-Roch où il œuvra comme prédicateur et confesseur. Puis il séjourna quelques mois à Trois-Rivières. Il se retira enfin chez Joseph Laberge, curé de la paroisse Notre-Dame-de-l’Annonciation, à L’Ancienne-Lorette, et plus tard dans une résidence que lui avait fait construire son protégé, l’instituteur François-Xavier Gilbert, qui vécut 20 ans dans son intimité.
Jean-Denis Daulé mourut à L’Ancienne-Lorette le 17 novembre 1852, à l’âge de 86 ans. Prêtre réfugié français, il s’était surtout distingué par le recueil de cantiques qu’il avait préparé au cours de son long ministère auprès des ursulines de Québec. Le peuple canadien-français répétait à l’envi ces strophes qu’il fit siennes. Elles traduisaient son émotion et sa prière dans un langage dont il était fier. Grâce à son talent d’auteur, Daulé put opérer sans heurt la transition d’un classicisme qui se survivait à un romantisme qui individualisera la poésie. À sa manière, il avait travaillé à la survie du caractère français au Bas-Canada.
Jean-Denis Daulé est l’auteur de : Nouveau Recueil de cantiques à l’usage du diocèse de Québec [...] et Airs notés pour servir au Nouveau Recueil de cantiques à l’usage du diocèse de Québec [...], publiés à Québec en 1819.
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Suzanne Prince, « DAULÉ, JEAN-DENIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 29 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/daule_jean_denis_8F.html.
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Auteur de l'article: | Suzanne Prince |
Titre de l'article: | DAULÉ, JEAN-DENIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 29 déc. 2024 |