DARBY, NICHOLAS, capitaine de navire et marchand, né vers 1720, peut-être à St John’s, Terre-Neuve ; il épousa le 4 juillet 1749 Hatty Vanacott, de Bridgwater, Angleterre, et ils eurent un fils et une fille ; décédé le 5 décembre 1785, en Russie.
Jeune encore, Nicholas Darby était déjà engagé dans les pêcheries de Terre-Neuve, en particulier le long des côtes nord de l’île, à titre de capitaine de navire. Il vivait certainement à St John’s en 1758, année où il se joignit à d’autres marchands pour contribuer à une souscription en vue de construire une nouvelle église pour Edward Langman, missionnaire de l’Église d’Angleterre à St John’s. Darby avait de fortes attaches dans la région du sud-ouest de l’Angleterre, et il résidait probablement à Bristol pendant l’hiver.
Vers la fin de la guerre de Sept Ans, le gouvernement britannique demanda aux marchands trafiquant à Terre-Neuve de donner leur avis sur la défense de l’île dans l’avenir. La Society of Merchant Venturers de Bristol envoya Darby présenter ses vues au Board of Trade ; il donna un compte rendu détaillé des opérations françaises de pêche, sur la côte française au nord du cap Bonavista, et de commerce avec les Inuit du Labrador. En 1763, Darby participa à la pêche au nord du cap Bonavista, à titre de copropriétaire d’un navire armé à Bristol.
En 1765, Darby se lança dans un projet qui, comme l’écrivit plus tard sa fille, était « aussi insensé et romantique que périlleux à tenter ». l’établissement de postes de pêche du phoque, du saumon et de la morue sur la côte sud du Labrador, aux environs du détroit de Belle-Isle, territoire n’appartenant aux Britanniques que depuis 1763. Avec 150 hommes venus d’Angleterre, il établit d’abord son quartier général à la baie des Châteaux, qui lui était familière.
Au début, Darby profita des lignes de conduite mises de l’avant par le gouverneur Hugh Palliser. Déterminé à ne souffrir sur la côte du Labrador que les pécheurs dont les navires avaient leur base en Angleterre, Palliser, en août 1765, chassa Daniel Bayne*, l’agent des marchands de Québec, et William Brymer de leur poste du cap Charles. On donna ensuite le poste de pêche à Darby, qui en fit son quartier général et y construisit des logements, un atelier et un échafaud. Il installa aussi des équipages de pêcheurs à d’autres endroits apparemment convenables de la région, comme Forteau et l’île aux Bois (Québec).
Bien qu’il trouvât les pêcheries du Labrador extrêmement productives, Darby éprouva bientôt des difficultés. Ses hommes refusèrent d’hiverner sur la côte et des pillards inuit brûlèrent les maisons ainsi que les bateaux, et détruisirent son sel. Ne se tenant pas pour battu, il s’associa avec Michael Miller, un marchand de Bristol, et fit voile vers le Labrador, à l’été de 1766, avec 180 hommes, des navires et de l’équipement pour une valeur de plus de £8 000. Pour assurer la protection de Darby, Palliser construisit, à la baie des Châteaux, une casemate connue sous le nom de fort York et y plaça une garnison ; certains hommes de Darby acceptèrent d’y hiverner. Mais l’expérience et les connaissances techniques requises pour une pêche fructueuse des phoques manquaient à Darby et à ses équipages qui découvrirent, comme l’avaient fait les marchands de Québec, que des Canadiens d’expérience et la possession permanente des lieux de pêche étaient indispensables. Malgré des pertes financières, Darby put amener 160 hommes en 1767, mais il éprouva des difficultés à maîtriser des équipages indisciplinés et commença à se brouiller avec les autorités. En août, par exemple, Palliser ordonna l’arrestation de dix de ses hommes, accusés de meurtre à la suite de batailles dans les postes.
La pêche au cap Charles se termina abruptement en novembre 1767, au moment où une bande d’ Inuit, cherchant apparemment à se venger des raids de baleiniers de la Nouvelle-Angleterre, attaqua un équipage qui se préparait à la pêche hivernale des phoques. Ils tuèrent trois hommes, chassèrent les autres, volèrent des bateaux et en brûlèrent, de même que de l’équipement, pour une valeur de plus de £4 000 [V. Francis Lucas*]. Les pertes de Darby amenèrent la dissolution de son association avec Miller et l’éparpillement de sa famille. Sa maison de Bristol dut être vendue, sa famille déménagea à Londres où les enfants furent placés dans des pensionnats. À l’insu de Darby, sa femme mit sur pied une petite école pour gagner de l’argent, ce qui heurta et offensa cet homme fier. À plusieurs reprises, il adressa en vain des requêtes au Conseil privé, dans l’espoir d’en recevoir quelque compensation.
En 1769, toutefois, Darby se faisait de nouveau, avec zèle, le promoteur d’un autre projet d’exploitation des pêcheries du Labrador et, avec l’aide d’amis, il put armer un navire à Londres. Cette fois, il engagea quatre Canadiens d’expérience pour l’aider dans sa pêche hivernale. Celle-ci se révéla un grand succès et, à l’été de 1770, Darby avait de l’huile et des fourrures de phoque, valant près de £1000, prêtes à être mises sur le marché. Mais, le 11 août, le lieutenant Samuel Davys, du fort York, arrivait au poste de Darby à Forteau et saisissait toutes ses marchandises et son équipement sous le prétexte qu’il employait illégalement des Français et utilisait du matériel de fabrication française. George Cartwright*, qui avait repris l’ancien poste de Darby au cap Charles, fournit à Davys un navire pour le transport jusqu’à St John’s des marchandises confisquées et des quatre Canadiens.
À la fin d’octobre, les Canadiens comparurent devant le gouverneur John Byron. Darby, abandonné sur la côte du Labrador, ne pouvait se défendre, et l’huile ainsi que les fourrures de phoque furent confisquées. De même que Bayne et Brymer avaient été, en 1765, évincés à son profit, Darby se vit chassé à son tour, le fruit de son labeur tombant aux mains de fonctionnaires comme Davys et de trafiquants, nouveaux favoris des hommes en place, comme Cartwright. Par la suite, de retour en Angleterre, Darby demanda au Board of Trade une compensation : il affirma avoir ignoré que ses Canadiens étaient des sujets français, « comme il a[vait] été allégué ». Le Board of Trade décida, cependant, qu’il n’avait point juridiction dans ce cas. La Cour du banc du roi lui accorda £650 de dommages contre Davys – somme insuffisante et, de toute manière, irrécupérable.
S’il est possible que Darby se soit rendu de nouveau sur la côte du Labrador après 1770, on connaît peu de chose de ses dernières années. Sa fille Mary, la fameuse Perdita, triompha sur les scènes de Londres et fut quelque temps la maîtresse du prince de Galles. Atteinte de fièvres rhumatismales à 24 ans, elle devint invalide et gagna sa vie en écrivant des poèmes et des histoires. Dans ses Memoirs [...], elle écrit que Darby commanda un petit navire armé pendant la Révolution américaine ; et, par la suite, à l’âge de 62 ans, entra dans la marine russe et mourut trois ans plus tard.
Marin capable et courageux, Darby fut un des premiers à tenter d’établir des postes de pêche exploités à longueur d’année sur la côte du Labrador. Mais ses piètres relations avec les Inuit et son manque de connaissances techniques relatives aux pêcheries hivernales lui valurent d’inévitables conflits et précipitèrent sa ruine. Par la suite, des entrepreneurs réussirent à éviter ces écueils, du moins en partie : Cartwright, par exemple, gagna la confiance des Inuit. Il est honnête d’ajouter que, dans les années 1770, l’autorité britannique relâcha son étroite mainmise sur les pêcheries du Labrador, permettant ainsi aux trafiquants de vaquer plus librement à leurs affaires et de jouir de droits de propriété plus étendus dans leurs postes de pêche.
BL, Add. mss 35 915, ff.92–93.— PANL, GN2/2, 20 sept. 1763, 9, 15 août 1767, 2 oct. 1770.— PRO, CO 194/15, ff.45–46 ; 194/16 ; 194/18, ff.82–84 ; 391/69, ff.310–311 ; 391/71 ; 391/78 ; 391/79 ; PC 2/113, ff.467, 576.— Soc. of Merchant Venturers (Bristol, Angl.), Letterbooks and books of proceedings, 1762–1763.— George Cartwright, A journal of transactions and events, during a residence of nearly sixteen years on the coast of Labrador [...] (3 vol., Newark, Angl., 1792).— Mary [Darby] Robinson, Memoirs of the late Mrs. Robinson, written by herself, M. E. Robinson, édit. (4 vol., Londres, 1801), I : 18 ; II : 22.— W. G. Gosling, Labrador : its discovery, exploration, and development (2e éd., Londres, 1910).— A. M. Lysaght, Joseph Banks in Newfoundland and Labrador, 1766 : his diary, manuscripts and collections (Londres et Berkeley, Calif., 1971).
William H. Whiteley, « DARBY, NICHOLAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 23 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/darby_nicholas_4F.html.
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Auteur de l'article: | William H. Whiteley |
Titre de l'article: | DARBY, NICHOLAS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 23 déc. 2024 |