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CURRIE, JOHN ALLISTER (Alistar), marchand, journaliste, officier de milice, auteur, homme d’affaires, homme politique et officier dans l’armée, né le 25 février 1862 à Nottawa, Haut-Canada, fils de John Currie et de Catherine McAllister ; le 6 juin 1893, il épousa à Toronto Elizabeth Helen Sparks (décédée le 2 avril 1938), et ils eurent une fille ; décédé le 28 juin 1931 à Miami, Floride.
Les parents de John Allister Currie, tous deux immigrants écossais, s’installèrent dans le comté de Simcoe, dans le Haut-Canada. John Allister étudia à l’école publique à Nottawa, puis au collegiate institute de Collingwood. Il fut apprenti quincaillier durant cinq ans, avant de se tourner vers le journalisme. De 1886 à 1897, il travailla comme reporter, d’abord à l’Evening News de Toronto, puis au Toronto Daily Mail, qui deviendrait le Mail and Empire à la suite d’une fusion en 1895. Talentueux et doté d’un esprit de compétition, Currie gravit rapidement les échelons et parvint à représenter son journal à la tribune de la presse de l’Assemblée législative. Il collabora aussi à des magazines et, en 1892, publia un recueil de poèmes qu’il avait écrits pour le plaisir.
Au milieu des années 1890, le Mail and Empire envoya Currie en Colombie-Britannique pour y réaliser des reportages sur la ruée vers l’or ; cette expérience en particulier, peut-être, l’amena à faire de la prospection et des affaires. Il travailla comme courtier en mines à Toronto et, en 1897, fonda avec des collègues la Standard Stock and Mining Exchange, qui, en 1899, fusionna avec sa rivale, la Toronto Stock and Mining Exchange (puis, en 1934, avec la Bourse de Toronto). En 1905, Currie et d’autres entrepreneurs constituèrent juridiquement l’Imperial Steel and Wire Company Limited à Collingwood, qui fabriquait des clôtures, des crampons et clous de métal, des treillis métalliques et des grillages. Currie fut directeur général puis président de cette entreprise.
De plus en plus intéressé par la politique, Currie se présenta comme candidat conservateur dans la circonscription de Simcoe North aux élections fédérales de 1904, mais perdit. Il remporta néanmoins le siège en 1908 et serait réélu en 1911. Il exprima l’opposition de son parti à la réciprocité prônée par William Stevens Fielding* pour le compte des libéraux de sir Wilfrid Laurier*. Par ses efforts, Currie avait contribué en 1910 à la modification d’une politique douanière dans le but de protéger les marchés charbonniers de la Nouvelle-Écosse, touchés par la concurrence de la Pennsylvanie.
Connu dans les milieux d’affaires et politiques, Currie jouait aussi un rôle actif dans la milice locale. On l’avait choisi comme l’un des quatre premiers capitaines du 48th Battalion of Infantry (Highlanders) au moment de sa création en 1891, à l’instigation, notamment, d’Alexander Fraser [V. John Irvine Davidson*]. Currie fut promu major en 1908, puis lieutenant-colonel et commandant en 1913. Lorsque le Canada s’engagea dans la Première Guerre mondiale en août 1914, il figura parmi les premiers de sa communauté à embrasser la cause. Il porta volontaire le 48th Regiment (Highlanders) pour servir ; en septembre, à son arrivée à Valcartier, au Québec, l’unité devint le 15e bataillon d’infanterie. Ce dernier, composé de 46 officiers et de 1 109 hommes d’autres grades, atteignit l’Angleterre le 14 octobre, où il se fit connaître parmi les Britanniques sous le surnom de Red Watch. Quatre mois plus tard, il se rendit en France en tant que bataillon de la 3e brigade canadienne d’infanterie de la 1re division, sous le commandement du brigadier-général Richard Ernest William Turner* et dont Garnet Burk Hughes était le major de brigade.
Currie commanda le 15e bataillon d’infanterie à Neuve-Chapelle en mars 1915 et durant la deuxième bataille d’Ypres (Ieper), en Belgique, où, le 22 avril, les Allemands utilisèrent pour la première fois le gaz chloré contre les Alliés ; une autre attaque suivit deux jours plus tard à Saint-Julien (Sint Juliaan). Apparemment, ces tirs de barrage le submergèrent d’horreur ; cette expérience influencerait fortement ses actions après la bataille. Currie déclara s’être retrouvé très près du nuage de gaz et avoir encouragé ses hommes à tenir encore une fois le coup. Certains affirmèrent plutôt qu’il avait perdu son sang-froid et s’était enfui. Des rumeurs au sujet d’une possible comparution devant une cour martiale circulèrent. Currie abandonna ses fonctions de commandant en juin et fut hospitalisé en Angleterre. Le mois suivant, on le renvoya au Canada, où il participa au recrutement et à la formation militaires. Promu colonel, il prit le commandement de la 2e brigade au camp Borden, en Ontario.
Après son service dans l’armée, Currie éprouva le désir de transmettre sa connaissance de la guerre. Son livre intitulé « The Red Watch », plusieurs fois réimprimé, fournit un portrait détaillé de l’expérience des soldats et contribua à la montée du sentiment national. Currie insistait sur la nécessité de défendre les Britanniques (qui, pour beaucoup de gens, comprenaient les Canadiens en tant que membres de l’Empire britannique) contre les « envahisseurs huns », et espérait que sa description de la « vie et des incidents de campagne communs à presque tous les corps sur le terrain encourage[rait] tous les jeunes hommes à “prendre leur place dans les rangs” et à porter les armes pour le roi et l’Empire ». Il exprimait une fierté évidente : « Dès qu’un homme revêtait l’insigne d’épaule en bronze avec l’inscription “Canada”, il devenait un Canadien, et oubliait [le reste]. On ne mentionnait pas s’il était de souche britannique, canadienne-française ou canadienne. » Pour Currie, les troupes canadiennes étaient clairement sans égal : le général sir Horace Lockwood Smith-Dorrien l’avait informé que, à l’instar d’autres Britanniques, il avait été « très surpris de voir que les Canadiens étaient d’excellents soldats, aussi bien entraînés que tout soldat britannique venu en France ». Comme l’écrivit Currie, les Canadiens avaient « été dans les tranchées à leurs côtés, et [avaient] pris le contrôle de leurs tranchées et étaient convaincus de pouvoir faire [leur] travail en toute occasion aussi bien que n’importe quelle division de l’armée britannique ». Mis à l’épreuve à Ypres, ils avaient maintenu leur position.
Currie consacra la plupart de ses années d’après-guerre à la politique, manifestant « certaines tendances à l’agressivité peut-être caractéristiques de son ascendance écossaise. Il n’épargnait en général ni ses amis ni ses ennemis dans la poursuite de ce qu’il considérait comme son devoir », rapporterait-on en 1934. Resté député de Simcoe North durant la guerre, Currie fut réélu en 1917 sous l’étiquette du Parti unioniste de sir Robert Laird Borden. À la Chambre des communes, il acquit une réputation de « pétrel-tempête ». Après la guerre, il se présenta de nouveau, comme candidat conservateur, mais fut battu en 1921. Si sa candidature à la mairie de Toronto en 1924 se solderait également par une défaite, il remporta néanmoins une élection partielle en 1922 et occupa un siège à Queen’s Park à titre de député provincial de la circonscription de Toronto Southeast. Il fut réélu en 1923, lorsque les conservateurs, dirigés par George Howard Ferguson*, vainquirent Ernest Charles Drury* et les Fermiers unis de l’Ontario, et prirent le pouvoir. Currie siégea à plusieurs comités permanents, dont ceux liés aux comptes publics, à l’imprimerie, au droit municipal, et à la pêche et à la chasse. En 1926, il fut réélu à l’Assemblée législative, cette fois pour représenter la circonscription de St Patrick. Ses idées sur diverses questions, notamment son opposition à l’Ontario Temperance Act, déplurent parfois à ses collègues, et, en 1929, il n’obtint pas l’investiture du Parti conservateur. Il persuada sa fille, l’avocate Helen Whitfield Currie, de se présenter dans St Patrick comme conservatrice indépendante, mais elle perdit.
Currie avait fait la manchette en 1928, au moment où le général sir Arthur William Currie avait intenté un procès en diffamation contre un propriétaire de journal et un journaliste. En raison de la confusion entourant le comportement de John Allister au cours de la deuxième bataille d’Ypres et de l’événement qu’on appelait l’incident de la tranchée-abri, il fut assigné comme témoin de la défense. Il agit de façon perturbatrice et parla quand ce n’était pas son tour. Comme John Allister négligea les avertissements répétés d’outrage au tribunal, le shérif le démit de sa charge. D’après un compte rendu, « il partit avec un petit sourire narquois ».
Si tous ne louaient pas les manières de John Allister Currie, beaucoup admiraient ses actions déterminées. Selon un de ses contemporains, « [il] lisait énormément et [était] extraordinairement bien informé sur un large éventail de sujets ». Presbytérien, franc-maçon et orangiste, il faisait partie de la Société calédonienne et de la St Andrew’s Society. Amateur de chasse et de curling, il avait pratiqué l’escrime dans sa jeunesse. À Toronto, il fonda la Military Indoor Baseball League et le Miniature Rifle Club, tous deux associés au 48th Regiment (Highlanders). Dans la même ville, il appartenait aussi à l’Albany Club, au Canadian Club et à l’Empire Club. En mauvaise santé durant les deux dernières années de sa vie, il mourut dans un hôpital de Miami le 28 juin 1931. On l’inhuma au cimetière Mount Pleasant de Toronto.
John Allister Currie est l’auteur d’un recueil de poèmes, A quartette of lovers (Toronto, 1892), et d’un ouvrage sur l’histoire militaire, « The Red Watch » : with the First Canadian Division in Flanders (Londres, 1916). Le 25 août 1914, dans un éditorial publié dans la Canadian Military Gazette de Montréal (p.12), il a prédit l’avénement de la guerre de tranchées.
BAC, R611-81-4 (15e bataillon d’infanterie canadienne) ; RG9-III-D-3 (Journal de guerre – 15e bataillon d’infanterie canadien) ; RG 150, Acc. 1992–93/166, boîte 2233-22.— Canada, Ministère de la Défense nationale, Dir. Hist. et patrimoine (Ottawa), dossier biogr., boîte 57, J. A. Currie.— Northern Advance (Barrie, Ontario), 2 juill. 1931.— Toronto Daily Star, 29 juin 1931.— Canada, Chambre des communes, Débats, 1916.— Canadian annual rev., 1915.— Canadian directory of parl. (Johnson).— Tim Cook, At the sharp end : Canadians fighting the Great War, 1914–1916 (Toronto, 2007) ; No place to run : the Canadian Corps and gas warfare in the First World War (Vancouver et Toronto, 1999).— N. [M.] Greenfield, Baptism of fire : the second battle of Ypres and the forging of Canada, April 1915 (Toronto, 2007).— Andrew Iarocci, Shoestring soldiers : the 1st Canadian Division at war, 1914–1915 (Toronto et Buffalo, N.Y., 2008).— National encyclopedia of Canadian biography, J. E. Middleton et W. S. Downs, édit. (2 vol., Toronto, 1935–1937), 1.— R. J. Sharpe, The last day, the last hour : the Currie libel trial ([Toronto], 1988).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 1.— W. F. Stewart, The embattled general : Sir Richard Turner and the First World War (Montréal et Kingston, Ontario, 2015).— Who’s who in Canada, 1928–1929.
John MacFarlane, « CURRIE, JOHN ALLISTER (Alistar) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/currie_john_allister_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/currie_john_allister_16F.html |
Auteur de l'article: | John MacFarlane |
Titre de l'article: | CURRIE, JOHN ALLISTER (Alistar) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2021 |
Année de la révision: | 2021 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |