COGHLAN, JEREMIAH, négociant et armateur ; il épousa une certaine Joanna, et de ce mariage naquirent quatre fils et une fille ; circa 1756–1788.
Jeremiah Coghlan commanda plusieurs navires marchands de Bristol au cours de voyages en Méditerranée, aux Antilles et en Amérique du Nord dans les années 1750. À la tête d’un vaisseau de commerce, il passa par Terre-Neuve en 1756 et, en 1762–1763, y fit un voyage à son propre compte sur le Lovely Joanna, navire de 25 tonneaux ayant à son bord un équipage de cinq hommes. À l’été de 1764, Coghlan était établi dans le commerce de la pêche dans l’île de Fogo au large de la côte nord-est de Terre-Neuve en tant qu’entrepreneur indépendant et agent des marchands de Bristol.
L’année suivante, sous la protection du gouverneur Hugh Palliser qui encourageait la mise en valeur d’une pêcherie au Labrador, Coghlan établit un poste de chasse du phoque à la baie des Châteaux, près du détroit de Belle-Isle, et équipa un sloop armé pour chercher le long de la côte nord des endroits où on pourrait mettre sur pied des pêcheries de morue et de saumon. Il devint rapidement un des piliers de la communauté de Fogo et, en 1769, le gouverneur John Byron le nomma intendant du commerce du port. Coghlan retournait chaque automne à Bristol où il habitait une vaste maison, rue Trinity.
En 1769, Coghlan s’associa à Thomas Perkins de Bristol ; par la suite se joignirent à eux deux hommes qui connaissaient bien le Labrador : George Cartwright*, ancien officier de l’armée, et Francis Lucas* qui avait servi dans la garnison navale de la baie des Châteaux. Ils installèrent au cap Charles, au nord de la baie des Châteaux, un poste dont Cartwright eut la direction ; Lucas, lui, fut envoyé dans le nord pour faire le commerce avec les Inuit. Malheureusement, en 1770, Lucas se perdit en mer lors de son voyage de retour en Europe, et Coghlan jugea prudent de mettre fin à ses relations avec Cartwright, « ayant dû subir une lourde perte » (son association avec Perkins sera dissoute en 1773). Alors, Coghlan et Cartwright se partagèrent grosso modo la côte du Labrador au nord de la baie des Châteaux : Cartwright gardait le cap Charles et, plus au nord, la baie de Sandwich, tandis que Coghlan prenait la côte située entre les deux.
Coghlan prospéra graduellement : il poursuivait la pêche de la morue en été, chargeant des équipages de chasser le phoque et de faire la cueillette des fourrures en hiver, ainsi que de pêcher le saumon au printemps. Dès 1777, il pouvait se vanter d’employer quatre fois plus d’hommes que Cartwright, « ayant été élevé dans ce commerce », et il envoyait régulièrement deux navires par an sur la côte du Labrador. Au faite de sa carrière, Coghlan employait annuellement entre huit et dix navires pour transporter du ravitaillement à Terre-Neuve et au Labrador, et pour rapporter en Angleterre des chargements de morue, de saumon, de fourrures, de peaux de phoque et d’huile. Les diverses cargaisons en partance pour l’Amérique comprenaient presque tout ce qui répond aux besoins essentiels des groupes isolés : des boucauts de pain, de biscuits, de porc et de bœuf, des barillets de beurre, des pipes d’huile d’olive et de vinaigre, des cartons de savon et de chandelles, des ballots de vêtements, de chapeaux et de gants et des tonneaux de ficelle, de sel et autres approvisionnements pour la pêche.
Dès 1776, Coghlan était devenu le bras droit du gouverneur dans le nord-est de Terre-Neuve. Il faisait observer le paiement des droits de douane, expédiait à St John’s ceux qui violaient la loi et recrutait des hommes pour défendre Québec contre les Américains. Pendant la guerre d’Indépendance américaine, il collabora étroitement avec les gouverneurs à la défense de Terre-Neuve, et ses établissements en sortirent en bonne partie indemnes. Toutefois, à l’été de 1778, le corsaire américain John Grimes fit son apparition sur la côte du Labrador. Il mit à sac l’installation de la baie des Châteaux, attaqua les postes de Coghlan sur la rivière Alexis et saisit l’un de ses navires. Craignant une attaque sur Fogo même, Coghlan convoqua une réunion des marchands de l’endroit, « mais ce fut à grand-peine qu’il put obtenir ne fût-ce que le suffrage d’un seul Anglais prêt à l’appuyer, alors qu’il y avait 250 hommes robustes aptes à porter les armes ». Il décida de se fier à ses propres gens : il prépara son navire le plus grand, le Résolution, de manière à pouvoir se défendre. Le gouverneur John Montagu dépêcha deux navires de guerre pour intercepter Grimes mais ce dernier s’échappa après avoir dépouillé Cartwright à la baie de Sandwich. Ce fut un Coghlan reconnaissant qui fit parvenir au gouverneur une adresse de remerciements signée par 67 marchands et pêcheurs de Fogo qui s’étaient portés ensemble, en armes, comme volontaires sous les ordres du « colonel-commandant » Coghlan. Au printemps de 1779, Coghlan demanda des armes au gouverneur Richard Edwards pour lui permettre de défendre Fogo et, en août, un navire de guerre lui livra 200 mousquets. À l’été de 1780, Edwards lui fournit quatre canons de 6 pour Fogo et trois canons de 6 pour son poste de Spear Harbour, à l’embouchure de la rivière Alexis. En outre, pendant le reste du conflit, des navires de la flotte de Terre-Neuve patrouillèrent régulièrement la côte sud du Labrador et escortèrent les bateaux des marchands du Labrador à St John’s à l’automne. De son côté, Coghlan continuait à faire faire l’exercice à ses soldats-pêcheurs, armait ses pièces d’artillerie dans des forts construits à la hâte ; sa vigilance était telle qu’aucun corsaire n’osait l’attaquer.
Vers la fin de la guerre, à la suite de bruits qui s’étaient mis à circuler sur sa solvabilité, Coghlan dut prendre des mesures judiciaires. En septembre 1781, son fils aîné saisit le gouverneur Edwards d’une requête en réparation à St John’s. La preuve dont disposait Coghlan comprenait des lettres écrites par Cartwright, son associé d’autrefois, et par John Codner, un marchand de St John’s, lesquelles jetaient le doute sur la validité de ses notes de crédit. Il fut facile à Edwards de déclarer que ces rumeurs étaient « malveillantes, sans fondement et colportées assidûment dans le but de nuire au commerce et au crédit dudit Jeremiah Coghlan ».
L’ironie voulut que les on-dit ne fussent que trop vrais, ou alors ils eurent l’effet escompté car Coghlan se vit acculé à la banqueroute en juillet 1782. La nouvelle jeta Fogo dans le désarroi, et le gouverneur John Campbell envoya l’un de ses capitaines aider à clarifier la situation. On confisqua le poisson et l’huile de Coghlan ainsi que d’autres biens pour payer les salaires des pêcheurs et ses dettes. Il semble qu’il ait continué plus ou moins activement son commerce à Terre-Neuve car, en 1788, il protestait auprès de Palliser au nom des marchands anglais contre les pêcheurs des Bermudes nouvellement installés sur le Grand-Banc. Mais par la suite, on connaît peu de chose à son sujet. On croit qu’il était le père de Pamela Simms qui, plus tard, épousa le patriote irlandais, lord Edward Fitzgerald ; cependant, aucun document n’appuie cette légende de Terre-Neuve.
Il est très probable que, pendant les années 1770, Coghlan ait été le marchand le plus en vue dans le nord de Terre-Neuve et sur la côte du Labrador. On rencontrait ses équipages de pêche, de chasse au phoque, de cueillette des fourrures sur les côtes de Terre-Neuve depuis la rivière des Exploits jusqu’à Sainte-Barbe ; sur la côte du Labrador, ils s’étendaient de la baie des Châteaux jusque loin dans le nord, peut-être même jusqu’à l’inlet de Hamilton. Coghlan était le type du négociant du sud-ouest de l’Angleterre ayant réussi, pour un temps du moins, à exercer une pêche saisonnière et à exploiter de nouvelles régions sur la côte du Labrador. Cependant, l’écroulement de son empire fut rapide et total.
On peut retrouver des traces du séjour de Jeremiah Coghlan à Bristol dans les archives de la paroisse St Augustine au Bristol Record Office – les registres de la taxe des pauvres, 1761–1783 ; ceux de la taxe d’éclairage et de nettoyage, 1761–1764, 1770–1786 ; et ceux des taxes foncières, 1763–1764, 1766–1769, 1770, 1780–1787 – et dans les registres des baptêmes, mariages et sépultures, 1738–1791, conservés par l’église St George (Bristol). Concernant les cargaisons que les navires de Coghlan transportaient à Terre-Neuve, on trouvera des renseignements dans les Bristol Presentments, exports, 1773–1780, à la Bristol Reference Library. Même si Coghlan n’appartenait pas à la Society of Merchant Venturers, le livre de commande du Seamen’s Hospital, 1747–1769, le livre no 1 de l’Hospital for Decayed Seamen, 1748–1787, et les rôles d’équipages des navires, 1751–1794, conservés dans les archives du Merchants’ Hall (Bristol), font plusieurs fois mention de ses navires.
On trouvera beaucoup de renseignements sur la carrière de Coghlan à Terre-Neuve dans la correspondance du département du secrétaire aux Colonies (GN2/1) des PANL, en particulier dans les volumes 3–9. Des mentions éparses apparaissent dans PRO, CO 194/21 et 194/34. Le journal du gouverneur John Montagu pour l’année 1778, PRO Adm. 50/17, contient un bon compte rendu des attaques des corsaires sur la côte du Labrador et de l’action courageuse de Coghlan. Les journaux inédits des marchands de Trinity, Isaac et Benjamin* Lester, au Dorset Record Office, Dorchester (D.365), comportent plusieurs allusions à l’activité de Coghlan, de 1765 à 1782. Des extraits dactylographiés de ces journaux se trouvent dans les archives du Maritime History Group de la Memorial University of Newfoundland, à St John’s (MHG-B-2A ; MHG-B-2B). Il est aussi fait mention de Coghlan dans l’ouvrage de George Cartwright, A journal of transactions and events, during a residence of nearly sixteen years on the coast of Labrador [...] (3 vol., Newark, Angl., 1792).
La documentation imprimée relative à Coghlan est rare en général, si l’on excepte ses prétendus rapports avec Pamela Simms. On trouve des allusions éparses dans W. G. Gosling, Labrador : its discovery, exploration, and development (2e éd., Londres, 1910), et Prowse, History of Nfld., et des mentions de ses navires dans Lloyd’s list (Londres), 1763–1781. Au sujet de Pamela Simms, consulter S. P. Whiteway, « The romantic Pamela Simms, wife of Lord Edward Fitzgerald, the Irish rebel » (communication lue devant la Newfoundland Hist. Soc., St John’s, le 31 mars 1942), qui tend à minimiser ses relations à Terre-Neuve. On lira cependant une opinion toute contraire dans William Pilot, « This Newfoundland girl might have become queen of France », The book of Newfoundland, J. R. Smallwood, édit. (6 vol., St John’s, 1937–1967), V : 137–142. La biographie de Pamela Fitzgerald, dans le DNB, laisse croire qu’elle naquit dans l’île de Fogo, mais elle ne fait aucune allusion à Coghlan. [w. h. w.]
William H. Whiteley, « COGHLAN, JEREMIAH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/coghlan_jeremiah_4F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/coghlan_jeremiah_4F.html |
Auteur de l'article: | William H. Whiteley |
Titre de l'article: | COGHLAN, JEREMIAH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 22 nov. 2024 |