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CHARLEBOIS, JOSEPH (baptisé Joseph-Charles-Théophile) (il utilisa les pseudonymes Mathias, Josepho, Sorel, Basibi et Jos Kerr), fonctionnaire, artiste, propriétaire de journal, auteur et professeur, né le 5 mars 1872 dans la paroisse Notre-Dame, Montréal, fils de Charles-Théophile Charlebois et de Marie-Olive-Caroline Lauzon ; le 4 octobre 1898, il épousa dans la paroisse Saint-Jacques-le-Majeur, Montréal, Blanche Herard (décédée le 5 novembre 1924), et ils eurent quatre enfants, puis, en secondes noces, entre 1924 et 1928, à New York, Bernardina Thor ; décédé le 20 octobre 1935 à Montréal et inhumé trois jours plus tard au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, dans la même ville.
Le grand-père de Joseph Charlebois était originaire de Saint-Joseph-de-Soulanges (Les Cèdres, Québec). Son père naquit à Saint-Polycarpe en 1846. Il s’installa à Montréal en 1871 et y demeura jusqu’à sa mort en 1930. Établi à son compte comme peintre décorateur et peintre d’enseigne, tapissier et vitrier, il attira l’attention de la presse qui mentionna la qualité de ses fresques et de ses décors d’intérieur, notamment en 1893, lorsqu’il effectua des travaux à l’hôtel de ville de Montréal.
Joseph fit ses études à l’académie commerciale catholique de Montréal, dirigée par Urgel-Eugène Archambeault*. Cette école offrait des cours de dessins dès la première année. Entre 1879 et 1887, environ, Charlebois y aurait appris à manier le crayon et le fusain auprès du peintre d’origine suisse Joseph-F. Brouchoud et du peintre décorateur d’origine italienne Luigi Giovanni Vitale Capello*. En 1890, il entra comme commis au département de la voirie de la ville de Montréal. Il fut promu dessinateur trois années plus tard et grimpa ensuite les échelons, devenant dessinateur adjoint en 1898, puis dessinateur en chef, poste qu’il occupa de 1907 à 1910. En tant que fonctionnaire, il exécutait des dessins techniques, des plans et des cartes, mais aussi des enluminures pour les adresses que l’hôtel de ville destinait à ses invités de marque, tels que le roi Édouard VII en 1902, le cardinal Désiré-Joseph Mercier de Belgique en 1910 et le roi George V en 1911. Il avait présenté, en 1900, à l’Exposition universelle de Paris, une enluminure réalisée pour la Cour suprême de l’ordre indépendant des forestiers, société de secours mutuel. En 1903, il exposa des caricatures et des enluminures à la First annual loan and sale exhibition de la Newspaper Artists’ Association, à Montréal. Le fils de l’artiste, Roland-Hérard Charlebois, se distinguerait lui aussi comme enlumineur.
Parallèlement à son emploi de fonctionnaire municipal, Charlebois poursuivit une carrière de caricaturiste dans la métropole. De décembre 1899 à décembre 1902, il collabora à l’hebdomadaire libéral les Débats. En 1903, il lança son premier album, Nos p’tites filles : en caricature, numéro liminaire de son journal humoristique le Taon qui parut finalement de 1907 à 1910. Douze autres albums de caricatures suivraient, dont quatre sans mention du nom de l’auteur. Charlebois y passait au crible de la satire sociale et politique certains aspects de la vie contemporaine. En politique, il ciblait de préférence le premier ministre de la province de Québec, sir Lomer Gouin*. Il ne ménageait pas non plus le premier ministre du Canada, sir Wilfrid Laurier*, l’homme politique et rédacteur en chef du Devoir, Henri Bourassa*, et le maire de Montréal, Médéric Martin*. À l’instar des journalistes Olivar Asselin et Jules Fournier*, dont il partageait les vues nationalistes, il était sensible au statut des minorités francophones en Amérique. Dans la Bêche (The spade) ou les Assimilateurs en action, il dénonça les manœuvres d’assimilation du clergé irlandais catholique de la Nouvelle-Angleterre, y voyant une menace pour la survie des paroisses et des écoles des minorités franco-américaines. De tels propos ne plaisaient pas à la presse catholique, qui ne pouvait toutefois s’y opposer trop ouvertement sous peine de se mettre à dos l’opinion canadienne-française. La guerre, la conscription, la prohibition et l’immigration étaient d’autres thèmes de prédilection de Charlebois qui s’aventura même sur le terrain miné des relations entre les diverses communautés ethniques et religieuses. Il publia en 1913, par exemple, Montréal juif : dessins gais, album de caricatures qui cédait aux préjugés antisémites les plus éculés, comme celui qui associait la montée de l’immigration juive dans la province à un danger pour la pérennité démographique des Canadiens français et à une prise de contrôle des affaires économiques et politiques du pays.
À Montréal, après ses débuts journalistiques aux Débats en 1899, Charlebois collabora, entre 1904 et 1919, à deux hebdomadaires nationalistes, le Nationaliste et l’Action, le plus souvent comme caricaturiste, mais aussi comme auteur. Il participa de plus aux Vrais Débats, à l’Avenir, à la Patrie, et à des périodiques culturels comme l’Indiscret et le Passe-Temps. En 1909, il signa également quelques dessins dans la revue humoristique la Bombe. Dans ses caricatures, il recourait à un comique de situation. Il conjuguait le texte à l’image, mettant volontiers dans la bouche de ses personnages les mots du parler populaire. Il pratiqua aussi le portrait-charge dans « Nos artistes », série qui parut notamment dans le Taon et le Nationaliste. Ce dessinateur fécond utilisait de préférence la plume et l’encre de Chine. Il pouvait lui arriver de bâcler un dessin, mais, en général, ses compositions témoignaient d’un réel souci esthétique. Ses dessins, plus statiques et froids que ceux de l’artiste et caricaturiste Henri Julien*, combinaient adroitement la ligne contour, les hachures et les formes pleines pour créer des scènes réalistes auxquelles la légende venait ajouter une tournure comique ou satirique.
Charlebois fit une brève incursion dans le domaine de la bande dessinée. De mars 1904 à février 1905, il signa dans la Presse du samedi les aventures du père Ladébauche. Librement inspiré du personnage imaginé en 1878 par Hector Berthelot*, son Baptiste Ladébauche était un Canadien français qui rêvait d’ascension sociale. Le thème de l’embourgeoisement le disputait dans son œuvre à d’autres travers humains et sociaux, telles la cupidité, la vanité, la corruption, l’ignorance et la bêtise.
De 1920 à 1928, Joseph Charlebois travailla à New York comme enlumineur et chef d’atelier chez Ames and Rollinson. À l’occasion d’une année sabbatique, il voyagea en France en 1928, puis revint à Montréal en février 1929. Il enseigna le lettrage à l’école d’arts et métiers. De 1931 à 1935, il exposa des dessins et des enluminures à l’Association des arts de Montréal. Ces dernières lui valurent des critiques élogieuses de la part de l’écrivain Albert Laberge* qui, dans son ouvrage Peintres et Écrivains d’hier et d’aujourd’hui, livra un vibrant portrait de l’artiste. Charlebois, qu’il avait connu en 1902 et qui devint son ami, était alors un modèle d’élégance, « un beau brummel » qui faisait tourner les têtes sur son passage. Dans les dessins de ce caricaturiste qui faisait œuvre de moraliste, Laberge remarquait « la peinture des mœurs qu’il a tracée piquante, savoureuse et fidèle ». Plus tard, en découvrant ses enluminures, Laberge décela une personne bien différente : un homme de grande culture qui maîtrisait à la perfection un art ancien plein de finesse et de subtilité, tout le contraire, en somme, du caricaturiste qui devait absolument grossir le trait pour atteindre la cible.
Joseph Charlebois a signé les albums de caricatures suivants : le Prince de Galles aux fêtes du 3e centenaire de la fondation de Québec : album de dessins (Montréal, [1908 ?]), qui a paru simultanément en anglais ; la Bêche (The spade) ou les Assimilateurs en action, dédié aux Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre : album de dessins gais (Montréal, [1911 ?]) ; Saint-Jean-Baptiste d’autrefois ([Montréal, 1912 ?]) ; Monsieur Gouin voyage : dessins gais (Montréal, 1913) ; Montréal juif : dessins gais (Montréal, 1913) ; Boches (Montréal, 1915) ; la Conscription : tristes dessins et légendes tristes (Montréal, 1917) ; et la Prohibition : album de caricatures ([Montréal ?, 1919 ?]). On lui attribue de plus ces albums anonymes : J. A. Beaudry, assistant-aspirant-contrôleur de la cité de Montréal (s.l.n.d.) ; Duncan MacDonald, ou le Gentleman-Cambrioleur de l’opinion publique (s.l., [entre 1910 et 1919]) ; Figures et Masques : quelques marionnettes électorales (s.l., [entre 1914 et 1928]) et Guerlot Cousineau alias Philomène, aspirant-chef du gouvernement de Québec ([Montréal ?], 1916).
Des dessins de l’artiste ont paru dans le roman Rédemption (Montréal, 1906), écrit par Rodolphe Girard et illustré par Georges Delfosse, et dans Nos amis les Québecquois : album de caricatures (Montréal, [1913 ?]), de Charles Huard.
En tant que dessinateur à la ville de Montréal, Charlebois a notamment dressé la Carte officielle de la ville de Montréal et de ses divisions municipales en 1904 (s.l., [1904 ?]) et le Plan de la cité de Montréal : ses principaux monuments religieux et civils, voies de communication (s.l., 1910).
Des enluminures et des dessins de Charlebois sont conservés à BAC (R2473-0-6 ; R2473-1-8), à BAnQ-CAM (MSS124 ; P461) et au Musée national des beaux-arts du Québec (Québec).
BAnQ-CAM, CE601-S33, 4 oct. 1898 ; CE601-S41, 5 févr. 1811 ; CE601-S51, 6 mars 1872, 8 nov. 1924, 8 juill. 1930 ; CE601-S55, 5 sept. 1831, 11 oct. 1846.— BAnQ-Q, E6, S7, SS1, P28664, P61598, P61599 ; E57, S44, SS1, PC2-55 ; P597.— FD, Notre-Dame (Montréal), 8 nov. 1924, 8 juill. 1930 ; Saint-Jacques, cathédrale de Montréal [Saint-Jacques-le-Majeur], 3 oct. 1931, 23 oct. 1935.— L’Avenir (Montréal), 28 oct. 1900.— Les Débats (Montréal), 10, 24 déc. 1899 ; 21 janv., 4 nov. 1900.— Le Devoir, 21 oct. 1935.— La Minerve (Montréal), 3 déc. 1877, 1er déc. 1880, 18 avril 1893.— Le Nationaliste (Montréal), 6, 20, 24 mars, 24 avril 1904.— Le Petit Journal (Montréal), 1er mars 1964.— Le Taon (Montréal), juillet 1907–février 1910.— Les Vrais Débats ([Montréal]), 14 oct. 1900.— Académie royale des arts du Canada : exhibitions and members, 1880–1979, E. de R. McMann, compil. (Toronto, 1981).— Art Association of Montreal, The catalogue of first annual loan and sale exhibition of the Newspaper Artists’ Association [...] ([Montréal ?, 1903 ?]), 21.— Peter Desbarats et Terry Mosher, The hecklers : a history of Canadian political cartooning and a cartoonists’ history of Canada (Toronto, 1979).— Exposition universelle, Catalogue officiel des œuvres d’art exposées dans le pavillon du Canada (Paris, 1900).— Mira Falardeau, Histoire de la bande dessinée au Québec (Montréal, 2008).— Aristide Filiatreault, Mes étrennes : la hache versus la bêche ([Montréal ?, 1912 ?]).— J. Hamelin et al., la Presse québécoise, 2–5.— J. R. Harper, Early painters and engravers in Canada (Toronto, 1970).— Karel, Dict. des artistes.— Albert Laberge, Peintres et Écrivains d’hier et d’aujourd’hui (Montréal, 1938).— Alfred Laliberté, les Artistes de mon temps, Odette Legendre, édit. (Montréal, 1986).— A[drien] Leblond de Brumath, le Livre d’or de l’académie commerciale catholique de Montréal [...] ([Montréal ?], 1906).— Laurent Mailhot et D.-M. Montpetit, Monologues québécois, 1890–1980 ([Montréal], 1980).— Montréal, Bureau du trésorier, Rapport annuel […], 1889–1896 ; Rapports annuels […],1897, 1898–1901, 1902–1903, 1904–1911.— Montreal Museum of Fine Arts, formerly Art Association of Montreal : spring exhibitions, 1880–1970, E. de R. McMann, compil. (Toronto, 1988).— Sara Richard, « la Production satirique illustrée du caricaturiste montréalais Joseph Charlebois (1872–1935) » (mémoire de m.a., univ. de Sherbrooke, Québec, 2006).
Hélène Sicotte, « CHARLEBOIS, JOSEPH (baptisé Joseph-Charles-Théophile) (Mathias, Josepho, Sorel, Basibi, Jos Kerr) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 24 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/charlebois_joseph_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/charlebois_joseph_16F.html |
Auteur de l'article: | Hélène Sicotte |
Titre de l'article: | CHARLEBOIS, JOSEPH (baptisé Joseph-Charles-Théophile) (Mathias, Josepho, Sorel, Basibi, Jos Kerr) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2020 |
Année de la révision: | 2020 |
Date de consultation: | 24 nov. 2024 |