Titre original :  [Studio portrait (possibly) of Chang Toy] - City of Vancouver Archives

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CHANG TOY (Chen Cai en mandarin), connu aussi sous les noms de Chan Doe Gee (Chen Daozhi) et Chan Chang-Jin, mais généralement sous le nom de Sam Kee (San Ji)), ouvrier et homme d’affaires, né le 16 mai 1857 dans le village de Cheong Pan, comté de Panyu, province de Guangdong (république populaire de Chine) ; marié deux fois, il eut au moins six fils et deux filles ; décédé en 1921.

Chang Toy appartenait à une minorité ethnique et linguistique de la province de Guangdong, les Hakkas. Selon la tradition familiale, ses parents étaient cultivateurs, mais plusieurs indices laissent croire que, sans avoir de titre de noblesse, ils faisaient partie de l’élite locale. Quand Chang avait trois ans, son père mourut. Normalement, un tel décès plaçait une famille paysanne dans une situation économique difficile. Or, Chang put fréquenter l’école durant encore trois ans, ce qui permet de supposer que sa famille n’avait pas besoin de son travail pour survivre, donc qu’elle était assez à l’aise. Le fait que le premier mariage de Chang ait été arrangé pendant qu’il était enfant, de manière que sa mère puisse garder sa toute jeune épouse comme servante, révèle aussi une certaine prospérité. En outre, un incident auquel fut mêlé son frère aîné Boon Bak suggère que la famille était bien placée. Accusé de contrefaçon, Boon Bak réussit à convaincre un magistrat de district de faire réprimander les agents qui étaient venus l’arrêter et, apparemment, les accusations furent levées. Peu importe ses activités, Boon Bak devait être suffisamment riche ou avoir d’assez bonnes relations pour gagner la faveur du magistrat. Tout comme Yee Bak, deuxième fils de la famille et futur associé de Chang en affaires, Boon Bak prit une part importante à l’éducation de Chang puisqu’il lui enseigna les arts martiaux. Chang semble avoir tiré, de la pratique de ces arts, une grande confiance en lui-même, ce qui l’aida beaucoup tant en Chine qu’au Canada.

En 1874, Chang laissa sa femme en Chine et vint en Colombie-Britannique comme employé contractuel. À l’instar de bien d’autres migrants de la province de Guangdong, il avait accepté de travailler une saison dans une conserverie de poisson en échange du montant de la traversée. Des vents contraires retardèrent l’arrivée de son navire, si bien qu’il eut à travailler seulement un mois et demi pour remplir son contrat. Il s’installa ensuite à Victoria et resta un moment à la Wing Chong Company. Le propriétaire, Chu* Lai, un Hakka du même village que lui, le remarqua et lui proposa de s’associer à lui. Chang déclina l’offre, mais les deux hommes devinrent de grands amis. Ce serait d’ailleurs Chu qui en 1892 arrangerait le deuxième mariage de Chang. Vers 1876, Chang travailla dans une scierie à New Westminster. Sur les instances du contremaître, il se servit de sa connaissance des arts martiaux pour servir une leçon à un ouvrier de race blanche qui le harcelait et gagna ainsi le respect de ses compagnons de travail. Après un an à la scierie, Chang s’installa à Granville (Vancouver), où il acheta une part dans une buanderie chinoise. Probablement s’agissait-il de la buanderie Wah Chong, qui vendait aussi quelques produits d’alimentation chinois. Peu après, Chang racheta la part de son associé, puis s’entendit avec la Wing Chong Company pour qu’elle soit son fournisseur grossiste. Le magasin de Chang ne tarda pas à devenir un point de ralliement pour les Hakkas et les natifs du comté de Panyu en quête d’un emploi. Chang se mit à louer leurs services, soit pour du défrichage, la mise en conserve du saumon ou le raffinage du sucre. En plus, quelques années après, il exploitait trois charbonnières et faisait le commerce du charbon. Sous-produit du défrichage, le charbon de bois se vendait sans délai à la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique et à des consommateurs locaux. Après le grand incendie de Vancouver en 1886, Chang s’établit à Steveston, où il ouvrit un magasin et continua à recruter de la main-d’œuvre.

Chang est connu surtout à cause de la Sam Kee Company. Il était l’associé principal de cette entreprise qui exerçait ses activités à Vancouver dès le début des années 1890 et qui devint une importante maison d’import-export. La Sam Kee Company importait de Chine du riz et d’autres denrées qu’elle revendait à des entreprises appartenant aussi bien à des natifs de la province de Guangdong qu’à des Anglo-Européens. En outre, elle exportait en Chine ou au Japon des produits tels du saumon et du hareng fumé de la Colombie-Britannique. Chang était le principal bailleur de fonds de certains des conserveurs de poisson avec qui il faisait affaire. Pour d’autres, il achetait des fournitures. À d’autres encore, il louait des terrains, des immeubles ou de l’équipement. En 1907, le chiffre d’affaires de la compagnie se situait entre 150 000 $ et 180 000 $, ce qui la plaçait parmi les quatre principales entreprises du quartier chinois de Vancouver. Ses biens immobiliers étaient imposants aussi. Ils comprenaient dix lots dans le quartier chinois, des lots dans d’autres parties de Vancouver ainsi que des terrains et immeubles au bord de l’eau à Nanaimo. À Vancouver, la Sam Kee Company possédait en outre cinq hôtels résidentiels en 1910 et en exploitait deux autres pour un investisseur allemand. Des prête-noms anglo-européens servaient souvent de façades à ces entreprises.

En tant qu’homme d’affaires, Chang avait énormément de contacts avec les Blancs, même s’il parlait peu – sinon ne parlait pas du tout – l’anglais. Avec certains d’entre eux, il entretenait des relations étroites. Ainsi, après l’émeute antiasiatique de 1907 à Vancouver (dans la nuit du 6 au 7 septembre, à l’issue d’une manifestation organisée par l’Asiatic Exclusion League, une foule en colère se livra à des actes de violence dans le Chinatown), il envoya ses deux plus jeunes fils chez des Vancouvérois bien en vue, Ewan Wainwright McLean et John Joseph Banfield. Après la révolution chinoise de 1911, il put exercer des pressions sur les autorités britanniques de Hong-Kong afin qu’elles interviennent auprès du gouvernement chinois à Canton pour qu’une cargaison de bois qui avait été arrêtée au passage soit livrée à destination. Proche de l’élite anglo-européenne des affaires, Chang était cependant conscient du racisme antichinois. Pendant l’émeute de 1907, lui-même et son associé Shum Moon, président de la Chinese Benevolent Association de Vancouver, s’étaient rendus à l’armurerie McLennan and McFeely et avaient acheté tout le stock de revolvers. Puis ils avaient distribué les armes à leurs collègues marchands, ce qui avait suscité beaucoup d’appréhension dans la communauté anglophone. En même temps, Chang ne répugnait pas à profiter du système de discrimination raciale. En 1905, sa compagnie était l’agence chinoise de la Blue Funnel Line, qui rivalisait avec les navires de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique sur le trajet transpacifique. Or, les annonces de Chang, en chinois, précisaient que, comme la Blue Funnel Line n’avait qu’une classe de passagers (contrairement aux navires de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique), les Chinois ne subiraient aucune discrimination à bord.

Chang participait de diverses manières à la vie de sa communauté. Il figura parmi le groupe de marchands chinois qui en 1899 adressa une pétition au conseil municipal de Vancouver pour protester contre le caractère arbitraire des raids effectués par la police dans le quartier chinois. Il contribua en 1900 à la fondation de la Chinese Empire Reform Association [V. Yip Sang] et fut président du chapitre vancouvérois. En 1905, au troisième étage de l’édifice de la Sam Kee Company, il créa l’école de l’association, où allèrent ses propres enfants, et aménagea une suite pour accueillir les professeurs invités. En 1908, on lui offrit de devenir le premier consul de Chine ; il refusa cette distinction en invoquant sa trop piètre connaissance de l’anglais. Il resta en affaires jusqu’en 1920 et mourut l’année suivante, on ignore où.

Parmi les Chinois arrivés au Canada au xixe siècle, Chang Toy est l’un des rares à avoir pu amasser une belle fortune, à la fois grâce à son flair, à son dur labeur et à ses relations familiales et ethniques. Dès le début du xxe siècle, il était l’un des principaux marchands de la Colombie-Britannique. Ses activités s’exerçaient de part et d’autre du Pacifique ; de plus, elles ne se limitaient pas au secteur formé par les immigrants de la province de Guangdong, mais s’intégraient à l’ensemble de l’économie britanno-colombienne.

Timothy J. Stanley

Arch. privées, Theodore Chang (Vancouver), [Bob Chan], « Sanji huo Chen Cai (1857–1921) » (ms, s.d.) ; trad. en anglais sous le titre « Chang Toy or Sam Kee (1857–1921) » (ms, s.d.).— City of Vancouver Arch., Add. mss 571 (Sam Kee Company papers).— Vancouver Daily Province, 9 sept. 1907.— Annuaire, C.-B., 1882–1885.— Harry Con et al., From China to Canada : a history of the Chinese communities in Canada, Edgar Wickberg, édit. (Toronto, 1982 ; réimpr., 1988).— Paul Yee, « Chinese business in Vancouver, 1886–1914 » (mémoire de m.a., Univ. of B.C., Vancouver, 1983) ; Saltwater city : an ilustrated history of the Chinese in Vancouver (Vancouver, 1988) ; « Sam Kee : a Chinese business in early Vancouver », BC Studies (Vancouver), nos 69–70 (printemps/été 1986) : 70–96.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Timothy J. Stanley, « CHANG TOY (Chen Cai) (Chan Doe Gee, Chen Daozhi, Chan Chang-Jin, Sam Kee, San Ji) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/chang_toy_c_15F.html.

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Auteur de l'article:    Timothy J. Stanley
Titre de l'article:    CHANG TOY (Chen Cai) (Chan Doe Gee, Chen Daozhi, Chan Chang-Jin, Sam Kee, San Ji)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
Date de consultation:    21 déc. 2024