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BUOTE, GILBERT, instituteur, éditeur et rédacteur d’un journal, et auteur, né le 20 février 1833 à Miscouche, Île-du-Prince-Édouard, fils de François Buote et de Victoire Gaudet ; le 20 février 1860, il épousa à Tignish, Île-du-Prince-Édouard, Madeleine Gallant, et ils eurent un fils ; décédé le 16 juillet 1904 à Tignish.
Le père de Gilbert Buote fut le premier instituteur acadien de l’Île-du-Prince-Édouard. Il enseigna d’abord à Rustico, sa paroisse natale, puis, après son mariage en 1819, à Miscouche. Il s’installa à Tignish en 1835 et y fit la classe jusque vers 1857.
Gilbert Buote fréquenta l’école de son père, à Tignish, puis suivit des cours de latin et de grec avec le curé de la paroisse, Peter McIntyre*, avant de s’inscrire à la Central Academy de Charlottetown. Muni d’un brevet d’enseignement de première classe, il amorça sa carrière d’instituteur à l’école du village de Tignish en 1851. Dix-huit mois plus tard, il retourna aux études, cette fois au collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, au Bas-Canada. Il revint à l’Île-du-Prince-Édouard en 1856 ou en 1857 et reprit l’enseignement, auquel il devait se consacrer pendant plus de 40 ans, faisant la classe surtout à Tignish, mais aussi à la baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse (1873–1877), dans l’État du Maine (1882–1884), où il enseigna la littérature française, et à Cap-Pelé, au Nouveau-Brunswick (1885–1891). Dans sa province natale, il fut notamment le directeur de la grammar school de Tignish, de 1877 à 1882 et de 1891 à 1898.
Buote milita pour l’enseignement du français dans les écoles acadiennes de l’île. En 1879, il intervint auprès du surintendant de l’Éducation, Donald Montgomery*, pour qu’une série de livres de lecture entièrement de langue française soit intégrée dans le programme scolaire de ces écoles. À la suite de l’adoption de la loi scolaire de 1877, proclamant les écoles de la province non confessionnelles [V. Thomas Heath Haviland*], le bureau d’Éducation avait retiré les manuels scolaires de langue française, sous le prétexte qu’ils étaient trop imprégnés de religion, et on les avait remplacés par une série bilingue. La démarche de Buote fut appuyée par Joseph-Octave Arsenault* (1828–1897), membre du bureau, et s’avéra fructueuse. En 1882, le bureau autorisa officiellement l’usage de la série préparée par André-Napoléon Montpetit.
C’est à son retour à Tignish, au début des années 1890, après presque dix ans d’absence, que Buote devait faire sa plus importante contribution à la communauté acadienne de l’île. Frappé par l’anglicisation galopante des siens, il décida de fonder un journal de langue française pour défendre les intérêts des Acadiens et promouvoir la langue française. Appuyé par son fils, François-Joseph, enseignant et imprimeur, il lança à Tignish le 22 juin 1893 l’hebdomadaire l’Impartial, qui affichait la devise acadienne L’Union fait la Force. « Les intérêts de notre peuple seront l’objet de la plus active vigilance de notre part lorsqu’il s’agira de faire reconnaître nos droits » proclamait la livraison inaugurale de ce premier journal français publié dans l’île. L’Impartial, dont Buote serait le rédacteur jusqu’à sa mort, s’avérerait un bon instrument d’animation et proposerait à ses lecteurs plusieurs projets que Buote jugeait nécessaires à l’épanouissement de la communauté acadienne. Il recommanda notamment, au début d’août 1893, la création d’une association provinciale des instituteurs acadiens « où l’on pourrait discuter les principaux points qu’il importe de prendre en considération pour le meilleur avancement de l’éducation française dans [les] écoles ». Sa proposition fut très bien accueillie et, le 27 septembre, l’Association des instituteurs acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard fut fondée, sous la présidence de Joseph-Octave Arsenault* (mort en 1918). Pendant de nombreuses années, cette société agirait en quelque sorte comme le porte-parole de la communauté acadienne. Elle donnerait naissance à d’autres organisations, notamment à la Société Saint-Thomas d’Aquin, en 1919, qui deviendrait l’association provinciale des Acadiens de l’île.
En baptisant son journal l’Impartial, Buote voulait bien mettre en évidence la neutralité politique qu’il se proposait d’observer. Il valait mieux, selon lui, ne pas risquer de s’aliéner une partie importante de la petite communauté acadienne dont le vote était effectivement partagé entre les partis libéral et conservateur. L’Impartial invitait souvent ses lecteurs à s’unir en politique afin d’augmenter leur force. Même si le journal s’affichait neutre, ses propriétaires étaient reconnus pour leur allégeance au Parti conservateur. L’Impartial finit par avoir du mal à dissimuler sa partialité et, surtout à partir de 1896, il appuya publiquement les conservateurs. Cette année-là, le journal s’en prit au député libéral acadien à la Chambre des communes, Stanislaus Francis Perry*, de Tignish, l’accusant d’avoir fait preuve d’antipatriotisme en votant contre le projet d’une loi réparatrice en faveur des écoles catholiques et françaises du Manitoba, présenté par les conservateurs de sir Mackenzie Bowell* [V. Thomas Greenway]. Après la défaite des conservateurs aux élections générales de juin 1896, le journal continua de fustiger le Parti libéral fédéral et son chef, Wilfrid Laurier*, à qui il reprochait de négliger ses partisans acadiens dans la distribution des postes publics. Mais vers 1904, désillusionné des conservateurs, l’Impartial se rangea sous la bannière du Parti libéral, toujours au pouvoir. Ce dernier venait de nommer le premier juge acadien de l’île, Stanislaus Blanchard. Il semble également que les problèmes financiers du journal aient été responsables de son changement d’orientation politique. Comme la survie du journal était menacée, Buote se serait tourné vers les partis politiques pour obtenir un appui financier.
Historien amateur et généalogiste, Buote fut le premier Acadien de sa province à publier le fruit de ses recherches. Il fit paraître son étude sur l’histoire de Tignish et la généalogie de ses familles dans l’Impartial illustré, en 1899, et quelques années plus tard, il publiait, dans le journal même, l’équivalent pour Cascumpec. À la fin de sa vie, il préparait une histoire des Acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard, qui était presque achevée au moment de sa mort.
On attribue à Buote le premier roman acadien à être publié. Intitulé Placide, l’homme mystérieux, il parut d’abord en feuilletons, sous le pseudonyme de Paul, dans l’Impartial en 1904, puis fut publié sans date à Tignish. Il s’agit d’un roman d’aventures qui met en scène un jeune limier acadien de l’île appelé à New York par le chef de police pour faire la chasse aux escrocs qui paralysent la ville. Le message de l’auteur est que les Acadiens qui mettent en valeur leur identité et leur langue savent se faire respecter et se faire reconnaître.
Buote était bien connu pour son franc-parler. S’il n’hésitait pas à critiquer ouvertement ceux qui se montraient hostiles aux Acadiens et à leur langue, il n’avait pas peur non plus de réprimander ses compatriotes qu’il trouvait souvent trop timides quand venait le moment de défendre leurs droits. Il semblerait que Buote avait un tempérament peu conciliant, ce qui ne l’aurait pas toujours bien servi dans la promotion de sa cause.
Gilbert Buote mourut à Tignish le 16 juillet 1904 à la suite d’une attaque de paralysie. Son journal lui survécut, non sans peine, jusqu’en 1915. Aux prises avec de sérieux problèmes financiers, aggravés par la Première Guerre mondiale, le journal cessa de paraître en laissant un grand vide au sein de la communauté acadienne de l’Île-du-Prince-Édouard, vide qui ne serait comblé que 60 ans plus tard.
Il semble qu’il ne reste aucun exemplaire du manuscrit de Gilbert Buote sur l’histoire des Acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard. Ses articles sur Cascumpec figurent dans l’Impartial (Tignish, Î.-P.-É.), dans les numéros du 17 juill., du 6 nov., du 20 nov. au 25 déc. 1902, du 1er janv. 1903, et du 10 au 24 mars 1904. Le roman intitulé Placide, l’homme mystérieux a paru en 13 feuilletons du 21 janv. au 18 août 1904 ; il a aussi été publié sous forme de brochure, que l’on peut consulter aux PARO.
Arch. paroissiales, Saint-Jean-Baptiste (Miscouche, Î.-P.-É.), RBMS ; Saint-Simon et Saint-Jude (Tignish, Î.-P.-É.), RBMS.— Centre d’études acadiennes, univ. de Moncton, N.-B., Fonds F.-J. Robidoux, 4.1–9.— L’Évangéline, 4 août 1904 ; 10 avril 1947.— L’Impartial, 3 août 1893, 21 févr. 1895, 28 juill. 1904.— Georges Arsenault, les Acadiens de l’Île, 1720–1980 (2e éd., Moncton, 1989).— J.-H. Blanchard, Acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard ([Charlottetown], 1956).— L’Impartial illustré (Tignish, [1899]).— Inventaire de « l’Impartial », Gabrielle LeBlanc et Diane Lecouffe, compil. (Summerside, Î.-P.-É., 1980).— Î.-P.-É., House of Assembly, Journal, 1848–1893 (rapports de l’inspecteur des écoles, 1848–1876, et du conseil scolaire, 1877–1893) ; Legislative Assembly, Journal, 1894–1899 (rapports du conseil scolaire).— Marguerite Maillet, Histoire de la littérature acadienne : de rêve en rêve (Moncton, 1983).
Georges Arsenault, « BUOTE, GILBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/buote_gilbert_13F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/buote_gilbert_13F.html |
Auteur de l'article: | Georges Arsenault |
Titre de l'article: | BUOTE, GILBERT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |