BRYMNER, DOUGLAS, homme politique, journaliste et fonctionnaire, né le 3 juillet 1823 à Greenock, Écosse, fils d’Alexander Brymner et d’Elizabeth Fairlie ; en 1853, il épousa dans cette ville Jean Thomson, et ils eurent neuf enfants ; décédé le 19 juin 1902 à New Westminster, Colombie-Britannique, et inhumé à Ottawa.

Quatrième fils d’un banquier et ex-rédacteur en chef de l’Intelligencer de Greenock, Douglas Brymner fit ses études à la Greenock Grammar School. À la fin des années 1840, il travailla comme agent maritime. En 1850, il rejoignit son frère Graham qui exploitait une entreprise de charbon et de chaux, à Greenock, mais il dut la quitter en 1856 pour cause de maladie et de surmenage. Parti d’Écosse l’année suivante avec sa femme et leur fils, Brymner s’établit à Melbourne, au Bas-Canada. L’agriculture, à laquelle il s’essaya d’abord, ne lui réussit pas. Actif dans les affaires religieuses et la vie locale, il fut deux fois maire de Melbourne. Il se lança ensuite dans le journalisme. En 1864, il s’installa avec sa famille à Montréal, où il devint rédacteur en chef du Presbyterian. Au même moment, il se joignit à l’équipe du Montreal Herald, dont il fut quelque temps correspondant parlementaire à Ottawa. Au printemps de 1872, il quitta la rédaction de ces deux journaux et partit pour la capitale fédérale. Il avait accepté un poste de commis aux archives au département de l’Agriculture.

En mars 1871, le président de la Société littéraire et historique de Québec, Henry Hopper Miles*, avait adressé au Parlement une pétition en faveur de la constitution d’un service où seraient rassemblés et conservés les documents historiques du Canada. L’année suivante, le gouvernement affectait au budget du département de l’Agriculture des crédits de 4 000 $ aux fins d’une enquête sur les archives disponibles au Canada. Le 1er juin, Brymner intégra son poste, qui fut créé officiellement par un arrêté en conseil le 20 juin.

Ainsi donc, à l’âge de 48 ans, Brymner entamait une nouvelle carrière et s’attelait à une tâche mal comprise et vaguement définie. On ignore pourquoi exactement la fonction publique l’avait choisi. Il n’avait aucun lien avec la Société littéraire et historique, quoique, semble-t-il, l’histoire en général l’ait intéressé. Quelle qu’ait été sa qualification, il assuma ses responsabilités avec intelligence et enthousiasme. On lui avait assigné trois salles vides au sous-sol de l’édifice de l’Ouest, sur la colline parlementaire. Il n’avait pas de personnel, et pas le moindre document sous sa garde. Brymner entreprit tout de même ce qu’il qualifiait de « tâche d’une difficulté peu commune ».

Au cours de sa première année, Brymner visita les capitales provinciales et d’autres villes afin de trouver des documents anciens qui devaient être conservés à Ottawa. À Montréal, il découvrit, dans une cachette, des états financiers datant de l’époque de l’Union. À Halifax, il examina une collection de l’armée britannique : quelque 400 000 documents qui attendaient d’être expédiés en Angleterre. Après qu’il eut négocié avec les autorités britanniques, la collection fut transférée à Ottawa. Bien des années s’écouleraient avant qu’il fasse à nouveau une acquisition aussi volumineuse ou aussi importante.

En 1873, Brymner alla à Londres. Toujours en quête de documents sur le Canada, il visita le ministère de la Guerre, le ministère des Colonies, la Hudson’s Bay Company, le Public Record Office, le British Museum et même la Tour de Londres. Il recommanda au ministre de l’Agriculture, John Henry Pope*, que les papiers qui se trouvaient en Grande-Bretagne soient copiés, reliés, puis déposés aux archives. Pope reçut la même recommandation de l’abbé Hospice-Anthelme-Jean-Baptiste Verreau, envoyé lui aussi par le gouvernement en 1873 chercher des documents en Europe, et qui, curieusement, n’était pas, à son départ, au courant de la mission de Brymner. Cependant, en cette période de vaches maigres que fut le milieu des années 1870, le gouvernement fit peu pour les archives. Toujours sans assistance et avec un budget encore plus maigre qu’auparavant, Brymner resta à Ottawa et s’appliqua à classer la majeure partie de la collection de l’armée britannique.

En 1880, une fois ce travail terminé, Brymner, ragaillardi, se remit en quête de nouvelles acquisitions. Après une visite en Grande-Bretagne en 1881 et une autre en Grande-Bretagne et en France en 1883, il mit en marche un programme de copie au Public Record Office de Londres et envoya à Paris son premier assistant, Joseph-Étienne-Eugène Marmette, pour qu’il fasse des recherches préliminaires sur les documents du Régime français. Commencée modestement en 1878, la copie des papiers de sir Frederick Haldimand*, au British Museum, se poursuivit à un meilleur rythme quatre ans plus tard. La transcription était fastidieuse et posait toutes sortes de problèmes. Brymner était perfectionniste : il inspectait lui-même toutes les copies à leur arrivée à Ottawa. Exaspéré par les erreurs, la calligraphie négligée, la piètre qualité des reliures et les retards d’expédition, il utilisa la photographie à titre expérimental pour reproduire des documents.

Au pays aussi, Brymner appliquait son système d’acquisition sur une échelle de plus en plus grande. Au début des années 1880, il sollicita des dons de papiers et de documents auprès des familles de ceux qui avaient joué un rôle dans les premiers temps de l’histoire du Canada. En outre, dans le but de constituer un vaste dépôt d’imprimés sur le Canada, il se mit à rassembler livres, journaux, revues, rapports d’association, publications gouvernementales et brochures. Pour faire connaître ses collections, il décida de rédiger à leur sujet des résumés ou de les classer en ordre chronologique et de publier ces renseignements dans les rapports annuels des archives. Il commença en 1881 par les papiers Haldimand, auxquels il allait consacrer 14 ans, puis s’attaqua aux documents officiels du Bas et du Haut-Canada. Son travail attira l’attention des chercheurs. Des généalogistes, des antiquaires, des fonctionnaires, des historiens, tel William Kingsford*, consultaient Brymner sur des questions d’histoire.

Dans les années 1890, le travail de copie fait en Grande-Bretagne continua de retenir l’attention de Brymner ; pendant la plus grande partie de cette décennie, la moitié du budget annuel des archives y fut consacrée. Un travail similaire commença à Paris. À l’approche de ses 70 ans, Brymner songea à la retraite, mais rompre avec le travail d’archiviste lui paraissait bien difficile. À l’automne de 1892, toujours en quête de documents, il s’installa à Londres ; il resterait en Grande-Bretagne jusqu’à l’été de 1894. Pendant son séjour, il étudia les méthodes d’archivistique du gouvernement britannique et d’autres pays européens, dont la Belgique, la France et l’Allemagne. Depuis 1875, à Ottawa, Henry James Morgan* tenait les dossiers au département du Secrétaire d’État, où il amassait lui aussi des documents gouvernementaux anciens. Brymner étudia peut-être les archives étrangères parce qu’il souhaitait mettre un terme à cette rivalité et d’unifier les activités d’archivage. Il recommanda de créer un seul bureau, mais on lui fit la sourde oreille jusqu’au printemps de 1897. En février de cette année-là, un incendie avait ravagé l’édifice de l’Ouest. Aucun document d’archives n’avait été détruit, mais l’eau avait quelque peu endommagé les papiers que gardait Brymner. Comme un certain nombre de départements avaient perdu des dossiers administratifs, le gouvernement institua une commission d’enquête sur l’état des archives publiques. Suivant l’avis de Brymner, la commission recommanda de réunir toutes les archives. Cependant, le rêve de Brymner, à savoir un dépôt bien organisé, n’allait se concrétiser qu’en 1903, un an après sa mort.

En dehors de son travail, Brymner se consacrait surtout à sa famille et à l’Église. Presbytérien reconnu à Melbourne et à Montréal, il avait été conseiller presbytéral aux synodes annuels de 1858, 1861, 1864, 1867 et 1868. Toutefois, il joignit les rangs de l’Église d’Angleterre dans les années 1870 parce qu’il s’opposait à la fusion des Églises presbytériennes du Canada. Il fut membre fondateur puis marguillier de l’église St Barnabas d’Ottawa. Après la mort de sa femme, Jean Thomson, en 1884, il continua d’entretenir des liens étroits avec ses enfants. Il mourut en 1902 au cours d’une visite chez son fils George Douglas, banquier à New Westminster. Parmi ceux de ses enfants qui lui survécurent – quatre fils et une fille –, le plus connu est William*, artiste de renom. Brymner avait généreusement subvenu aux besoins de William quand celui-ci était allé étudier la peinture à Paris en 1878 ; par la suite, il avait été son agent à Ottawa.

À la tête des archives du Canada durant 30 ans, Douglas Brymner constitua une impressionnante bibliothèque de livres et de brochures, ainsi que plus de 3 100 volumes reliés contenant des copies manuscrites. Ce travail est d’autant plus remarquable que son budget resta inchangé (et insuffisant) jusque vers 1895 et que, souvent, il travaillait seul (Marmette et son successeur, Édouard Richard, passaient beaucoup de temps en France). Pour Brymner, l’histoire avait une valeur indubitable. Conscient qu’on ne peut l’étudier sans avoir des documents de première main, il constitua des collections grâce auxquelles pourrait progresser, au Canada, la recherche historique (et la profession d’historien). Le Queen’s College de Kingston reconnut l’importance de son travail en lui décernant un doctorat en droit en 1892. Trois ans plus tard, la Société royale du Canada l’élut membre. Le legs de Brymner se trouve dans les rapports annuels des archives, particulièrement ceux qui parurent après 1882. Dans les volumes publiés de 1883 à 1902, les catalogues et analyses de documents préparés par lui seul occupent plus de 10 000 pages imprimées. De son vivant, l’organisation des archives nationales du Canada demeura retreinte, mais c’est à lui que revient le mérite d’avoir donné à ce domaine des assises solides.

Glenn Wright

On peut retracer les débuts de l’archivistique au Canada dans une série de rapports annexés aux rapports annuels du ministre de l’Agriculture de 1872 à 1903 ; ces documents se trouvent dans Canada, Parl., Doc. de la session, 1873–1904. Les inventaires préliminaires de 1872 et de 1873, préparés par Douglas Brymner, figurent dans les Doc. de la session de 1873 et de 1874 respectivement, et le « Rapport sur les résultats de la recherche des documents relatifs au Canada en Europe », rédigé par H.-A.-[J.-]B. Verreau, dans les Doc. de la session de 1875. Après 1882, les annexes étaient publiées séparément sous le titre : Rapport sur les archives canadiennes (Ottawa). Brymner a rédigé les rapports de 1883 à 1901. On trouve une description des premiers rapports et de leur contenu dans l’Index aux rapports de la division des archives canadiennes depuis 1872 jusqu’à 1908 (Ottawa, 1909), publié par les Archives publiques du Canada (maintenant les AN).

Les autres publications de Douglas Brymner traitent d’une foule de sujets. Brymner a composé deux poèmes : « Charms of country life : an imitation », dans Rose-Belford’s Canadian Monthly and National Rev. (Toronto), 2 (janv.–juin 1879) : 429s., et The twa mongrels : a modern eclogue (Toronto, 1876), publiés sous le pseudonyme de Tummas Treddles. Un article intitulé « The battle of Stoney Creek » figure dans Hamilton Assoc., Journal and Proc. ([Hamilton, Ontario]), no 11 (1894–1895) : 36–44, et deux autres articles ont paru dans SRC Trans. : « The Jamaica maroons – how they came to Nova Scotia – how they left it », 2e sér., 1 (1895), sect. ii : 81–90, et « The death of Sir Humphrey Gilbert », 2 (1896), sect. ii : 33–39.

Brymner a aussi rédigé un certain nombre d’opuscules, dont Property and civil rights ([Ottawa], 1880) ; deux opuscules signés « by a Quebec Liberal » ont aussi été publiés : Remarks on reciprocity and the Thornton–Brown memorandum (Montréal, 1874) et Commercial union : a study ([Ottawa ?, 1888 ?]). Plusieurs ouvrages concernent son opposition à la fusion des Églises presbytériennes : Presbyterian union : a help to the intelligent discussion of the question ; by an elder (Toronto, 1873) ; Faults and failures of the late Presbyterian union in Canada (London, Ontario, 1879) ; Endowments of the Church of Scotland in Canada ; evidence of Mr. Douglas Brymner before the Senate committee on private bills [...] (Toronto, 1883) ; Brymner a aussi publié une attaque cinglante sur ce sujet, Church of Scotland’s endowment ([Ottawa ?, 1882 ?]),qu’il avait rédigée avec T. A. McLean.

Enfin, Brymner a traduit du français à l’anglais les textes suivants : Monograph of the Dènè-Dindjié Indians (s.l., [1878]) et Monograph of the Esquimaux Tchiglit of the Mackenzie and of the Anderson ([Montréal, 1878]) d’Émile Petitot, et The Colorado potato beetle (Chrysomela decemlineata) and how to oppose its ravages ([Ottawa], 1880), de J.-C. Taché.

La Division de l’art documentaire et de la photographie, aux AN, conserve deux portraits de Brymner, exécutés tous deux par son fils William.

AN, MG 29, D25 ; RG 17 ; RG 35, sér. 1 ; RG 37.— City of Ottawa Arch., Beechwood Cemetery records.— Musée des Beaux-Arts du Canada (Ottawa), corr. de William Brymner.— Greenock Telegraph and Clyde Shipping Gazette (Greenock, Écosse), 9 sept. 1882.— Montreal Herald, 1er et 2 avril 1872.— Ottawa Citizen, 1er–9 avril 1872, 24–25 févr. 1884, 20–29 juin 1902.— Ottawa Evening Journal, 20–29 juin 1902.— W. J. Anderson, « The archives of Canada », Lit. and Hist. Soc. of Quebec, Trans., nouv. sér., 9 (1871–1872) : 117–131.— Annuaires, Prov. du Canada, 1857–1858 ; Montréal, 1861–1872.— Armory and lineages of Canada ; comprising the lineage of prominent and pioneer Canadians [...], H. G. Todd, édit. (New York, [1915]).— Robert Campbell, A history of the Scotch Presbyterian Church, St. Gabriel Street, Montreal (Montréal, 1887).— Canada, Parl., Doc. de la session, 1872–1904, comptes publics du Canada, 1871–1903.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Cyclopœdia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1.— Église presbytérienne du Canada, affiliée à l’Église d’Écosse, Acts and proc. of the synod (Toronto ; Montréal), 1858–1875.— D. C. Harvey, « Douglas Brymner, 1823–1902 », CHR, 24 (1943) : 249–252.— J. MacP. Le Moine, « The manuscript sources of Canadian history as revealed by our archives », SRC Trans., 2e sér., 1, proc. : lxvii–xc.— Merrily on high in Ottawa : the story of the Church of St. Barnabas, Apostle and Martyr, 1889–1989 ([Ottawa, 1989 ?]).— H. H. Miles, « On Canadian archives », Lit. and Hist. Soc. of Quebec, Trans., nouv. sér., 8 (1870–1871) : 53–71.— Presbyterian (Montréal), 18 (1868)–25 (1872).— Richmond County Hist. Soc., Annals of Richmond County and vicinity (2 vol., Richmond, Québec, 1966–1968), 1.— M. O. Scott, « Canadian celebrities ; xix – Douglas Brymner, archivist », Canadian Magazine, 16 (nov. 1900–avril 1901) : 206–208.— I. E. Wilson, « A noble dream » : the origins of the Public Archives of Canada », Archivaria (Ottawa), no 15 (hiver 1982–1983) : 16–35.— Armand Yon, l’abbé H.-A. Verreau : éducateur, polémiste, historien (Montréal, 1946).

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Glenn Wright, « BRYMNER, DOUGLAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/brymner_douglas_13F.html.

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Auteur de l'article:    Glenn Wright
Titre de l'article:    BRYMNER, DOUGLAS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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