Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3213112
BROOKFIELD, SAMUEL MANNERS, entrepreneur de construction et industriel, né le 29 novembre 1847 à Ecclesfield, Angleterre, quatrième des six enfants de John Brookfield, ingénieur et entrepreneur, et de Mary Storrs ; le 28 février 1877, il épousa à Ashton upon Mersey, Angleterre, Annie Waites, et ils eurent un fils et une fille qui mourut bébé ; décédé le 22 août 1924 à Halifax.
La famille de Samuel Manners Brookfield immigra en Nouvelle-Écosse en 1852 et s’y réinstalla en 1860 après un séjour au Nouveau-Brunswick. Samuel Manners fréquenta la Saint John Grammar School, puis la King’s Collegiate School de Windsor, en Nouvelle-Écosse, et devint ensuite agent des achats pour son père. De 1862 à 1870, John Brookfield exécuta une bonne part des grands travaux de reconstruction des ouvrages de défense entrepris à Halifax à l’initiative du gouvernement impérial. Il se mit à faire du bâtiment civil en 1866 en prenant la suite de George Lang* sur le chantier du Provincial Building et en terminant la construction de cet édifice dessiné par David Stirling*. À la mort de son père en 1870, Samuel Manners prit la direction de l’entreprise. Durant toute sa carrière, il resterait le principal entrepreneur de construction de la Nouvelle-Écosse. Il réalisa aussi des travaux au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve.
Au lendemain de l’inauguration du chemin de fer Intercolonial en 1876, Halifax connut une poussée de croissance industrielle. Brookfield n’y contribua pas uniquement en qualité de constructeur. Il appartint au conseil d’administration de la Nova Scotia Sugar Refinery Limited et à celui de la Nova Scotia Cotton Manufacturing Company. Son entreprise avait bâti la raffinerie en 1880–1881 et la filature en 1882–1883. Elle construisit aussi le bâtiment de la Halifax Sugar Refinery Company en 1883–1884. Avec cinq autres Haligoniens, Brookfield fonda en 1887 l’Eastern Canada Savings and Loan Company, dont il fut le premier président ; il exercerait cette fonction jusqu’à la fin de sa vie. D’après le vice-président William Chamberlain Silver*, cette société administrée avec prudence devait sa réussite à « la solidité de ses titres – tous les investissements étant des hypothèques sur biens immobiliers avec une bonne marge ».
La réalisation la plus ambitieuse de Brookfield fut la construction et la gestion du bassin de radoub de Halifax. Le progrès technique avait miné l’économie marchande de la Nouvelle-Écosse, fondée sur les voiliers en bois, et les installations existantes ne convenaient plus ni à la marine royale ni aux vapeurs à coque d’acier qui étaient sur le point de dominer le commerce maritime. La Halifax Graving Dock Company, constituée juridiquement à Londres en 1885 sous la présidence de Brookfield, était financée surtout par des capitaux anglais. En plus, l’Amirauté britannique, le gouvernement du Canada et la municipalité de Halifax lui versèrent chacun des subventions de 10 000 $ pendant 20 ans. Le bassin ouvrit en 1889, mais la demande se révéla décevante, et la compagnie prit du retard dans le versement des intérêts. Cette dernière restructura sa dette en 1897, et Brookfield prit les rênes de l’exploitation. Il resta administrateur délégué lorsque son fils John Waites Brookfield devint directeur en 1904. De plus en plus, il laissa Henry Roper mener son entreprise de construction ; celui-ci accéda à la direction quand, en 1906, la société fut constituée juridiquement sous le nom de S. M. Brookfield Limited.
En 1918, le bassin de radoub était assez rentable pour que la compagnie ait pu rembourser toute sa dette, mais celle-ci ne versa jamais de dividendes à ses actionnaires. L’explosion de Halifax en décembre 1917 avait endommagé le bassin, mais Brookfield avait réussi à le remettre en exploitation en l’espace de deux mois. En juin 1918, afin de créer sur la côte Est une installation intégrée de construction et de réparation de navires d’acier, le gouvernement du Canada expropria les propriétés de la Halifax Graving Dock Company pour la somme de 1 250 000 $. Ces dernières furent louées puis vendues à une nouvelle entreprise, la Halifax Shipyards Limited. Brookfield et les autres actionnaires contestèrent l’expropriation devant la Cour de l’échiquier du Canada. Dans un jugement rendu en 1920, ce tribunal leur accorda uniquement une légère hausse de l’indemnité.
En vue d’alimenter le bassin de radoub, Brookfield se lança aussi dans la récupération de navires et le transport maritime. L’achat et la réparation de l’Ulunda, échoué dans la baie de Fundy, menèrent en 1892 à la fondation de la Halifax, Liverpool and London Steamship Company, qui devint l’année suivante, à l’obtention d’un contrat de transport postal avec Terre-Neuve, la Canada and Newfoundland Steamship Company. Avec l’Ulunda et deux autres navires, cette société assura la liaison entre Halifax, St John’s et Liverpool en toutes saisons jusqu’à sa vente en 1898 à la Furness, Withy and Company. De plus, Brookfield prit une part importante à la formation de la Halifax Salvage Association en 1908. On remarqua beaucoup ce groupe qui, la même année, réussit à renflouer un vapeur de 10 000 tonneaux de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, le Mount Temple.
En 1910, Brookfield devint le premier président de la Maritime Telegraph and Telephone Company, bientôt un élément dominant dans l’industrie ; il occuperait ce poste jusqu’à son décès. Cinq ans plus tard, il fonda la Halifax Power Company, mais son projet d’exploitation du potentiel hydroélectrique de la rivière Northeast près de Halifax tourna court en raison de la difficulté de rassembler des capitaux en temps de guerre. Brookfield fut aussi une figure importante de la North West Arm Land Company, entreprise dirigée par son fils qui se lança, sans succès, dans le lotissement de terrains. À la différence de ses contemporains Benjamin Franklin Pearson*, John Fitzwilliam Stairs*, William Maxwell Aitken* et d’autres, Brookfield n’investit guère dans des entreprises extraterritoriales et concentra ses énergies plutôt dans la région en travaillant au conseil d’administration de sociétés aussi diverses que la Nova Scotia Car Works et la Halifax Academy of Music et en donnant un peu dans la propriété minière. Toutefois, il fit partie du conseil d’administration de la Mexican Northern Power Company, constituée juridiquement en 1909.
Tout en étant opposé à l’exclusivité syndicale, Brookfield acceptait le syndicalisme de métier et avait la réputation d’être un employeur bienveillant. Ce méthodiste renommé pour sa générosité était haut placé dans la franc-maçonnerie. Il fut membre du conseil d’administration et de la chorale de l’église méthodiste Grafton Street et appartint au conseil d’administration du Mount Allison College de Sackville, au Nouveau-Brunswick, qui lui décerna en 1917 un doctorat honorifique en droit. Pilier de la Protestant Industrial School pour garçons à Halifax, il appartint au conseil d’administration du Protestant Orphans’ Home et de la Young Men’s Christian Association. Il fut aussi président honoraire des Boy Scouts, du Sailors’ Home et de la Navy League. Bien qu’il ait été ouvertement conservateur, il ne fit guère de politique, sauf à titre d’échevin en 1876–1877.
Samuel Manners Brookfield se rendait au travail en tramway ; on raconte qu’il était le premier arrivé le matin et le dernier parti le soir. Une nécrologie rapporte qu’« on le voyait toujours derrière l’épaule du conducteur, attendant que la voiture s’arrête, et [qu’]il était le premier à descendre, jamais le dernier ». Veuf depuis le 23 février 1909, il laissa toute sa succession – soit 248 238,98 $ – à son fils, qui lui succéda à la présidence de la S. M. Brookfield Limited, rebaptisée Brookfield Construction Company Limited.
Halifax County Court of Probate (Halifax), Estate papers, nº 10787.— NSARM, 1990-215/014, nº 1 ; MG 1, vol. 150c, nos 1–2 ; MG 100, vol. 88, nº 3.1.— P. R. Blakeley, Glimpses of Halifax, 1867–1900 (Halifax, 1949 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1973).— Harry Bruce, A century at Central Trust : the story of its growth (Halifax, 1987).— Susan Buggey, « Building Halifax, 1841–1871 », Acadiensis (Fredericton), 10 (1980–1981), nº 1 : 90–112.— J. E. Chute, « Halifax’s new south end : the North West Arm Land Company and a parkland legacy », Royal N.S. Hist. Soc., Journal (Halifax), 3 (2000) : 33–53.— The city of Halifax, the capital of Nova Scotia, Canada : its advantages and facilities [...], J. Isaacs, compil. (Halifax, 1909).— In memoriam, Samuel M. Brookfield, d.c.l. (Halifax, s.d.).— Ian McKay, The craft transformed : an essay on the carpenters of Halifax, 1885–1985 (Halifax, 1985).— Henry Roper, « The Halifax Board of Control : the failure of municipal reform, 1906–1919 », Acadiensis, 14 (1984–1985), nº 2 : 46–65.— J. S. Scott, « The foundation and structure of a building business », Port and Province (Halifax), sept. 1937.— V. L. Settle, « Halifax Shipyards, 1918–1978 : an historical perspective » (mémoire de m.a., St Mary’s Univ., Halifax, 1994).
Henry Roper, « BROOKFIELD, SAMUEL MANNERS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/brookfield_samuel_manners_15F.html.
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Auteur de l'article: | Henry Roper |
Titre de l'article: | BROOKFIELD, SAMUEL MANNERS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 22 déc. 2024 |