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BRAITHWAITE, HENRY A., homme des bois et guide, né le 12 janvier 1841 (certaines sources donnent le 12 janvier 1840) près de Fredericton, fils d’Alfred Braithwaite, natif d’Angleterre ; il épousa Sarah Flinn, du Nouveau-Brunswick, et ils eurent au moins trois filles ; décédé le 2 janvier 1927 à Fredericton.
Plusieurs textes biographiques sont consacrés à Henry A. Braithwaite, le premier guide de chasse et pêche d’ascendance européenne au Nouveau-Brunswick, mais ils éclairent peu ses origines et son enfance. D’après l’auteur Bruce Stanley Wright*, il vécut d’abord sept ans dans la région de Fredericton, puis à Penniac, dans St Marys Parish. On ignore avec qui il habitait et s’il utilisait le patronyme Braithwaite. Ce nom ne figure pas dans les recensements de 1851 et de 1861. Par contre, dans le relevé fait en 1871 à St Marys Parish, on trouve un ménage composé de Henry « Brethright » (30 ans), de sa femme Sarah (35 ans), de trois filles et d’un pensionnaire. La famille est dite méthodiste.
Dès ses jeunes années, Braithwaite vécut à la manière d’un homme des bois. Son mentor fut le légendaire guide malécite Gabriel Acquin*, habitué de la maison où il vivait. « À force de lui poser des questions sur le gibier et la chasse, dit Braithwaite, je suis entré suffisamment dans ses bonnes grâces pour l’accompagner en forêt. » Engagé pour la première fois à l’âge de 13 ans comme assistant d’Acquin, Braithwaite remonta la rivière Nashwaak avec le lieutenant-gouverneur John Henry Thomas Manners-Sutton* et deux compagnons. À la fin de la première journée de cette excursion de chasse, les hommes découvrirent qu’ils avaient oublié leur tonnelet de rhum. Braithwaite reçut pour mission d’aller le chercher en traîne sauvage. « Je vous dis que j’étais fier quand je les ai entendus crier hourra, racontait-il en parlant de son retour. À ce moment-là, j’ai pensé qu’ils m’acclamaient, moi. Après coup, je me suis dit que c’était peut-être le tonnelet ! » À 14 ans, il s’engagea comme cuisinier dans un camp de bûcherons. Par la suite, il chasserait au fusil ou au piège à l’automne et au printemps, se ferait embaucher pour des travaux manuels l’été et passerait l’hiver dans des camps de bûcherons, sans que le produit de toutes ces activités lui permette de subvenir aux besoins de sa famille. En 1882, l’arpenteur Edward Jack lui enseigna l’arpentage et les techniques d’estimation du rendement des forêts en bois. Dès lors, pendant quelques années, Braithwaite offrit ses services à des entreprises forestières. À compter de 1889 seulement, il put consacrer tout son temps à ses occupations favorites : guider, chasser et piéger.
Au début des années 1870, Braithwaite avait frayé un sentier vers le nord, en pleine forêt, entre la rivière Miramichi-du-Sud-Ouest, dans le comté d’York, et les lacs situés à la source de la Petite Miramichi-du-Sud-Ouest. Dans cet arrière-pays assez peu exploité, il mit sur pied en 1874 une entreprise de chasse et de piégeage qui employa bientôt plusieurs assistants. Chasseurs à l’automne, trappeurs en hiver, ils abattaient des ours noirs au printemps. Dans les années 1880, les peaux de ces bêtes constituaient le produit le plus rentable de l’entreprise : les fourreurs d’Angleterre en voulaient en grande quantité pour confectionner les bonnets à poil qui commençaient à faire partie des uniformes régimentaires.
Dans le récit de son expédition aux lacs de la Petite Miramichi-du-Sud-Ouest en 1883, Jack parlait du « vieux camp de chasse » que Braithwaite avait à proximité d’un cours d’eau appelé Crooked Deadwater. C’était à partir de là qu’il exerçait son activité de trappeur. Le long de ses réseaux de pièges, qui s’étendaient vers les ruisseaux Rocky, Clearwater et Burnthill et vers les sources des rivières Dungarvon et Renous, il avait bâti des abris à toiture en appentis et avec foyer où l’on pouvait passer la nuit ou se réfugier par mauvais temps. D’après Jack, Braithwaite avait du succès comme trappeur et, en plus, il était « sans conteste […] le meilleur chasseur du Nouveau-Brunswick ». Par la suite, d’autres observateurs abonderaient dans le même sens en notant sa capacité de suivre des pistes d’animaux en terrain dur et sec (comme les grands chasseurs autochtones), son aptitude remarquable à appeler l’orignal à l’aide d’une corne en écorce de bouleau, ses techniques de survie et de voyage, ses méthodes de conservation des aliments et de préparation des repas de même que son souci de préserver la nature, qualité rare en ces temps où le bien des animaux et la protection de l’environnement étaient des préoccupations peu répandues. Plusieurs rapports signalent aussi les aspects positifs de son caractère et de sa personnalité. « Non seulement est-il le meilleur expert parmi les hommes des bois et les chasseurs, déclarait le professeur William Francis Ganong*, mais [c’est] aussi un gentleman. »
Du fait de ses compétences et de sa connaissance exceptionnelle d’une vaste région giboyeuse, l’Oncle Henry, comme on en vint à l’appeler, fut à l’avant-garde du développement de l’industrie néo-brunswickoise de la chasse et de la pêche sportive, qui parvint à maturité dans les années 1890. À la tête d’un groupe de collègues, le « doyen des guides du Nouveau-Brunswick » se rendit à l’une des premières expositions sportives à Chicago. Lorsque la fondation de la New Brunswick Guides’ Association eut lieu, en 1899, il fut élu à la présidence. La renommée de son « royaume enchanté de chasse et de pêche » se répandit bien vite, en bonne partie grâce aux nombreux écrivains qu’il comptait parmi ses clients. Frank H. Risteen, de Fredericton, qui allait souvent chasser en sa compagnie, en fit un personnage légendaire dans la presse canadienne et américaine à grand tirage. Le journaliste américain Frederic Irland, qui lui rendit visite pour la première fois en 1894, relata ses aventures dans le Scribner’s Magazine de New York. En 1902, Emerson Hough, de Chicago, qui avait fait étape au bord du cours d’eau appelé Crooked Deadwater, écrivit un article à ce sujet dans le Forest and Stream de New York. Cinq ans plus tard, Ralph Pulitzer, du World de New York, arriva en grande pompe avec sa femme et un domestique pour passer cinq semaines en compagnie du « grand chasseur blanc ». Quand il essaya d’organiser un séjour, Thomas Martindale, l’auteur de With gun and guide (Philadelphie, 1910), apprit avec stupéfaction que les services de Braithwaite étaient retenus d’avance pour trois ans. Parmi les amis écrivains de Braithwaite, un des plus proches était Charles George Douglas Roberts*, originaire du comté d’York. En préparant ses histoires bien connues sur la nature, il s’était adressé à Braithwaite pour avoir des renseignements sur certains animaux. Il reconnut sa dette en dédiant Red Fox, paru à Toronto en 1905, « À Henry Braithwaite, maître dans l’art de la vie en forêt ». Malgré son mépris pour l’absurdité, Braithwaite déclara : « même si Charlie Roberts plaçait un éléphant dans les bois du Nouveau-Brunswick, je lirais son histoire avec plaisir ». Par comparaison avec ce genre de clients, Braithwaite avait de modestes talents littéraires, mais il composa sur la vie en forêt quelques petits textes qui contribuèrent à populariser son nom et à promouvoir son entreprise.
Braithwaite accueillit aussi beaucoup de gens qui n’appartenaient pas au milieu littéraire, par exemple lord Hawke et d’autres chasseurs de trophées venus de Grande-Bretagne. Parmi les hommes d’affaires américains qui connurent grâce à lui les lacs situés à la source de la Petite Miramichi-du-Sud-Ouest se trouvait George Dupont Pratt, de New York, qui bâtit en 1909, sur les bords du lac Holmes, une des retraites estivales les plus luxueuses de la province. « Des lords et des ducs d’Angleterre et des millionnaires des États-Unis, disait Braithwaite, j’en ai eu au point de ne plus pouvoir les compter. Certains d’entre eux étaient vraiment des chics types ; d’autres, pas du tout. » Dans cette dernière catégorie entrait un Anglais tatillon qui exigeait que sa baignoire l’accompagne dans les bois ; Braithwaite, dit-on, le surnommait Sa Folle Majesté.
Bien que le point central de l’entreprise de Braithwaite se soit trouvé aux lacs de la Petite Miramichi-du-Sud-Ouest, son territoire de chasse finit par s’étendre sur quelque 200 kilomètres vers le nord jusqu’au réseau fluvial des rivières Nepisiguit et Restigouche, et même au delà. « Henry possède plus de maisons que bien des millionnaires peuvent se vanter d’en avoir », déclara Frederic Irland en 1900. « Presque partout, de la Dungarvon à la Matapédia et de l’embouchure de la Miramichi à la source du Témiscouata, on est à moins d’une journée de marche de l’un de ses petits camps bien aménagés. » Dans les années où il pratiqua le plus intensivement le métier de guide, Braithwaite disait avoir 22 camps au Nouveau-Brunswick et plusieurs dans la province de Québec.
Longtemps, les autorités provinciales virent d’un bon œil les activités de Braithwaite parce que, de toute évidence, il générait des revenus et créait de l’emploi. Cependant, dès que des concurrents se mirent à se chamailler pour avoir une part de ses activités, les poursuites judiciaires commencèrent. En 1907, Braithwaite déclencha une série d’événements malheureux en portant plainte contre Arthur Robinson – chasseur new-yorkais qui avait un camp au lac Holmes – pour avoir tué du gibier hors saison. Au procès, aucune preuve ne vint étayer suffisamment l’accusation. Robinson répliqua en accusant Braithwaite du même délit. La culpabilité de Braithwaite ne fut pas établie, mais il reconnut qu’un chasseur américain à qui il servait de guide avait abattu un caribou en dehors de la saison. On lui imposa une amende en 1908 pour ne pas avoir empêché ni signalé cette infraction. La condamnation fut annulée l’année suivante ; néanmoins, les autorités provinciales suspendirent son permis de guide pour le « punir » d’avoir porté plainte contre Robinson. Qui avait tort et qui avait raison dans cette affaire ? Il est difficile de le dire : d’intenses jalousies avaient été éveillées et des hommes orgueilleux avaient été blessés dans leur vanité.
À l’automne de 1913, Braithwaite reçut le comte de Kingston, chasseur de gros gibier. Lorsqu’ils sortirent de la forêt pour Noël, des amis se réunirent pour célébrer le soixantième anniversaire du jour où Braithwaite avait tué son premier caribou. Kingston lui remit une bourse contenant une somme à laquelle avaient contribué des chasseurs canadiens, américains et britanniques. On lut des télégrammes de félicitations ; l’un d’eux, envoyé par Irland, était adressé à « Henry, roi des guides et prince des hommes ». Braithwaite avait alors plus de 70 ans, et son règne achevait. Dans les années suivantes, il s’adonna souvent à la chasse et au piégeage en solitaire. Une fois, en 1920, il s’absenta si longtemps qu’une équipe partit à sa recherche. Elle le retrouva sain et sauf dans un camp situé à 43 kilomètres du lieu habité le plus proche.
Un des derniers articles parus sur Braithwaite de son vivant se fondait sur une entrevue accordée par lui en 1924 chez sa fille à Kate Haws Miles pour le Sunday Leader de Halifax. « Rien dans son allure ou dans son physique, sauf ses yeux tellement vifs et brillants, ne proclame qu’il a passé soixante-dix ans au grand air, écrivait la journaliste. Il ne semble pas plus mal à l’aise au milieu du mobilier en chêne et peluche du salon de sa fille qu’un homme qui a son fauteuil préféré ou sa berçante dans un petit coin douillet. Pourtant, en fouillant un peu plus et en écoutant la sereine philosophie de cet homme, on comprend qu’il n’est pas comme tout le monde. Il y a chez lui plus qu’un soupçon de Thoreau […] Dans sa manière simple et directe, son mépris du subterfuge, son penchant quasi obsessionnel pour la précision se reflètent le milieu naturel et le compagnonnage des habitants des lieux silencieux. »
Plus de 75 ans après sa mort, survenue en 1927, la légende de Henry A. Braithwaite est toujours bien vivante, et plusieurs signes tangibles témoignent de son héritage. On peut voir au Musée des bûcherons du centre du Nouveau-Brunswick, près de Boiestown, une des dernières cabanes en rondins qu’il a occupées. Beaucoup d’entités géographiques situées dans son ancien domaine ont été baptisées par lui en mémoire de clients ou d’employés. Enfin, il y a le lac Braithwaite à Stanley Parish et le mont Braithwaite à la limite des comtés d’York et de Northumberland.
Un des recueils de réminiscences de Henry Allan Braithwaite a paru sous le titre « Characteristics of bears », dans le Family Herald and Weekly Star (Montréal), le 13 avril 1924.
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W. D. Hamilton, « BRAITHWAITE, HENRY A. », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/braithwaite_henry_a_15F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/braithwaite_henry_a_15F.html |
Auteur de l'article: | W. D. Hamilton |
Titre de l'article: | BRAITHWAITE, HENRY A. |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |