BILLAUDÈLE, PIERRE-LOUIS, prêtre, sulpicien, supérieur du séminaire de Saint-Sulpice à Montréal, né à Tourteron, Ardennes, France, le 20 novembre 1796, fils de Pierre Billaudèle et de Catherine François, décédé à Montréal le 19 octobre 1869.

Ayant commencé ses études secondaires sous la direction d’un prêtre, Pierre-Louis Billaudèle entra, en 1812, au petit séminaire de Charleville, Ardennes, et y prit la soutane. Un an après, il inaugurait sa carrière d’éducateur en devenant précepteur des enfants d’un noble de la région. En 1816, il entra au grand séminaire de Charleville pour y faire ses études théologiques et y recevoir les ordres sacrés.

Quelques mois avant son ordination à la prêtrise, le 30 novembre 1819, son évêque le nomma directeur du petit séminaire de Charleville, fonction qu’il cumula avec l’enseignement et la prédication. Après cinq années de ce ministère absorbant, il obtint la permission d’entrer dans la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice. Après deux ans à la Solitude d’Issy-les-Moulineaux, près de Paris (1824–1826), Pierre-Louis Billaudèle fut envoyé au grand séminaire de Clermont-Ferrand. Il y resta pendant près de 11 ans, d’abord comme professeur de philosophie puis comme directeur des étudiants en philosophie et professeur de dogme. Ainsi, lorsque, en 1837, on lui proposa d’aller à Montréal travailler au développement des œuvres d’éducation de Saint-Sulpice, on s’adressait à un prêtre expérimenté. Dès novembre, il arrivait à Montréal en compagnie de deux autres sulpiciens et des quatre premiers Frères des écoles chrétiennes [V. Louis Roblot].

On lui confia d’abord un ministère à Notre-Dame de Montréal. Chargé, entre autres fonctions, d’un cours d’instruction religieuse, il attira bientôt, grâce à ses qualités de prédicateur, un auditoire considérable. Peu après, il dut ajouter à cette charge l’enseignement de la morale aux ecclésiastiques du collège de Montréal. Billaudèle préludait ainsi à la fonction importante qu’on allait bientôt lui confier : la direction du premier grand séminaire de Montréal.

Cette institution ne fut fondée qu’en novembre 1840 et placée aussitôt sous la direction des prêtres de Saint-Sulpice. Sur la proposition de M. Joseph-Vincent Quiblier*, supérieur du séminaire de Saint-Sulpice, Mgr Ignace Bourget* accepta Pierre-Louis Billaudèle comme premier directeur. Ce dernier se recommandait par ses connaissances en théologie et en spiritualité, par son caractère affable et par l’expérience qu’il avait acquise en France de la vie du séminaire. Toutefois, sa fonction restait délicate. Il devait introduire à Montréal le règlement des séminaires sulpiciens de France. Par là on imposait un genre de vie nouveau, avec un esprit, des coutumes, et des traditions ignorés des Canadiens. Grâce à l’habileté et à la délicatesse de Billaudèle, le changement se fit sans difficulté. Le petit nombre des séminaristes favorisa aussi sa tâche : durant les six années de son administration il ne devait pas dépasser 30.

Le 21 avril 1846, Billaudèle fut élu supérieur des sulpiciens au Canada succédant ainsi à M. Quiblier. C’était pour lui un changement radical. Il était habitué à mener la vie calme et régulière du séminaire. Il lui faudra désormais diriger une administration étendue et compliquée à un moment où l’on remettait tout en question dans la paroisse Notre-Dame et dans les maisons d’enseignement. Cette paroisse retint d’abord son attention. Trois semaines après son élection, Billaudèle recevait de Mgr Bourget une lettre dans laquelle l’évêque soulevait la question du manque de personnel et de la subdivision de la paroisse. Le conseil du séminaire partageait entièrement les vues de l’évêque, mais le manque de ressources et de sujets français l’empêchait de se rendre à ses désirs.

Plusieurs incidents retardèrent la solution des problèmes soulevés par l’évêque. D’abord le voyage de Mgr Bourget en Europe, en 1846–1847, au cours duquel il devait discuter de la subdivision et de l’administration de la paroisse Notre-Dame avec le supérieur général des sulpiciens. Ensuite, l’épidémie de typhus, occasionnée par l’arrivée de près d’un millier d’Irlandais au début de juin 1847, occupa l’évêque à son retour. De son côté, M. Billaudèle, comme curé de Notre-Dame, mobilisa presque tout le personnel du séminaire et du collège de Montréal et des communautés religieuses de la paroisse pour subvenir aux besoins des malades. Au cours de l’épidémie, qui dura près de trois mois, le séminaire perdit cinq de ses membres ; plusieurs autres, atteints par la maladie, furent obligés de cesser tout ministère pendant plusieurs mois, ce qui aggrava encore plus le problème du recrutement. Enfin, il fallut attendre jusqu’en 1849 l’arrivée du visiteur français, Étienne-Michel Faillon, pour tenter de résoudre les questions relatives à la paroisse et à l’enseignement.

Dès la première assemblée avec le visiteur, le conseil du séminaire décida de construire sur le territoire de la paroisse Notre-Dame trois églises qui serviraient de succursales : une à Notre-Dame-de-Grâces, une autre au faubourg Sainte-Anne et une troisième au faubourg Sainte-Marie. Mgr Bourget n’accepta que les deux premières. Cependant, après l’incendie qui détruisit, entre autres, la cathédrale et le palais épiscopal en juillet 1852, Mgr Bourget accepta l’année suivante l’offre du séminaire de prendre en charge la reconstruction de l’église Saint-Jacques et d’en faire une succursale de Notre-Dame.

Dans sa lettre du mois d’avril 1846, Mgr Bourget avait proposé à M. Billaudèle plusieurs autres mesures destinées à intensifier le ministère paroissial. Bien avant la construction des églises, le supérieur-curé s’appliqua à suivre les conseils de son évêque. Il multiplia les retraites pastorales de manière à pouvoir atteindre les différentes classes de la société. Il réorganisa l’enseignement de la religion en confiant aux prêtres de la paroisse les catéchismes préparatoires à la première communion et à la confirmation, et il rétablit les catéchismes de persévérance à l’adresse des jeunes gens qui très tôt cessaient de fréquenter les écoles. Les visites paroissiales dans la ville et dans les faubourgs devinrent plus fréquentes et plus régulières. En outre, les pieuses associations et les œuvres de charité connurent de nouveaux accroissements. Aux anciennes associations et congrégations s’ajoutèrent, entre autres, l’Association de l’amour de la Très Sainte Vierge, établie en 1847 par M. Billaudèle lui-même, et les conférences de Saint-Vincent-de-Paul, introduites dans la paroisse en 1848.

Le problème de l’emplacement du grand séminaire intéressait bien davantage M. Billaudèle. Lors de la fondation de cette institution, il avait été entendu que son établissement dans une aile du collège de Montréal n’était que provisoire. En 1850, le conseil du séminaire décida de construire le séminaire près de l’église Notre-Dame, à la place du vieux séminaire bâti par François Dollier* de Casson. Les travaux commencèrent aussitôt et, en 1853, l’aile destinée aux prêtres chargés du ministère paroissial était terminée. Les travaux en restèrent là, car, entre-temps, on avait décidé de chercher un terrain beaucoup plus vaste pour le grand séminaire. En 1854, lors de la seconde visite de M. Faillon, on décida enfin de construire le nouvel édifice sur l’emplacement du fort de la Montagne. Le conseil du visiteur approuva les plans du nouveau grand séminaire le 25 août 1854, et, en octobre, le supérieur général, M. Joseph Carrière, sanctionna la décision. Le 8 septembre 1855, M. Billaudèle posa la première pierre ; ce fut une des dernières cérémonies officielles qu’il présida comme supérieur. En effet, le 21 avril 1856, il avertit le conseil du séminaire qu’il n’accepterait pas d’être réélu pour un troisième mandat en raison de sa mauvaise santé.

Durant les 12 dernières années de sa vie, Billaudèle se consacra presque exclusivement à la prédication. Jusqu’à la fin il put faire valoir ses dons oratoires exceptionnels : timbre de voix magnifique, diction élégante, pensée élevée, imagination féconde, mémoire prodigieuse, grande facilité d’expression et d’improvisation. S’adaptant facilement à tous les auditoires, il dirigea un nombre incalculable de retraites, tant dans le diocèse de Montréal que dans les diocèses voisins. À ce travail bienfaisant mais exigeant, Billaudèle finit par s’épuiser. Durant la dernière année de sa vie, il dut se retirer à l’infirmerie de la communauté ; il s’éteignit en octobre 1869, après 50 années de sacerdoce.

Antonio Dansereau

ASSM, 11 ; 21 ; 24, Dossier 2 ; 25, Dossier 1.— Allaire, Dictionnaire.— Henri Gauthier, Sulpitiana (2e éd., Montréal, 1926).— Léon Pouliot, Inventaire analytique de la correspondance de Mgr Ignace Bourget pour 1846, ANQ Rapport, 1965, 91.— Léon Pouliot et François Beaudin, Inventaire analytique de la correspondance de Mgr Ignace Bourget [1847–1850], ANQ Rapport, 1966, 195 ; 1967 ; 1969, 3.— Louis Bertrand, Bibliothèque sulpicienne, ou histoire littéraire de la Compagnie de Saint-Sulpice (3 vol., Paris, 1900), II : 311s.— [Pierre] Boisard, La Compagnie de Saint-Sulpice ; trois siècles d’histoire (s.l., s.d.).— [A.-C.-G. Desmazures], M. Faillon, prêtre de St. Sulpice ; sa vie et ses œuvres (Montréal, 1879), 231–247.— Frédéric Langevin, Monseigneur Ignace Bourget : deuxième évêque de Montréal (Montréal, 1931), 190–193.— Pouliot, Mgr Bourget, I, II, passim.— Pierre Rousseau, Vie de M. Pierre-Louis Billaudèle, grand-vicaire et dixième supérieur du séminaire de Montréal (Montréal, 1885).— Rumilly, Hist. de Montréal, II, passim.— Émile Boucher, L’œuvre sulpicienne de la formation cléricale, les supérieurs du grand séminaire, Le Séminaire (Montréal), XXII (1957) : 219223.— Le grand séminaire de Montréal de 1840 à 1857, Annuaire du grand séminaire (Montréal), 3 (19301931) : 84–87.— Olivier Maurault, Grand séminaire de Montréal, I : son histoire, Le Séminaire, V (1940) : 9–64.— Pierre Rousseau, Notice biographique sur le révérend messire Pierre Billaudèle, s.s., L’Écho du cabinet de lecture paroissial de Montréal, XII (1870) : 274, 365, 408, 535, 620.— Vie de Monsieur Pierre-Louis Billaudèle, premier directeur du grand séminaire de Montréal, Annuaire du grand séminaire, 3 (1930–1931) : 74–84.

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Antonio Dansereau, « BILLAUDÈLE, PIERRE-LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/billaudele_pierre_louis_9F.html.

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Auteur de l'article:    Antonio Dansereau
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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