BERTHO, ÉMILE-DÉSIRÉ, dit frère Louis-Bertrand, frère de Saint-Gabriel et enseignant, né le 28 novembre 1855 à Saint-André-des-Eaux, France, fils de Pierre Bertho, laboureur, et de Marie-Josephe Nourry ; décédé le 1er septembre 1936 à Saint-Laurent-sur-Sèvre, France.
Émile-Désiré Bertho appartient à une famille enracinée dans la région des marais de la Brière, au nord de l’estuaire de la Loire, en France, dès le début du xixe siècle. Il commence ses études primaires dans sa commune et, en 1869, s’inscrit au juvénat de Saint-Laurent-sur-Sèvre, en Vendée, pour devenir religieux enseignant. Il entre au noviciat des Frères de Saint-Gabriel en 1872 et prend le nom de frère Louis-Bertrand. La congrégation se dévoue à l’éducation et à l’instruction chrétiennes de la jeunesse ; elle prend aussi sous sa responsabilité des écoles que fréquentent des sourds-muets et des aveugles. Le frère Louis-Bertrand prononce ses premiers vœux le 19 septembre 1874, puis ses vœux perpétuels en 1879.
Dès 1874, le frère Louis-Bertrand devient maître de classe dans différentes écoles (à Currière, Orléans et Bordeaux), en particulier dans des écoles de sourds-muets. Ses supérieurs, voyant en lui un sujet de valeur, lui confient en 1883 des tâches d’enseignement au noviciat de Saint-Laurent-sur-Sèvre, où il est aussi sous-directeur. Parallèlement, le frère Louis-Bertrand fait les études nécessaires pour obtenir des diplômes de niveau supérieur pour l’enseignement.
À la suite du chapitre général des Frères de Saint-Gabriel de 1883, le conseil général de la communauté, conscient des nombreuses difficultés rencontrées par les religieux en France, songe de plus en plus à en orienter vers le Canada. À la même époque, un riche propriétaire d’immeubles de Montréal, François-Xavier Beaudry, trace les plans d’une vaste construction qui deviendra l’orphelinat Saint-François-Xavier. Il meurt le 24 mars 1885, avant d’en voir l’achèvement. Il laisse cependant à ses exécuteurs testamentaires, le sulpicien Léon-Alfred Sentenne, curé de Notre-Dame, et le juge Louis-Amable Jetté*, les ressources nécessaires à la réalisation de son projet. Benjamin-Victor Rousselot*, sulpicien, curé de Saint-Jacques et ancien élève des Frères de Saint-Gabriel, convainc Mgr Édouard-Charles Fabre*, archevêque de Montréal, d’accepter les Frères de Saint-Gabriel dans son archidiocèse et de leur confier, comme première mission, l’œuvre naissante de l’orphelinat.
Accompagné des frères Herbland, Jean de Prado, Sylvère, Augustin et Raoul, qu’il dirige, le frère Louis-Bertrand arrive à Montréal le 25 septembre 1888. Le groupe s’établit à l’orphelinat Saint-François-Xavier, sis à l’angle des rues Sainte-Catherine et Saint-Urbain. Pour plusieurs raisons, ce projet est difficile. Comme l’aménagement des lieux n’est pas terminé au moment de leur arrivée, les frères doivent attendre un an avant d’accueillir leurs premiers pensionnaires, au nombre de 50 environ. Ils rencontrent ensuite des difficultés d’organisation telles qu’ils fermeront l’orphelinat en juillet 1894. En 1899, un incendie réduira l’immeuble en cendres.
Avec l’arrivée de plusieurs groupes de frères à partir de 1890, le frère Louis-Bertrand peut répondre aux demandes réitérées des curés et des commissions scolaires en fondant des écoles dans les régions de Montréal (y compris la région qui deviendra la Montérégie) et du Saint-Maurice. Il envoie même des enseignants au Vermont, aux États-Unis. Ces fondations exigent du supérieur des déplacements nombreux et une correspondance soutenue.
Dès son arrivée au Canada, le frère Louis-Bertrand songeait à acquérir une maison pour y établir un noviciat. Après sa nomination comme provincial pour le Canada en 1891, il croit de plus en plus nécessaire que sa communauté devienne propriétaire et ait sa maison mère. Le curé à Sault-au-Récollet (Montréal), Charles-Philippe Beaubien, lui fait un jour savoir qu’un de ses paroissiens envisage de vendre sa propriété, située au bord de la rivière des Prairies et qui comprend une vaste maison avec dépendances et jardin. Le 22 mai 1891, le frère Louis-Bertrand, au nom de sa communauté, s’en porte acquéreur.
En 1892, les conférences de la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal, appuyées par le séminaire de Saint-Sulpice, sollicitent le secours des Frères de Saint-Gabriel pour une œuvre semblable à celle de l’orphelinat Saint-François-Xavier : le patronage Saint-Vincent-de-Paul. Sis d’abord dans un local provisoire, le patronage s’installe, quatre mois plus tard, dans un endroit plus vaste, pouvant accueillir une centaine de pensionnaires, rue Chenneville. Pendant près de 60 ans, des milliers de garçons de 14 à 19 ans, orphelins ou délaissés, y trouveront leur famille. Des frères leur donnent des cours de français et de religion et les aident à trouver des stages d’apprentis dans différentes entreprises industrielles.
Entre 1888 et 1898, le frère Louis-Bertrand a ouvert un patronage pour les jeunes, huit écoles paroissiales au Canada, une aux États-Unis, et a doté la communauté canadienne d’une maison mère. Soixante jeunes gens se sont inscrits au noviciat depuis son ouverture. Au chapitre général de 1898, on juge que le frère Louis-Bertrand, qui a mis en branle tant de projets prometteurs, peut assumer des fonctions au conseil général à Saint-Laurent-sur-Sèvre. Il quitte à regret le Canada pour travailler pendant deux mandats de cinq ans comme secrétaire général du conseil et responsable de la Chronique, revue internationale des Frères de Saint-Gabriel, dont le premier numéro paraît à Angers en décembre 1898. De 1903 à 1905, il assume également l’intérim de provincial du Canada, par suite du départ de son successeur, le frère Paul de la Croix, pour raison de santé.
Pendant ce remplacement, le frère Louis-Bertrand envoie des frères au petit séminaire de Montréal et au collège Sainte-Marie-de-Monnoir, à Marieville, et ouvre trois écoles. Il contribue aux premières démarches d’une œuvre qui sera, durant 70 ans, d’un précieux secours pour les jeunes nécessiteux de la grande région de Montréal. En effet, en 1904, il signe un bail de location de terrains, dans Villeray (Montréal), qui serviront à la construction de l’orphelinat Saint-Arsène, dont Arsène-Pierre Dubuc, prêtre alors à la retraite, est le bienfaiteur insigne. La nomination du frère Euphrone comme nouveau provincial au Canada décharge le frère Louis-Bertrand de son double mandat ; ce dernier est appelé en Belgique, où le conseil général est réfugié depuis le 31 juillet 1903.
En 1908, le frère Louis-Bertrand revient au Canada avec la fonction de provincial, qu’il exercera jusqu’en 1917. Il continue l’ouverture de nouvelles écoles. En 1909, à la demande du curé de la paroisse Saint-Arsène, à Montréal, il prend en charge une école de la commission scolaire de Parc-Amherst ; celle-ci portera le nom de Christophe-Colomb. Six ans plus tard, il acceptera également la responsabilité de l’école Saint-Étienne. En 1913, 140 garçons de 6 à 14 ans emménagent dans les nouveaux locaux de l’orphelinat Saint-Arsène ; les anciens ne suffisaient plus à loger le nombre toujours croissant de pensionnaires. La même année, la célébration du vingt-cinquième anniversaire de l’arrivée au Canada des Frères de Saint-Gabriel constitue un événement remarquable qui donne lieu à un album-souvenir et à un article de l’abbé Édouard Gouin, paru en septembre dans la Revue canadienne de Montréal.
Le séjour du frère Louis-Bertrand au Canada prend fin en 1917. On le nomme directeur du noviciat et du scolasticat à Saint-Laurent-sur-Sèvre où, quelques années plus tard, on lui confie le poste de directeur général de la maison mère. Les murs de son bureau sont couverts de photos du Canada. En 1932, il prend une retraite plus que méritée à Saint-Laurent-sur-Sèvre, où il s’éteint le 1er septembre 1936.
On peut lire, sur le ruban d’« officier d’académie » que remet le ministère de l’Instruction publique de France au frère Louis-Bertrand en 1932, l’inscription suivante : 14 fondations d’écoles françaises et 20 ans de directorat au Canada. Ainsi a-t-on résumé la vie de celui qui, conformément aux mots utilisés par le maire de la ville natale d’Émile-Désiré Bertho pendant la préparation du centenaire de l’arrivée des Frères de Saint-Gabriel au Canada, « est allé courageusement, au bout du Monde, enseigner la culture et les traditions françaises ».
Arch. départementales, Loire-Atlantique (Nantes, France), État civil, Saint-André-des-Eaux, 28 nov. 1855 ; Vendée (La Roche-sur-Yon, France), État civil, Saint-Laurent-sur-Sèvre, 1er sept. 1936.— Arch. des Frères de Saint-Gabriel du Canada (Montréal), 7532-020.04 (corr. avec le maire de Saint-André-des-Eaux, 1987–1988), 28 juill. 1987 ; 7641-015 (l’Œuvre du patronage des jeunes apprentis catholiques de Montréal : historique et procès-verbaux de la Société Saint-Vincent-de-Paul de la cité de Montréal, 1892–1895) ; D-001 (orphelinat Saint-François-Xavier) ; D-003 (école St Johnsbury, É.-U.) ; D-015 (école d’Acton Vale) ; D-026 (école Christophe-Colomb, Montréal) ; D-028 (école Saint-Étienne, Montréal).— Arch. générales des Frères de Saint-Gabriel (Rome), 211 (chap. généraux), 133, 140 ; 859 (reg. général des profès), reg. des profès du Canada, 1.— BAnQ-CAM, CN601-S227, 22 mai 1891 ; CN601-S556, 31 mai 1904.— BAnQ-O, CN703-S1, 27 févr. 1885.— Univers culturel de Saint-Sulpice (Montréal), Dép. des arch., P1 (fonds Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal), 35 (congrégations, patronages, confréries, assoc., et autres), 16.— Le Monde illustré (Montréal), 13 mai 1899.— Louis Bauvineau, Histoire des Frères de Saint-Gabriel : au service des jeunes à la suite de Grignion de Montfort et de Gabriel Deshayes (Rome, 1994).— Louis Bauvineau et Lucienne Favre, Libérer sourds et aveugles : initiatives de congrégations montfortaines (Paris, 2000).— Chronique (Bruxelles), no 113 (1932) : 62.— Cinquantenaire de l’arrivée des Frères de St-Gabriel au Canada : 1888–1938 (Montréal, 1938).— Stéphane Divay, « le Patronage Saint-Vincent de Paul de Montréal : (1892–1913) » (mémoire de m.a., univ. d’Angers, France, 1999).— Adélard Faubert, les Pionniers de la province canadienne des Frères de St-Gabriel : il y a 100 ans le 25 septembre 1988 (Sainte-Julienne, Québec, 1988).— Les Frères de Saint-Gabriel dans l’Amérique du Nord (Roulers, Belgique, 1913).— É[douard] Gouin, « les Frères de Saint-Gabriel au Canada, 1888–1913 », Rev. canadienne (Montréal), nouv. sér., 12 (juillet–décembre 1913) : 193–206.— Pierre Perrocheau, Distillerie Saint-Gabriel, 1887–1904, maison Pailloncy, 1905–1922 (Les Herbiers, France, 1982).— P.-G. Roy, « l’Orphelinat Saint-Arsène, de 1906 à 1929 » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 1990).— Frère Théophile [Avila Chartrand], Vie de Monseigneur Pierre-Arsène Dubuc, 1842–1922 (Montréal, [1949]).
André Forget, « BERTHO, ÉMILE-DÉSIRÉ, dit frère Louis-Bertrand », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bertho_emile_desire_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/bertho_emile_desire_16F.html |
Auteur de l'article: | André Forget |
Titre de l'article: | BERTHO, ÉMILE-DÉSIRÉ, dit frère Louis-Bertrand |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2013 |
Année de la révision: | 2013 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |