BERTHELET, PIERRE, négociant et propriétaire foncier, né le 15 avril 1746 à Saint-Laurent, près de Montréal, fils de François Berthelet et d’Anne Boullard ; le 24 juillet 1775, il épousa à Detroit Françoise Meloche, et ils eurent un fils, puis le 2 février 1779, à Boucherville, Québec, Marguerite Viger, et de ce mariage naquirent 13 enfants ; décédé le 2 janvier 1830 à Montréal.

Certains membres de la famille Berthelet portèrent le surnom de Savoyard, sans doute à cause du lieu d’origine du premier Berthelet qui vint s’établir au pays et qui était né dans le diocèse de Genève. On présente souvent Pierre Berthelet comme médecin, bien qu’aucun document ne confirme qu’il ait pratiqué la médecine ou qu’il ait acquis une formation dans ce domaine. Par ailleurs, il aurait travaillé à la traite des fourrures. Chose certaine, on le retrouve à Detroit où il achète des propriétés foncières. Il quitte cette ville vers 1776 ou 1777 pour s’installer dans la province de Québec, à Lachine. Il laisse derrière lui son fils Henry, qui habitera aux États-Unis toute sa vie.

En 1780, Berthelet se qualifie de marchand voyageur et s’occupe sans doute encore de traite des fourrures. En 1784, il achète une propriété rue Saint-Paul à Montréal et, à cette occasion, il se dit marchand de l’endroit. On ignore le détail de ses activités, mais il fait d’importantes ventes de blé en 1788, 1793, 1794 et 1803. À partir de 1801, il investit dans la propriété foncière et agit comme prêteur. On retrouve plus d’une centaine d’actes notariés relatifs à des prêts consentis à diverses personnes, à des baux et à des transactions immobilières.

Le commerce d’immeubles semble devenir très rapidement le principal champ d’activité de Berthelet. D’après le journaliste Hector Berthelot*, il aurait possédé plus de 100 immeubles vers 1820, ce qui en aurait fait le plus gros propriétaire de Montréal. Les travaux de Jacques Viger* sur la propriété foncière montréalaise en 1825 permettent d’établir qu’il était effectivement le plus important propriétaire de la ville. Ses 23 propriétés, dont certaines très grandes, sont situées surtout à l’intérieur du périmètre de la vieille ville et à Pointe-à-Callière. Il a 61 locataires qui louent des immeubles tant commerciaux que résidentiels. Il possède, notamment, un immeuble qui compte 43 occupants. Le domaine de la propriété foncière est alors doublement intéressant. D’une part, Montréal connaît une croissance rapide durant le premier quart du xixe siècle, entraînant sans doute une pression à la hausse des loyers, et, d’autre part, comme l’a montré l’historienne Louise Dechêne, dans ce monde préindustriel, le rendement du capital foncier en fait un secteur relativement attirant.

Par ailleurs, Berthelet s’est spécialisé dans la location de poêles en fonte. Selon Berthelot, il aurait possédé environ 300 de ces appareils de chauffage qu’il louait pour l’hiver. En 1824, Berthelet vient en aide à son fils Henry empêtré dans des spéculations à Detroit. Il reprend alors la responsabilité d’un projet de construction d’un quai et d’un marché. Cependant, il se retire en 1827, laissant la conduite de ses affaires à sa femme et à son fils Antoine-Olivier*.

La vie familiale de Berthelet reste mal connue. Toutefois, il semble préoccupé d’assurer le bien-être de ses descendants. Son second testament, daté de 1806 et suivi de codicilles jusqu’en 1826, précise que ses petits-enfants, voire à un certain moment ses arrière-petits-enfants, pourront disposer des biens.

La carrière de Pierre Berthelet illustre la transition entre l’économie du xviiie siècle, dominée par la traite des fourrures, et celle du xixe siècle, plus diversifiée. Il devient prêteur et investit dans le domaine foncier urbain où les possibilités sont multipliées par l’accélération générale de la croissance. On peut aussi y voir une diversification liée à l’âge : vers la soixantaine, Berthelet choisit un champ d’activité plus facile à maîtriser, bénéficiant ainsi doublement de la conjoncture.

Jean-Claude Robert

ANQ-M, CE1-22, 2 févr. 1779 ; CE1-51, 5 janv. 1830 ; CN1-16, 28 sept. 1801, 3 mai 1803, 12 mai 1804, 10 avril, 17, 19 sept., 19 nov. 1805, 27, 30 janv., 8 févr., 13 avril, 14 juill., 6 août, 9 oct. 1806, 14 janv., 2 févr. 1807, 12 avril 1809, 5 févr. 1820, 10 janv., 6 sept. 1826, 12 mars 1827 ; CN1-74, 16 mai 1788, 10 avril, 4 mai 1789, 19 nov. 1790, 10 mai 1791, 28 févr. 1793, 7 juin, 26 sept., 13 déc. 1794, 30 juin, 27 nov. 1795, 23 févr., 17 mai, 8 sept. 1802, 26 janv., 22 mars, 28 mai 1803, 16 janv., 27 févr., 14–15 nov., 13, 27 déc. 1804, 4 janv., 13–14 mars, 1er 4 juill. 1805, 19 oct. 1807, 19 sept. 1808, 15 mars, 15 avril 1809, 3 mars, 31 oct. 1810 ; CN1-134, 13 nov. 1815, 27 janv., 20, 23 févr., 29 mai, 15, 17 juin, 4 juill., 16 août, 13 sept., 7 oct., 15 nov., 4, 18 déc. 1816, 8, 11 janv., 3, 5, 7 févr., 16 mai, 1er juin, 7 juill., 16, 18 août 1817, 28 oct. 1819 ; CN1-158, 27 juin 1780 ; CN1-194, 10 janv. 1805, 23 juin, 22 oct. 1808, 4 mai 1811, 7 avril 1818 ; CN1-243, 11 août 1807, 3 oct. 1809 ; CN1-313, 17 sept. 1792, 22 oct. 1806 ; CN1-334, 5 juill. 1804, 15 avril, 1er mai, 29–30 oct., 26, 29 nov., 2 déc. 1805, 11 mars, 5, 12, 21 oct. 1806, 21 mars, 10, 30 avril 1807, 6, 20 août 1807, 17 janv. 1809, 22, 26 oct. 1811.— APC, MG 29, C89.— ASQ, Fonds Viger-Verreau, Carton 46, no 9.— Montréal en 1781 [...], Claude Perrault, édit. (Montréal, 1969).— La Minerve, 4 janv. 1830.— Montreal Gazette, 4 janv. 1830.— Le Jeune, Dictionnaire. Tanguay, Dictionnaire. Hector Berthelot, Montréal, le bon vieux temps, É.-Z. Massicotte, compil. (2 vol. en 1, Montréal, 1916).— Robert Rumilly, Histoire de Montréal (5 vol., Montréal, 1970–1974), 2.— Louise Dechêne, « la Rente du faubourg Saint-Roch à Québec, 1750–1850 », RHAF, 34 (1980–1981) : 569–596.— Édouard Fabre Surveyer, « Pierre Berthelet and his family (in Canada and in the United States) », SRC Mémoires, 3e sér., 37 (1943), sect. ii : 57–76.— P.-A. Linteau et J.-C. Robert, « Propriété foncière et Société à Montréal : une hypothèse », RHAF, 28 (1974–1975) : 45–65.— É.-Z. Massicotte, « Un Philanthrope canadien-français, M. A.-O. Berthelet », BRH, 22 (1916) : 183–185.— Léon Trépanier, « Un Philanthrope d’autrefois : Antoine-Olivier Berthelet », SCHEC Rapport, 28 (1961) : 19–25.

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Jean-Claude Robert, « BERTHELET, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 29 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/berthelet_pierre_6F.html.

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Auteur de l'article:    Jean-Claude Robert
Titre de l'article:    BERTHELET, PIERRE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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