BERMEN DE LA MARTINIÈRE, CLAUDE DE, écuyer, juge seigneurial, membre du Conseil souverain et premier conseiller du Conseil supérieur, lieutenant général de la Prévôté de Québec, procureur général du Conseil souverain, par intérim, du mois de décembre 1681 au mois de septembre 1682, et subdélégué de l’intendant Bégon*, en 1714 ; né le 30 mai 1636 à La Ferté-Vidame (Eure-et-Loir), mort à Québec le 14 avril 1719.

La Martinière était le fils de Louis Bermen de La Martinière, avocat au parlement de Paris, et de Françoise Juchereau. Il vint au Canada en 1662 sur l’invitation de son parent, Nicolas Juchereau* de Saint-Denis. Le 7 juillet 1664, il épousa Anne Després, veuve de Jean de Lauson* fils, ancien grand sénéchal de la Nouvelle-France. La Martinière devint ainsi propriétaire de l’immense seigneurie de Lauson et c’est en grande partie grâce à ses efforts que, au cours des 20 années qui suivirent, le domaine fut défriché et colonisé.

Tout comme son père, La Martinière choisit de faire carrière dans la magistrature. De 1662 à 1678, il occupa les fonctions de juge seigneurial à Beauport, à Beaupré, à Notre-Dame-des-Anges et à l’île d’Orléans. En 1678, il résigna ses fonctions pour siéger au Conseil souverain, où il montra bientôt son caractère agressif. En 1680, il enquêta sur les agissements de François-Marie Perrot* qui s’était livré à la traite sans permis. Il fit un si violent réquisitoire contre l’accusé que le gouverneur de Frontenac [Buade*] tenta d’arrêter les débats. Mais La Martinière ne voulut rien rétracter et, fort de l’appui du Conseil souverain, il termina son enquête l’année suivante.

La Martinière cessa momentanément de siéger au Conseil souverain en 1684, pour conduire un convoi de ravitaillement à Port Nelson (fort Bourbon), dans la baie d’Hudson, où la Compagnie du Nord avait ouvert un comptoir en 1682. En arrivant sur les lieux il découvrit que le poste était aux mains des Anglais et fut obligé de battre en retraite. Sur le chemin du retour, en 1685, il captura le vaisseau anglais Perpetuana Merchant et ce fut là le seul résultat de l’expédition.

Dès son retour à Québec, La Martinière fut injustement critiqué par le gouverneur Brisay de Denonville, qui lui reprochait de ne pas avoir attaqué les Anglais. Il encourut également une très sévère réprimande de la part de Seignelay [Colbert] pour s’être absenté du Conseil souverain, afin de travailler pour une société commerciale et on l’avertit qu’il devait choisir entre l’une ou l’autre des deux situations. Bien que son salaire de 1 200#, en qualité de commandant pour la Compagnie du Nord, dépassât de beaucoup son traitement de conseiller, La Martinière, qui avait passé un hiver atroce à la baie d’Hudson, choisit de rester au sein du Conseil souverain.

Sa carrière de conseiller fut de nouveau interrompue en 1689. En raison de la mort de sa femme, en mars de la même année, ses titres de propriété sur la seigneurie de Lauson se trouvaient contestés et, afin de défendre ses intérêts, il s’embarqua pour la France où il demeura jusqu’à l’été de 1691. Les litiges traînèrent en longueur jusqu’en 1699 et La Martinière fut finalement obligé d’abandonner ses titres de propriété à Thomas Bertrand, un marchand parisien, à qui Charles-Joseph de Lauson, un fils d’Anne Després, avait cédé la seigneurie en acquittement de ses dettes. Cette décision réduisit le domaine de La Martinière à la petite seigneurie de La Martinière ou Beauchamp, voisine de Lauson, qui lui avait été octroyée en 1692.

À son retour dans la colonie, La Martinière reprit son siège au Conseil souverain. En 1694, cette institution entra une fois de plus en conflit avec Frontenac et le récit des événements que La Martinière fit à Louis Phélypeaux, le ministre de la Marine, força le gouvernement à blâmer le gouverneur pour sa conduite. Le 5 mai 1700, La Martinière fut nommé garde des sceaux du Conseil souverain et, le 1er juin 1703, lieutenant général de la Prévôté de Québec. Malgré certains différends qui l’opposaient à l’intendant Jacques Raudot, il fut promu au poste de premier conseiller du Conseil supérieur le 5 mai 1710 ; il remplit cette fonction jusqu’à sa mort.

Le 9 avril 1697, La Martinière épousa en secondes noces Marie-Anne Cailleteau, à Québec. Cette union, de laquelle naquirent cinq enfants dont deux moururent en bas âge, augmenta les charges matérielles de La Martinière au moment même où la perte de Lauson le privait de sa principale source de revenus. Il reçut quelques secours en 1712 sous la forme d’une pension annuelle de 200#, mais c’était loin de suffire à ses besoins. Devant cette situation, La Martinière demanda un congé de traite, qu’il vendit pour payer les frais de l’éducation religieuse de sa fille, et écrivit à son parent, le duc de Saint-Simon, le célèbre auteur de mémoires, pour lui demander d’assurer la subsistance de ses deux fils.

En 1714, La Martinière, qui le 27 avril avait été nommé subdélégué de l’intendant, se trouva entraîné dans la plus violente polémique de sa carrière. Au cours de l’été de cette même année, alors que Bégon était à Montréal, La Martinière l’accusa d’avoir formé un monopole du grain qui avait conduit la colonie au bord de la famine, et tenta de réduire cette emprise en s’appuyant sur des règlements de police. À cette nouvelle, le Conseil supérieur ordonna immédiatement au procureur général de prendre des mesures pour organiser les secours. Dès son retour à Québec, Bégon, hors de lui, déclara que cette action constituait un véritable défi à son autorité. Les reproches que l’intendant adressa au conseil n’empêchèrent pas des gens affamés de se livrer à des émeutes dans la région de Québec et ces faits vinrent confirmer les allégations de La Martinière. L’intendant l’accusa alors d’avoir provoqué ces émeutes, mais La Martinière parvint à réfuter ces accusations.

La Martinière mourut le 14 avril 1719 et fut inhumé le lendemain dans l’église Notre-Dame de Québec. Anne Cailleteau était morte le 30 novembre 1708, mais il s’était remarié en troisièmes noces avec Marie Molin le 4 août 1710. Elle lui survécut ainsi qu’une de ses filles, Jeanne-Françoise, qui était religieuse, et deux de ses fils : Claude-Antoine*, qui fit une brillante carrière militaire au Canada, et Jean-Baptiste qui, plus tard, partit de Québec pour se fixer aux Antilles.

Edward H. Borins

AN, Col., B, 9, ff.45, 110 ; Col., C11A, 6, ff.406–407, 7, ff.73, 211.— Les congés de traite accordés en 1717, BRH, XXIX (1923) : 271.— Correspondance de Vaudreuil, RAPQ, 1938-–39, 1939–40, 1942–43, 1946–1947, 1948–49, passim.— Documents relatifs à la monnaie sous le régime français (Shortt), I : 230, 264–266.— Documents relating ta Hudson Bay (Tyrrell).— Jug. et délib., I, II, III, IV, VI, passim.— Lettres de Claude Bermen de La Martinière, BRH, XXXVIII (1932) : 18–39.— A. Roy, Inv. gref. not., III, IV, VII , XVIII, XIX, passim.— P.-G. Roy, Inv. concessions, IV : 59.— Charland, Notre-Dame de Québec : le nécrologe de la crypte, BRH, XX (1914) : 176.— E. H. Borins, La compagnie du Nord, 1682–1700 (thèse de m.a., McGill Univ., 1968), (0–62, 80–87.— Cahall, Sovereign Council of New France, 102, 107–111, 133–138.— J. Delalande, Le Conseil Souverain de la Nouvelle-France (Québec, 1927).— Eccles, Frontenac, 146s., 302–304.— J.-N. Fauteux, Essai sur lindustrie.— J.-E. Roy, Claude de Bermen de La Martinière (1636–1719) (Lévis, 1891) ; cet ouvrage, qui est une courte biographie, contient plusieurs documents importants.— P.-G. Roy, Une supplique de M. de Bermen de La Martinière, BRH, XXXV (1929) : 382–384 (contient un extrait d’une lettre écrite par La Martinière au due de Saint-Simon).

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Edward H. Borins, « BERMEN DE LA MARTINIÈRE, CLAUDE DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bermen_de_la_martiniere_claude_de_2F.html.

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Auteur de l'article:    Edward H. Borins
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    2 déc. 2024