BELL, JAMES, marchand, charpentier et propriétaire foncier, né vers 1739 en Grande-Bretagne, peut-être en Angleterre ; il épousa Margaret Christie, fille de William Christie, de Stirling, Écosse ; décédé probablement le 5 juillet 1814 à Chambly, Bas-Canada.

Par son mariage, James Bell devint le neveu de Gabriel Christie*, lequel, venu au Canada pendant la guerre de Sept Ans, acquit, de 1764 à 1766, plusieurs seigneuries qui en firent le maître incontesté de la région du haut Richelieu dans la seconde moitié du xviiie siècle. C’est le long de la petite rivière Montréal (rivière L’Acadie) que Bell s’installa à son arrivée à Chambly entre 1765 et 1772 avec sa femme et vraisemblablement un fils, Alexander. Il s’occupa du commerce du blé, de la viande, des boissons, des matériaux de construction, des voitures et des chevaux. Comme bon nombre de marchands britanniques arrivés au Canada à la même époque, il tenta de tirer parti des circonstances et s’allia aux Canadiens de qui dépendait directement le succès de ses affaires. Nullement rebuté par la langue ou par la religion, il se familiarisa avec le français, se laissa occasionnellement appeler Jacques et fit même baptiser à l’église catholique de la paroisse Saint-Louis (Saint-Joseph), à Chambly, son fils William en janvier 1773 et, l’année suivante, sa fille Margaret. En affaires, il utilisa les services de notaires francophones, et, pour la construction, il recruta plusieurs de ses employés parmi la population canadienne.

Opportuniste, Bell le fut surtout à l’occasion de l’invasion américaine de 1775–1776. Affirmer qu’il embrassa la cause américaine manque probablement de nuances : Bell avait plutôt cru voir dans l’arrivée des troupes révolutionnaires sur la rivière Richelieu une occasion de faire de l’argent. Il n’hésita donc pas, à l’instar de plusieurs marchands britanniques de Montréal, tel Thomas Walker*, à offrir son aide à l’ennemi. Sa connaissance des lieux, ses grands talents de charpentier et ses ressources de marchand en faisaient un auxiliaire précieux pour l’envahisseur. Travaillant successivement sous les ordres du major John Brown, des généraux de brigade Richard Montgomery*, David Wooster et Benedict Arnold, il aida à leur ravitaillement et surtout dirigea les travaux de réparation du fort Chambly et la construction de nombreux bateaux, « gondoles » et voitures pour lesquels il fournit également une grande partie des matériaux. Mais l’armée américaine n’était pas riche, et Bell subit le même sort que plusieurs autres fournisseurs : neuf factures dont le total s’élevait à £2 100 15 shillings 9 pence demeurèrent impayées.

À l’été de 1776, les troupes ennemies en retraite quittèrent le territoire canadien. Dès lors, Bell offrit ses services au roi. Avec des hommes qu’il avait engagés, il coupa des quantités considérables de bois pour la couronne, bâtit une caserne et deux blockhaus à l’embouchure de la rivière Richelieu et construisit de nombreux bateaux, ainsi qu’une vingtaine de tombereaux pour l’artillerie. En juin et juillet 1777, il accompagna jusqu’au fort Ticonderoga (près de Ticonderoga, New York), puis jusqu’au fort George (Lake George) l’expédition britannique, aux ordres du major général John Burgoyne*, envoyée dans la colonie de New York pour contrer l’armée américaine.

De retour à Chambly, Bell éprouva des difficultés dans la poursuite de ses occupations commerciales. En 1781, son commerce de pierre et autres articles se trouvant arrêté, il demanda un emploi au gouverneur Haldimand de même qu’un permis pour couper du bois et extraire de la pierre à chaux pour la construction. De plus, il fut incapable de se faire rembourser la somme considérable que lui devait le gouvernement américain, dette qu’il évaluait, en 1792, à £4 021 10 shillings 11 pence, et cela malgré de nombreuses démarches et même un changement de résidence qui l’amena quelque temps à « Little Charzy » (Chazy), dans l’état de New York. Devant l’incapacité où il se trouvait d’acquitter ses propres dettes, plusieurs saisies et ventes aux enchères, résultant de poursuites intentées contre lui de 1795 à 1802 par Simon Fraser père, Moses Hart* et David Alexander Grant, le dépouillèrent d’une vingtaine de terres et de lots situés dans la seigneurie de Chambly, la baronnie de Longueuil et les cantons de Hemmingford et de Shefford. Peu avant 1800, au moment où il s’installa à Québec, Bell n’était pas loin de la ruine. En 1802, il présenta une pétition en vue d’obtenir du gouvernement britannique des terres pour lui-même et pour sa famille en reconnaissance de sa « loyauté indéfectible » et des services rendus au roi pendant la guerre d’Indépendance américaine.

James Bell revint néanmoins passer les dernières années de sa vie le long de la petite rivière Montréal où il vécut peut-être des quelques arpents de terre qu’il semblait encore posséder à Chambly. Malade et alité, il rédigea son testament le 27 avril 1814 ; laissant à ses enfants William et Margaret la somme de £6 chacun, il institua son épouse légataire universelle. Au début du mois de juillet suivant, probablement le 5, il s’éteignit à l’âge de 75 ans, et fut porté solennellement en terre par ses compagnons de la Dorchester Lodge No. 3, de Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu), dont il avait été un des fondateurs en 1792. Son épouse tenta d’obtenir des États-Unis le payement de la dette contractée à l’égard de son mari, mais elle finit ses jours le 10 septembre 1831 sans y parvenir.

Jacques Castonguay

ANQ-M, CE1-39, 14 janv. 1773, 9 juin 1774 ; CEl–79, 12 sept. 1831 ; CN1-43, 27 avril 1814.— ANQ-Q, CN1-284, 10 nov. 1800.— AP, Saint-Athanase (Iberville), Notes du notaire Didace Tassé, 19 sept. 1874.— APC, RG 1, L3L : 1333, 1353, 1453, 20179–20194, 30977, 41941, 84753, 95242–95244.— Arch. du séminaire de Trois-Rivières (Trois-Rivières, Québec), Fonds Hart, G, n° 1, F-B, 57.— BL, Add. mss 21734 : ff.276–277.— La Gazette de Montréal, 21 juill. 1814.— La Gazette de Québec, 26 févr. 1795, 26 sept. 1799, 14 mai 1801, 5 août, 25 nov. 1802.— [R. F. Gould et W. J. Hughan], A library of freemasonry [...] (4 vol., Londres et Montréal, 1911), 4 : 478.— J.-O. Dion, « James Bell », BRH, 7 (1901) : 248s.

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Jacques Castonguay, « BELL, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bell_james_5F.html.

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Auteur de l'article:    Jacques Castonguay
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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