BEAULIEU, FRANÇOIS, chef de la tribu des Couteaux-Jaunes, guide dans l’arctique et interprète, né en 1771, fils de Sacques Beaulieu et d’une Indienne de la tribu des Montagnais, décédé à Salt River (Territoires du Nord-Ouest) en novembre 1872.

Le Métis François Beaulieu grandit parmi les Indiens de l’extrême Nord-Ouest. Selon John Franklin*, il fut élevé par les Platscôtés-de-Chiens ; mais cela est peut-être une erreur car Beaulieu devait être par la suite l’ennemi implacable de cette tribu. Il fut l’un de ceux qui accompagnèrent Alexander Mackenzie* lorsque celui-ci se dirigea vers le Pacifique par voie de terre, en 1793. Il rencontra pour la première fois le célèbre explorateur de l’arctique, John Franklin, au fort Wedderburn en 1820 ; Beaulieu l’avertit que l’actuelle baie de Dease dans le Grand lac de l’Ours, qu’il connaissait bien, offrait la meilleure base pour l’expédition que Franklin voulait entreprendre jusqu’à l’embouchure de la rivière Coppermine. Des problèmes de ravitaillement obligèrent Franklin à rejeter ce conseil qui, s’il avait été suivi, aurait probablement permis d’éviter les périls et les pertes de vies qui marquèrent son premier « voyage vers les rivages de la mer Polaire » [V. George Back].

Lors de sa deuxième expédition (1825–1827), Franklin employa Beaulieu comme guide et interprète ; il emprunta le fleuve Mackenzie, établit une base au fort Franklin sur la rive ouest du Grand lac de l’Ours à l’automne de 1825 et, l’été suivant, chargea le médecin John Richardson* et le second-maître E. N.-Kendall* de descendre le Mackenzie en bateau afin de dresser la carte de la côte vers l’est jusqu’à l’embouchure de la Coppermine. Richardson acheva cette mission trop tard dans la saison pour revenir par le fleuve. Il voyagea donc par voie de terre, selon les prévisions initiales, jusqu’à l’actuelle baie de Dease du Grand lac de l’Ours où Beaulieu le rejoignit et ramena tout le groupe en bateau jusqu’au fort Franklin. Aucun écrivain, français ou anglais, n’a convenablement souligné le rôle de Beaulieu dans l’élaboration et l’exécution de ce voyage, qui reste le plus réussi de tous les voyages en bateau, entrepris par des marins dans l’arctique canadien.

En tant que chef de la tribu des Couteaux-Jaunes, Beaulieu « devint la terreur » des Platscôtés-de-Chiens, des Esclaves et des Sèkkanais ; il aurait lui-même tué, dit-on, 12 Sèkkanais. Il mena une vie de « sultan » avec trois épouses et des liaisons passagères. Vers la fin de sa vie, Beaulieu s’installa, avec sa famille et quelques Indiens fidèles, sur la rivière au Sel, affluent de la rivière des Esclaves. Il fit alors commerce du sel qu’il tirait de la rivière et la Hudson’s Bay Company, auprès de laquelle il bénéficiait d’un grand prestige, lui accorda un monopole.

En 1848, il fut baptisé par le père Alexandre-Antonin Taché*. Il répudia alors deux de ses femmes (auxquelles il assura un approvisionnement adéquat) et resta « toujours fidèle » à la troisième. Il avait près de 80 ans lorsqu’il renonça ainsi à ses habitudes. Ce vieillard actif fréquentait les sacrements, suivait rigoureusement la pratique religieuse, soutenait l’Église de ses dons généreux et s’efforçait de « désabuser des Indiens séduits par le ministre protestant ». Il chassait encore à l’âge de 85 ans et mourut ayant tout juste dépassé 100 ans.

Son fils, Étienne Beaulieu, servit de guide, en 1889, à l’explorateur américain Warburton Pike, et ses descendants habitent encore dans la région du Grand lac des Esclaves.

Leslie H. Neatby

John Franklin, Narrative of a journey to the shores of the polar sea in the years 1819, 20, 21 and 22 [...] (Londres, 1823) ; Narrative of a second expedition to the shores of the polar sea in the years 1825, 1826 and 1827 : including an account of the progress of a detachment to the eastward, by John Richardson (Londres, 1828).— [Alexander Mackenzie], First man west, Alexander Mackenzie’s journal of his voyage to the Pacific coast of Canada in 1793, Walter Sheppe, édit. (Montréal, 1962).— Morice, Dict. hist. Can. et Métis.— Joseph Tassé, Les Canadiens de l’Ouest (2° éd., 2 vol., Montréal, 1878).— Giraud, Le Métis canadien.— É.-F.-S.-J. Petitot, En route pour la mer glaciale (Paris, 1887).— Guy Blanchet, Exploring with Sousi and Black Basile, Beaver, outfit 295 (automne, 1964), 34-41.

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Leslie H. Neatby, « BEAULIEU, FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 23 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/beaulieu_francois_10F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
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