BAIN, FRANCIS, fermier, scientifique et auteur, né le 25 février 1842 dans la ferme familiale, lot 32, à North River, Île-du-Prince-Édouard, fils de William Bain et d’Ellen Dockendorff ; en 1876, il épousa Caroline Clark, et ils eurent trois filles et six fils ; décédé le 20 novembre 1894 au même endroit.

Enfant, Francis Bain aimait la lecture et prit goût aux sciences naturelles. Après avoir fait ses premières classes à la maison du ministre baptiste de North River, il entra dans une école du district. Au début de son adolescence, il assista pendant un hiver aux cours de Thomas Leeming, à Charlottetown, et quelques années plus tard il fréquenta pendant un semestre la Central Academy de cette ville. Resté seul à s’occuper de la ferme familiale après la mort de son frère aîné en 1862, il dut renoncer à suivre des cours mais n’en poursuivit pas moins, de lui-même, l’étude des classiques, des mathématiques, du français et de l’allemand. Son entourage le tenait pour très religieux et d’un naturel timide et modeste mais, hormis ces quelques traits, on sait peu de chose sur sa personnalité.

Au cours des années 1860, malgré le peu de temps que lui laissaient la ferme et ses obligations familiales, Bain commença à parcourir l’Île-du-Prince-Édouard afin de satisfaire son goût pour les sciences naturelles. Grâce en grande partie à son travail personnel, il devint une autorité en matière de coquillages, d’insectes, de plantes, d’oiseaux, de roches et de fossiles que l’on trouvait dans l’île. Le journal qu’il commença à tenir en 1865 révèle son exceptionnel talent d’observateur de la nature. Même si ses recherches étaient fort diversifiées, Bain se considérait surtout comme un géologue. Il dressa la carte du soubassement de l’île et recueillit, illustra, décrivit et identifia un grand nombre de fossiles. Ses connaissances en géologie l’amenèrent à s’intéresser à l’une des plus importantes questions qui occupèrent la scène politique de l’Île-du-Prince-Édouard après la Confédération, soit d’exiger du gouvernement fédéral qu’il mette en place, comme il l’avait promis en 1873, une voie de communication rapide entre l’île et le continent. En 1882, après avoir procédé à une étude préliminaire, Bain conclut qu’il était possible de creuser un tunnel sous le détroit de Northumberland pour relier Cape Traverse, dans l’île, à Cape Tormentine, au Nouveau-Brunswick. Dix ans plus tard, il passa quatre mois à étudier, pour le compte du gouvernement fédéral, la possibilité de construire un tel tunnel. Toutefois, le gouvernement continua à se montrer peu enthousiaste devant ce projet.

Bain, qui poursuivait toujours ses travaux, fit la connaissance de certains naturalistes de l’île, dont David Laird*, Lawrence White Watson, John MacSwain et Donald Montgomery*. Reconnu par ses pairs comme un observateur attentif et consciencieux, il entra en relation avec des hommes de science et des naturalistes d’autres régions du Canada ainsi que des États-Unis. Il eut l’occasion d’identifier un fossile qu’un fermier de New London, Benjamin McLeod, avait trouvé en creusant un puits. Informé de la découverte, Bain établit en 1883 qu’il s’agissait d’un Bathygnathus borealis, reptile considéré depuis 1867 comme un dinosaure. Après que l’éminent géologue canadien John William Dawson, à qui il avait fait parvenir le fossile, eut confirmé son avis, Bain fut reconnu comme le premier à avoir consigné la découverte d’un fossile de dinosaure au Canada. (On cessa de classer ce reptile parmi les dinosaures en 1905.) Pour souligner l’apport de Bain à la géologie, Dawson donna en 1890 le nom de Tylodendron baini à une nouvelle espèce de fougère fossilisée que Bain avait découverte dans l’île St Peters, située dans la baie Hillsborough.

Toujours ravi de partager ses connaissances, Bain se mit à écrire beaucoup et à prononcer nombre de conférences. En novembre 1881, il commença, dans le Daily Examiner de Charlottetown, une chronique intitulée « Notes of a naturalist ». Pendant les 11 années qui suivirent, il publia plus de 50 articles sur la météorologie, la géologie, les oiseaux, les plantes et les fossiles ; il fit également le récit de ses excursions dans l’île. Sa chronique témoigne de son talent littéraire, d’une faculté d’émerveillement qu’il savait communiquer à ses lecteurs et de sa profonde compréhension scientifique des sujets traités – ce qui en fait, et de loin, le meilleur auteur scientifique de l’île à cette époque. Ses observations sur l’histoire géologique de l’Île-du-Prince-Édouard, tout particulièrement, furent accueillies avec enthousiasme par le grand public, et avec respect par ses collègues tant canadiens qu’étrangers. Dans sa chronique, Bain s’intéressa aux applications de la connaissance scientifique. Par exemple, il conseilla les fermiers sur la façon de combattre la rouille des céréales, proposa des moyens d’améliorer la gestion de la pêche au homard, qui périclitait à l’époque, et prit la défense des mésanges parce qu’elles mangent les neufs de pucerons « par milliers ». Bain ne se cantonna pas pour autant dans la vulgarisation scientifique. De 1881 à 1893, il publia au moins 20 articles dans une demi-douzaine de revues scientifiques canadiennes et américaines, notamment des listes et des relevés d’oiseaux, de coquillages, de plantes, de papillons, de fossiles et de formations géologiques. Sa carrière d’orateur, commencée dès 1885 et peut-être même avant, prit un nouvel essor avec la fondation, à Charlottetown, le 26 mars 1889, de la Natural History Society. De tous les membres de cette société, il semble avoir été le plus soucieux de renseigner les habitants de l’île sur l’histoire naturelle et la géologie de leur province. Il prononça une causerie au cours de la première assemblée publique de la société, le 2 juillet, et par la suite donna plusieurs conférences, devant cette société et d’autres, sur la botanique, la géologie et le projet de tunnel vers le Nouveau-Brunswick, conférences qu’il agrémentait souvent de ses propres dessins.

À l’apogée de sa carrière, Bain écrivit deux livres. The natural history of Prince Edward Island, publié en 1890 à Charlottetown, contient une foule de détails sur la géologie, la flore et la faune de l’île et fut accepté officiellement comme manuel dans les écoles primaires de la province. Un an plus tard parut Birds of Prince Edward Island [...], dans lequel Bain recense à peu près 152 espèces d’oiseaux et qui est le premier ouvrage d’envergure sur l’ornithologie de l’île. Quoiqu’il existe aujourd’hui des traités plus complets sur le sujet, c’est encore dans ce livre de Bain qu’on peut trouver la description la plus précise de certaines espèces.

En juin 1894, Bain se blessa à l’épaule en soulevant un poids lourd et eut le bras gauche paralysé ; quelque temps après, il subit une légère attaque d’apoplexie. Un peu plus tard au cours de l’été, après avoir donné une conférence sur la géologie à la Summer School of Science de Charlottetown, il se rendit à Boston avec l’espoir de recouvrer la santé. Moins de trois semaines après son retour, il fut atteint d’une paralysie dont il ne se remit jamais. Il mourut le 20 novembre 1894 et on l’inhuma au cimetière baptiste d’East Wiltshire.

Francis Bain fut le premier natif de l’Île-du-Prince-Édouard à apporter une contribution aussi importante à l’étude du milieu naturel de la province, et il le fit sans formation professionnelle ni véritables moyens financiers. Bien qu’il ait gagné la reconnaissance et le respect de nombre de ses contemporains, et qu’on ait élevé à Charlottetown un monument de granit à sa mémoire, que le lieutenant-gouverneur Donald Alexander MacKinnon dévoila le 25 novembre 1905, il semble que Bain ait rapidement été oublié. Le caractère éphémère de sa célébrité est pour le moins surprenant si l’on considère le nombre astronomique de livres, de journaux, de notes de lecture, d’articles et de manuscrits qu’il a laissés. Quoiqu’on ait réévalué d’un œil critique certains aspects de ses travaux, dont quelques-unes de ses théories sur l’histoire géologique de l’île, sa contribution n’en a pas moins été considérable. Par son vaste savoir dans le domaine des sciences naturelles et par sa reconnaissance des rapports qui existent entre les plantes, les animaux et le milieu dans lequel ils vivent, Bain est, au sens où on l’entend aujourd’hui, le premier écologiste de l’Île-du-Prince-Édouard.

Kathy Martin

Francis Bain est l’auteur de : The natural history of Prince Edward Island, et de Birds of Prince Edward Island : their habits and characteristics, publiés à Charlottetown en 1890 et 1891. La liste complète de ses publications figure dans L. W. Watson, « Francis Bain, geologist », SRC Mémoires, 2sér., 9 (1903), sect. iv : 135–142 ; une recherche effectuée par l’auteure dans le Daily Examiner de Charlottetown pour la période de 1881–1892 a cependant révélé quelques erreurs dans la liste ainsi qu’un certain nombre d’articles supplémentaires. Une sélection de photocopies des articles écrits par Bain pour les journaux se trouve dans la P.E.I. Coll. à l’Univ. of P.E.I. Library (Charlottetown). Son journal, des notes de lecture, des manuscrits inédits et d’autres textes ayant trait à sa carrière de naturaliste sont conservés aux PAPEI, Acc. 2353/90–95 et 2353/160–171.  [k. m.]

PAPEI, Acc. 2541/6.— P.E.I. Museum, Naomi Newson, biog. of Francis Bain, s.d. (copie).— Daily Examiner, 11 févr. 1882, 18 août 1883, août 1887, 12, 27 nov. 1889, 20 nov. 1894.— Island Guardian, 22 nov. 1894.— M. K. Cullen, « The transportation issue, 1873–1973 », Canada’s smallest prov. (Bolger), 232–263.— D. S. Erskine, The plants of Prince Edward Island (Canada, Dept. of Agriculture, Plant Research Institute, Pub., n1088, [Ottawa], 1960), 6–7.— Winifred Cairns, « The Natural History Society of P.E.I., part I : 1889–1891 », Î.-P.-É., Natural Hist. Soc., Newsletter (Charlottetown), n70 (mars–avril 1983) : 12–15.— W. E. Godfrey, « Birds of Prince Edward Island », Canada, National Museum, Annual report (Ottawa), 1952–1953 : 159.— Guardian (Charlottetown), 27 nov. 1905.— Kathy Martin, « The first year of the Prince Edward Island Natural History Society », Î.-P.-É., Natural Hist. Soc., Newsletter, n30 (mars 1978) : 4–6 ; « Francis Bain, farmer naturalist », Island Magazine (Charlottetown), n6 (printemps–été 1979) : 3–8.

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Kathy Martin, « BAIN, FRANCIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bain_francis_12F.html.

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Auteur de l'article:    Kathy Martin
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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
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