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BACHAND, PIERRE, avocat et homme politique, né à Verchères le 22 mars 1835, fils de Joseph Bachand, cultivateur, et de Josephte Fontaine, décédé à Saint-Hyacinthe le 3 novembre 1878.
Après avoir passé sa jeunesse à Saint-Damase, où résidait sa famille, Bachand entra au collège de Saint-Hyacinthe, mais dut quitter l’institution avant la fin de son cours classique. Il se mit ensuite à l’étude du droit sous la direction de Louis-Victor Sicotte*, qui l’influença beaucoup dans sa carrière professionelle et politique ; il fut appelé au barreau le 3 décembre 1860. Tout en étudiant le droit, Pierre Bachand occupa, à Saint-Hyacinthe, les postes de sous-protonotaire de la Cour supérieure et d’assistant-greffier de la Cour de circuit, fonctions qu’il abandonna en 1862 alors qu’il forma une société avec un avocat de son âge, Jean-Baptiste Bourgeois, juge de la Cour supérieure en 1876. Bachand avait épousé, en 1859, Delphine Dufort, décédée en 1864 et, en 1868, il s’unissait en secondes noces à Marie-Louise Marchand, fille de Louis Marchand, courtier de Montréal. Selon les descriptions de ses contemporains, Bachand était un homme brun, plutôt fluet, calme, sérieux, très actif et loquace.
Bachand se constitua une importante clientèle dans tout le comté, tant chez la population agricole que chez les industriels. Favorisée par les chemins de fer et par quelques installations hydrauliques, Saint-Hyacinthe connut un essor industriel, surtout après 1870 ; ses principales industries étaient des manufactures de chaussures, de meubles et de voitures, des tanneries, quelques fonderies, une brasserie et une fabrique d’orgues [V. Casavant]. En vue de promouvoir ce développement industriel, Bachand et quelques notables mirent sur pied, à la fin d’août 1871, la Chambre de commerce du district de Saint-Hyacinthe. Mais c’est en fondant la Banque de Saint-Hyacinthe que Pierre Bachand participa le plus au développement économique de sa région ; cette banque, qui commença officiellement ses opérations financières le 27 janvier 1874, marqua des progrès rapides, en dépit de la crise économique. Bachand en fut le président jusqu’à sa mort et, lorsqu’il présenta son rapport annuel, en février 1878, il pouvait comparer avantageusement la banque à plusieurs autres beaucoup plus anciennes. Il s’occupa aussi de la Société Saint-Jean-Baptiste de Saint-Hyacinthe dont il fut membre du comité exécutif pendant plusieurs années.
Élève de Louis-Victor Sicotte, il participa très jeune aux luttes partisanes. Tout en partageant les craintes des « rouges » devant la Confédération, il évita de s’identifier au groupe radical de ce parti. La création d’un gouvernement provincial marqua le début de sa carrière parlementaire ; il brigua avec succès le mandat provincial de Saint-Hyacinthe, triomphant de Magloire Lanctôt, ministériel, avocat bien vu de l’évêché de Saint-Hyacinthe. En 1867, la plupart des libéraux radicaux aspiraient à un siège de la chambre des Communes, alors que les libéraux modérés, dont Bachand, se dirigèrent plutôt vers la chambre provinciale. Il se rallia à la Confédération et, influencé par Félix-Gabriel Marchand* du Franco-Canadien, il prôna un moment la fin des luttes partisanes dans la chambre d’Assemblée de la province de Québec. En 1871 et en 1875, son mandat de député fut renouvelé sans opposition.
En chambre, Bachand s’affirma comme l’un des principaux critiques des députés ministériels. Pendant les deux premières sessions, il fut désigné comme l’un des chefs éventuels de l’opposition ; ce n’est qu’en mars 1869 que les libéraux se constituèrent en opposition officielle et choisirent Henri-Gustave Joly* comme leur chef ; Bachand et Marchand étaient ses principaux lieutenants. Tout au long de sa carrière parlementaire, Bachand insista sur la nécessité pour le gouvernement provincial de réduire ses dépenses, car celui-ci disposait de sources de revenus fort limitées ; une politique budgétaire prudente pouvait seule éviter un recours trop fréquent à la taxation directe, la voie la plus sûre vers l’union législative. Il exposa à plusieurs reprises les dangers qui menaçaient l’autonomie de la province. Adversaire tenace du double mandat, il considérait néfaste le pouvoir de désaveu accordé au gouvernement fédéral et incitait le cabinet provincial à s’affranchir de la tutelle du gouvernement central. Bachand s’intéressait à la modernisation de l’agriculture, s’alarmait devant l’émigration désastreuse des Canadiens français vers les États-Unis, réclamait une administration de la justice moins coûteuse et plus accessible et prônait une attention plus grande à l’instruction primaire et à l’« éducation industrielle et commerciale ».
Député provincial, Bachand ne demeura pas à l’écart des luttes politiques de la scène fédérale. Ainsi, à l’occasion du « Scandale du Pacifique » [V. Cartier], il fut, dans la région de Saint-Hyacinthe, une vedette des hustings en compagnie de son associé, Jean-Baptiste Bourgeois, le « Danton du parti réformiste », et d’Honoré Mercier*, dont la réputation de tribun débordait déjà les frontières du comté. Il participa à l’organisation du parti national à la fin de 1871 [V. Cartier] et fut membre du conseil de l’Association de réforme du parti national de Montréal.
Au cours de la session de 1877–1878, le gouvernement de Charles-Eugène Boucher* de Boucherville dut affronter les attaques violentes de l’opposition qui critiquait le tracé du chemin de fer entre Québec et Montréal et le fameux bill du procureur général, Auguste-Réal Angers*, qui obligeait les municipalités à verser les subventions promises pour la construction du chemin de fer ; à cette occasion, Joly confia à Bachand le soin de mener les troupes libérales à l’attaque. À la suite du « Coup d’État » du lieutenant-gouverneur, Luc Letellier* de Saint-Just, qui renvoya le gouvernement de Boucherville, Joly fut chargé de former un nouveau cabinet. Il offrit à Bachand le poste de trésorier provincial ; c’était la première fois qu’un libéral et qu’un francophone occupait cette fonction. Il défendit la position du lieutenant-gouverneur avec tellement de vigueur et prit une importance telle dans le cabinet libéral que les journaux parlèrent souvent de « l’administration Joly-Bachand ». Au cours de l’élection de 1878, il dut affronter un candidat prestigieux dans son comté : Antoine Casavant, agriculteur de Saint-Dominique, neveu de Joseph Casavant, membre du conseil d’Agriculture de la province, actif dans plusieurs entreprises industrielles. Casavant pouvait faire appel à la solidarité de la classe agricole et tabler sur une certaine rivalité entre la ville de Saint-Hyacinthe et les campagnes environnantes ; Bachand l’emporta avec une majorité de 68 voix. Au cours de la session houleuse de 1878, il fit son exposé financier le 18 juin, établissant à $2 334 041 les prévisions budgétaires pour l’année suivante : c’était la première fois que le discours du budget était prononcé en français dans la chambre d’Assemblée de la province de Québec. Malade et épuisé, Bachand eut beaucoup de difficulté à participer aux travaux de la session et la préparation du budget lui demanda un effort considérable. Après quelques mois de maladie, il mourut le 3 novembre 1878, à l’âge de 43 ans. Ses funérailles eurent lieu à Saint-Hyacinthe, le 6 novembre 1878.
APC, FM 30, D62 (Papiers Audet), 3, pp.131s.— Le Courrier de Saint-Hyacinthe, 31 août, 14 sept. 1867, 31 déc. 1869, 16 févr., 22 juin, 5 nov., 7 nov. 1878.— L’Événement (Québec), 1er mai 1868, 13 déc. 1869, 13 mars 1878.— L’Opinion publique (Montréal), 14 nov. 1878.— Le Pionnier de Sherbrooke, 8 nov. 1878.— Can. parl. comp., 1878.— Auguste Achintre, Portraits et dossiers parlementaires du premier parlement de Québec (Montréal, 1871), 24–26.— C.-P. Choquette, Histoire de la ville de Saint-Hyacinthe (Saint-Hyacinthe, Qué., 1930), 292–296.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, I, II.
Marcel Hamelin, « BACHAND, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 25 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bachand_pierre_10F.html.
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Auteur de l'article: | Marcel Hamelin |
Titre de l'article: | BACHAND, PIERRE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 1972 |
Date de consultation: | 25 déc. 2024 |