ALBERNI, PEDRO DE, officier, né en 1747 à Tortosa, Espagne ; décédé le 11 mars 1802 à Monterey (Californie).

Pedro de Alberni entra dans le régiment des volontaires de Catalogne comme cadet, en 1762, et il lui arriva de servir contre le Portugal. En 1768, sa compagnie fut détachée du régiment et mutée en Nouvelle-Espagne sous le nom de 1re compagnie libre des volontaires de Catalogne. Alberni prit part à de nombreux engagements contre les Indiens de la frontière nord (région limitant les territoires mexicain et américain) ; reconnu comme un officier intelligent et de valeur, il fut promu capitaine et officier commandant de sa compagnie, le 24 mars 1783. Avant 1789, Alberni fut aussi commandant militaire de la province de Nayarit pendant sept ans.

À la suite de l’occupation temporaire de la baie de Nootka (Colombie-Britannique) par Esteban José Martinez*, en 1789, le vice-roi de la Nouvelle-Espagne, le comte de Revilla Gigedo, décida d’y assurer une présence plus permanente et d’y construire un poste fortifié, capable de soutenir une attaque de la part des Britanniques, des Russes ou des Américains [V. Joseph Billings ; James Colnett ; Robert Gray. Le vice-roi désigna le lieutenant de marine Francisco de Eliza* y Reventa pour commander l’expédition formée de trois navires ; Alberni et sa compagnie devaient tenir garnison et fortifier le poste. Pendant qu’il était stationné à Guadalajara, en Nouvelle-Espagne, Alberni reçut en septembre 1789 l’ordre de se préparer à sa nouvelle mission, au nord. Il lui manquait 15 hommes, et 23 autres, selon lui, étaient inaptes à servir dans les conditions rigoureuses qui régnaient au nord. Désireuses d’avoir le plus grand nombre possible d’Européens à la baie de Nootka, les autorités de la Nouvelle-Espagne lui permirent de faire du recrutement parmi les Catalans qu’on avait à l’origine envoyés d’Espagne pour servir ailleurs dans l’Empire. Alberni demanda de nouvelles armes, pour remplacer un équipement délabré, et des vêtements adaptés au climat nordique. Les retards qui s’ensuivirent amenèrent Revilla Gigedo à l’accuser d’insubordination, comme aussi d’empêcher le départ pour le port d’embarquement de San Blas (état de Nayarit). Le 3 février 1790, Alberni prit la mer toujours sous le coup des précédentes accusations, si bien qu’il fut gardé au secret pour la durée du voyage vers le nord. Ces circonstances expliquent peut-être sa longue affectation à la baie de Nootka et les efforts particuliers de ses collègues officiers à louer son zèle auprès du vice-roi.

Quand l’expédition d’Eliza débarqua à l’anse Friendly, le 5 avril, Alberni et ses 76 soldats commencèrent à fortifier le port. En dépit des instructions leur ordonnant d’installer 20 canons, ils n’en placèrent que 14. Un travail dur, une nourriture pauvre et le climat humide affaiblirent les soldats, qui souffraient du scorbut, de dysenterie et de rhumes. Alberni envoya bon nombre d’entre eux se rétablir dans les missions de la Californie ; en août 1790, il ne lui en restait que 31.

Malgré les conditions pénibles, Alberni se lança dans les préparatifs en vue de l’hiver qui approchait. Ses contemporains louèrent la vigueur avec laquelle il érigea des bâtiments, à l’aide de planches qu’il obtint des Indiens, creusa des puits et exploita une bonne boulangerie. Il entreprit aussi d’élever des volailles et, conscient de l’importance des légumes frais, il se fit l’un des premiers jardinière de la côte nord-ouest. En dépit de ses efforts préventifs, 5 soldats moururent pendant l’hiver et 32 marins et soldats furent envoyés en Californie, en mars 1791, pour cause de maladie. Pendant toute cette période, Eliza vit en Alberni un élément important de force pour la garnison : il faisait régner la discipline militaire et favorisait par son exemple le maintien de rapports harmonieux entre les officiers et les simples soldats.

En 1791, Alberni étendit ses travaux d’horticulture ; il put ainsi mettre l’établissement en mesure de mieux affronter l’hiver. Il joua un rôle de premier plan dans l’amélioration des relations avec les Nootkas de l’endroit, qui souffraient des affrontements avec les simples soldats et de l’occupation par les Espagnols de Yuquot, leur village d’été. Ayant appris que les Indiens recouraient à la flatterie et aux chansons dans leur activité diplomatique, Alberni les imita en donnant à chanter aux soldats, en langue nootka et sur un air populaire espagnol, un simple vers à la louange du chef Muquinna*. On accorde à Alberni le mérite d’avoir largement contribué à la compilation d’un vocabulaire nootka-espagnol, mais il n’écrivit rien de notable sur la présence espagnole dans la baie de Nootka. Malgré tout, il y séjourna assez longtemps pour devenir une importante source de renseignements pour d’autres. Parmi les explorateurs espagnols de la côte nord-ouest, les officiers de marine Alejandro Malaspina et Juan Francisco de la Bodega* y Quadra, ainsi que le naturaliste José Mariano Moziño, louèrent son habileté et son intelligence. À l’aide des rapports rédigés par ses collègues officiers sur sa conduite, Alberni réussit à faire abandonner les accusations d’insubordination qui pesaient contre lui.

Bodega étant arrivé le 29 avril 1792 pour prendre le commandement à la baie de Nootka, Pedro de Alberni quitta l’endroit le le` juillet. Après avoir été retenu à Monterey, il atteignit San Blas à la fin de novembre. Le 1er juillet, il avait été promu lieutenant-colonel ; quelque temps après son retour, il servit pendant huit mois à titre de commandant du grand château de San Juan de Ulúa, à Veracruz, et de lieutenant du roi dans le port de la ville. En 1796, le régime colonial craignant encore une fois un empiétement étranger sur la côte maigrement peuplée de la Californie, Alberni et sa compagnie furent envoyés en garnison à San Francisco. À la même époque, probablement, il fut nommé commandant militaire des quatre grands présides de la Californie. Muté par la suite à Monterey, il y mourut le 11 mars 1802.

Christon I. Archer

Archivo General de Indias (Séville, Espagne), Audiencia de México, legajo 1515, legajo 2424.— Archivo General de la Nación (Mexico), Sección de Historia, vol. 69.— Archivo General de Simancas (Simancas, Espagne), Sectión de Guerra y Marina, Guerra Moderna, legajo 7277.— Museo Naval (Madrid), ms nos 271, 330–331.— Provincial Arch. of B.C. (Victoria), « Original manuscript letters of Pedro Alberni, Commander Quadra, Gigedo and other Spanish officiais concerning Spanish occupation on the northwest coast of America, 1789–93 » (photocopies).— J. M. Moziño [Losada] Suárez de Figueroa, Noticias de Nutka : an account of Nootka Sound in 1792, I. H. Wilson [Engstrand], trad. et édit. (Seattle, Wash., 1970).— Viaje polfticocientifico alrededor del mundo por las corbetas Descubierta y Atrevida al mando de los capitanes de navío DAlejandro Malaspina y Don José de Bustamante y Guerra desde 1789 á 1794, Pedro de Novo y Colson, édit. (Madrid, 1885).— F. X. de Viana, Diario del viaje explorador de las corbetas españolas « Descubierta » y « Atrevida » en los años de 1789 á 1794 [...] (Cerrito de la Victoria, Uruguay, 1849) ; nouv. éd. sous le titre de Diario de viaje (2 vol., Montevideo, Uruguay, 1958).— Cook, Flood tide of empire.— C. I. Archer, « The transient presence : a re-appraisal of Spanish attitudes toward the northwest coast in the eighteenth century », BC Studies (Vancouver), n° 18 (été 1973) : 3–32.

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Christon I. Archer, « ALBERNI, PEDRO DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/alberni_pedro_de_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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