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WALKER, HIRAM, homme d’affaires et philanthrope, né le 4 juillet 1816 à Douglas, Massachusetts, fils de Willis Walker et de Ruth Buffum ; le 5 octobre 1846, il épousa Mary Abigail Williams, et ils eurent cinq fils et deux filles ; décédé le 12 janvier 1899 à Detroit.
En 1838, à l’âge de 22 ans, Hiram Walker quitta la maison de son enfance, à Douglas, pour tenter sa chance à Detroit. Il lança plusieurs affaires, mais il dut attendre d’avoir ouvert le Walker Wholesale and Retail Store, vers 1850, pour commencer à remporter quelques succès. Les épiceries de ce genre vendaient de l’alcool et, en 1854, il décida de se faire distillateur. Son whisky devint populaire : il semblait qu’il avait enfin trouvé la voie de la prospérité.
Cependant, au Michigan, les choses n’étaient pas si simples, car on avait des sentiments ambivalents à l’égard de la tempérance. En 1855, le Parlement de l’État adopta une loi qui autorisait uniquement les pharmaciens à vendre de l’alcool, à des fins thérapeutiques. Jamais vraiment appliquée, cette loi engendrait pourtant une telle incertitude que Walker, pour diversifier ses intérêts, décida de se lancer dans l’achat de grains. C’est en approvisionnant les minotiers de Detroit qu’il noua ses premières relations dans le Haut-Canada et apprit à bien connaître le sud-ouest de la province.
Homme d’affaires perspicace, Walker comprit quelles possibilités lui offrait la région de Windsor. Depuis 1854, le Great Western Railway reliait Niagara Falls à Windsor et donnait accès au Centre-Ouest américain et à certains points de la côte atlantique. La même année, le chemin de fer prit encore plus d’importance quand le traité de réciprocité libéralisa totalement les échanges canado-américains de produits naturels tels que le grain et le bétail. L’immobilier était moins cher dans la région de Windsor qu’à Detroit. De plus, il y avait assez peu de distilleries du côté canadien de la rivière Detroit et, à l’époque, le Haut-Canada réprimait moins sévèrement la vente d’alcool que le Michigan. Enfin, étant donné sa nouvelle activité, Walker dut se rendre compte que la région de Windsor ne comptait aucune minoterie à vapeur, même s’il y avait là bien assez de grain pour faire vivre une entreprise de ce genre. Plusieurs moulins à vent désuets parsemaient la rive sud de la rivière Detroit ; un seul moulin à vapeur pourrait produire davantage qu’eux tous. En 1856, Walker acheta donc des terres dans le Haut-Canada en vue d’établir une minoterie et une distillerie.
Tous les jours, en 1857, Walker quittait Detroit pour superviser la construction de son entreprise, sur le bord de la rivière, un peu en amont de Windsor. Dès le mois de décembre, il exploitait une épicerie, une vinaigrerie et un moulin à vapeur. Deux ans plus tard, la famille Walker quitta Detroit et s’installa à proximité de ce complexe, dans une grande maison à charpente de bois appelée le Cottage. À ce moment-là, ce qu’on désignait alors sous le nom de Windsor Distillery and Flour Mill existait déjà. Homme pratique, Walker utilisait les rebuts de la distillation pour engraisser du bétail ; au début des années 1870, les cours adjacentes à la distillerie étaient souvent remplies de bêtes qui attendaient d’être expédiées. En 1864, comme toutes ses affaires allaient bien, il était retourné à Detroit pour de bon. Toutefois, il continua de consacrer beaucoup de temps à la supervision de ses propriétés canadiennes, autour desquelles commençait à se former un petit village appelé indifféremment Walkerville ou Walkertown. En 1867, cette localité comprenait la distillerie, un hôtel, un magasin et « plusieurs logements construits par la Walker and Co[mpany] pour ses employés, dont le nombre se situait entre quatre-vingts et cent ». Le 1er mars 1869, le gouvernement du Canada reconnut officiellement que Walkerville avait droit à un bureau de poste.
Au début des années 1880, les 600 habitants du village vivaient dans des maisons que Walker avait construites et dont il était toujours propriétaire. Ils travaillaient dans ses usines, buvaient de l’eau acheminée par des canalisations qui lui appartenaient, avaient une police et un service de lutte contre les incendies payés par lui et pouvaient fréquenter l’église qu’il avait fait ériger (nommée St Mary à la mémoire de sa femme, décédée en 1872). Ils déposaient leurs économies à sa banque privée, car il n’y avait pas de banque commerciale. Bref, Walkerville était devenu un village patronal typique, dominé par un fondateur bienveillant, par ses fils et d’autres membres de sa famille.
Jusqu’au début des années 1880, la distillerie représentait le principal intérêt de Walker au Canada mais, quelques années plus tard, lui-même et ses fils se mirent à diversifier leurs activités. Depuis 1880, il louait le bac Essex du chantier Jenking Brothers, situé un peu en aval de Walkerville. Après avoir fait construire des quais près de la distillerie et à Detroit, il fonda en 1888 la Walkerville and Detroit Ferry Company, qu’il administrait avec ses fils. En outre, il mit à profit ses talents d’entrepreneur dans la construction ferroviaire. Il possédait, dans le sud du comté d’Essex, de grandes terres dont la valeur avait bien des chances de s’accroître si un chemin de fer y passait. En partie grâce aux généreuses subventions du gouvernement, le réseau ferroviaire connaissait, dans les années 1880, une expansion rapide. Cette situation convainquit sans doute Walker d’entreprendre les démarches qui aboutirent en 1885 à la constitution juridique de la Lake Erie, Essex and Detroit River Railway Company. Dès le printemps de 1889, la ligne se rendait jusqu’à Leamington ; en 1901, elle atteignit son terminus est, St Thomas. Le Lake Erie and Detroit River Railway, comme on l’appelait alors, était devenu un chemin de fer important. Les campagnards prisaient beaucoup les excursions que la compagnie organisait à Detroit et dans l’île voisine, Belle Isle, et qui comportaient un petit voyage sur le traversier de Walker. En outre, le chemin de fer donna naissance à une nouvelle activité commerciale : l’expédition, à Detroit et à Windsor, de fruits, de légumes et de poisson frais qui venaient du sud du comté d’Essex. Chargées à Leamington le soir, ces denrées périssables se trouvaient sur les étals de Detroit dès le lendemain matin.
Le chemin de fer attira à Walkerville un grand nombre d’entreprises, dont la Parke, Davis and Company, société de produits pharmaceutiques de Detroit, la Globe Furniture Company, la Walkerville Malleable Iron Company, l’Ontario Basket Company et la Milner-Walker Wagon Works, ancêtre de la Ford Motor Company of Canada [V. Gordon Morton McGregor*]. D’autres sociétés s’y installèrent avant la fin du siècle et formèrent un imposant complexe industriel le long du chemin Walker. Les années 1885 à 1900 furent une période de transition pour Walkerville : le petit hameau des années 1850 était devenu un gros centre multi-industriel.
En même temps qu’il connaissait cet essor, le village de Walkerville se préparait à passer au rang des municipalités. Le 29 janvier 1890, on envoya une pétition à cette fin au Parlement de l’Ontario. Walker, ses trois fils survivants et deux de ses neveux figuraient en bonne place parmi les 208 signataires du document, qui faisait d’ailleurs état des importantes contributions de leur famille au développement de Walkerville. Depuis sa naissance, le village ressortissait au canton de Sandwich East, mais à cause de l’augmentation de la population et de l’industrialisation il avait besoin d’un plus grand territoire pour se développer encore et loger ses ouvriers. Pour répondre à ces besoins, il fallait planifier ; or, l’érection d’une municipalité faciliterait la planification car elle supposait la délimitation précise d’un territoire.
Une fois la municipalité constituée, Walker et ses fils n’auraient plus à financer le service de police et celui des incendies. Walkerville aurait plus de prestige, et les Walker retireraient de jolis bénéfices de leurs propriétés immobilières. Et puis ils pourraient donner de l’expansion à leurs systèmes d’éclairage et de distribution d’eau, donc accroître leurs revenus. Par contre, si Walkerville demeurait un village, il risquait l’annexion par la ville voisine, Windsor. Cette idée répugnait sans doute à Hiram Walker et devait compter parmi les motifs qui le poussaient à réclamer la constitution d’une municipalité. Aussi puissant qu’il ait été à Walkerville, il ne le serait plus guère dans une ville de la taille de Windsor. Dans une collectivité distincte, qui s’administrerait elle-même, son autorité diminuerait sans doute mais, comme il en demeurerait le principal contribuable, il pourrait conserver une certaine influence. La famille Walker favorisait donc la constitution d’une municipalité pour de multiples raisons. Le 7 avril 1890, une loi donna à Walkerville son nouveau statut. Hiram Alexis Walker, neveu du fondateur, en devint le premier maire, et Edward Chandler Walker, fils aîné de Hiram, s’y installa dans une vaste résidence, Willistead. Les Walker continuèrent ainsi d’influer sur la vie locale, et Walkerville ne s’intégrerait à Windsor qu’en 1935.
Toujours en 1890, les Walker restructurèrent leurs intérêts canadiens. Depuis 1873, ceux-ci étaient administrés par la Hiram Walker and Sons, qui regroupait Hiram et ses fils, Edward Chandler, Franklin Hiram et James Harrington. En 1890, ils décidèrent de procéder à une subdivision et de créer plusieurs sociétés. La Hiram Walker and Sons Limited continua de fabriquer et de mettre en marché des produits de distillerie. On confia par ailleurs la plus grande partie des propriétés immobilières à la Walkerville Land and Building Company, tandis que les services qu’avaient installés les Walker dans les premières années du village passèrent sous l’administration de la Walkerville Gas and Water Company Limited. L’expansion de la distillerie marqua aussi l’année 1890. Comme le gouvernement du Canada avait adopté une loi en vertu de laquelle les distillateurs devaient faire mûrir leurs produits deux ans dans des barriques avant de les mettre sur le marché, elle construisit d’autres entrepôts, qui portèrent sa capacité de stockage à 5 millions de gallons.
Walker ne s’occupait pas que de Walkerville ; après son retour à Detroit, en 1864, il continua ses activités d’entrepreneur dans cette ville. Son nom fut associé à des entreprises comme la Detroit Car Works, le Detroit Transit Railway, la National Bank of Detroit, la Michigan Land and Immigration Company et la Hamtramck Iron Works. Il possédait beaucoup de terrains, y compris des lots de grande valeur dans le district commercial du centre. En outre, c’était un gros actionnaire du journal républicain Detroit Advertiser and Tribune, mais il se départit de ses actions en 1881 parce qu’elles n’étaient pas rentables.
Walker joua donc un rôle important dans la fondation et le développement de Walkerville, où il exerçait une autorité à la fois despotique et bienveillante. Apparemment, bien qu’il ait été un propriétaire absentéiste, le bien-être de la localité et de ses habitants lui tenait vraiment à cœur. De confession épiscopalienne, il était membre de la congrégation St Paul de Detroit. Plusieurs œuvres philanthropiques de la région de Detroit et de Windsor, surtout le Children’s Hospital Home de Detroit, purent compter sûr sa générosité. En 1895, voyant sa santé décliner, il transféra à ses trois fils les divers intérêts qu’il possédait à Detroit et au Canada. La même année, il eut une attaque de paralysie, et il mourut à sa résidence de Detroit en 1899. Ses fils puis ses petits-fils exploitèrent la Hiram Walker and Sons jusqu’en 1926 ; Harry C. Hatch* acheta alors l’entreprise pour 14 millions de dollars.
Même s’il n’avait pas fait de longues études, Hiram Walker fit une très belle carrière d’entrepreneur, tant aux États-Unis qu’au Canada. Toujours en quête d’occasions à saisir, il s’attendait à ce que les personnes associées à ses entreprises travaillent aussi fort que lui et semblait mépriser quelque peu les gens qui n’avaient pas son énergie. Très tôt, il prépara ses fils à prendre leur place dans les diverses entreprises familiales. Celles-ci se retrouvèrent donc entre de bonnes mains lorsqu’il jugea nécessaire de prendre sa retraite. En affaires, son objectif était de parvenir autant que possible à l’autosuffisance, et bon nombre de ses activités, par exemple le chemin de fer et le commerce du bétail, n’étaient là que pour soutenir sa distillerie.
AO, Hiram Walker Hist. Museum Coll., 20–228, H. A. Walker, account-bock, janv. 1869–12 avril 1898.— Hiram Walker and Sons, Ltd., Public Relations Office Library (Walkerville [Windsor], Ontario), F. X. Chauvin, « Hiram Walker, his life and his work and the development of the Walker institutions in Walkerville, Ontario » (copie dactylographiée, [1927]).— Mich. Pioneer Coll. (Lansing), 10 (1886) : 200–201.— Commemorative biographical record of the county of Essex, Ontario [...] (Toronto, 1905).— R. G. Hoskins, « A historical survey of the town of Walkerville, Ontario, 1858–1922, including an evaluation of the influence of Hiram Walker and his sons on the growth and development of the town until 1922 » (thèse de m.a., Univ. of Windsor, 1964) ; « Hiram Walker : a man of two countries », Detroit in Perspective (Detroit), 2 (1975), nº 2 : 97–110 ; « Hiram Walker and the origins and development of Walkerville, Ontario », OH, 64 (1972) : 122–131.— London Free Press, 25 oct. 1958 : 17.
Ronald G. Hoskins, « WALKER, HIRAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/walker_hiram_12F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/walker_hiram_12F.html |
Auteur de l'article: | Ronald G. Hoskins |
Titre de l'article: | WALKER, HIRAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 10 oct. 2024 |