BESCHEFER, THIERRY, prêtre, jésuite, supérieur de la mission du Canada, baptisé à Châlons-sur-Marne (Châlons-en-Champagne, département de la Marne) le 28 mars 1630, décédé au collège de Reims le 4 février 1711.

Thierry Beschefer entra au noviciat de Nancy le 24 mai 1647. En lisant les catalogues, on se rend compte que Beschefer avait des dons intellectuels supérieurs, qui lui gagnèrent l’estime de ses collègues. Dès la seconde année de son noviciat, il enseignait à Pont-à-Mousson, où il se consacra pendant trois ans (1650–1653) à l’étude de la philosophie. Il fut ensuite professeur dans plusieurs collèges de la Compagnie de Jésus. Ordonné prêtre en 1661 et ayant terminé ses études, il enseigna la rhétorique, de nouveau au collège de Pont-à-Mousson, puis les humanités au collège de Metz. Il dut faire à Nancy le Troisième An, puisqu’il fait sa profession religieuse au noviciat de cette ville le 15 août 1664.

Le 19 juin 1665, Beschefer arrivait à Québec sur le vaisseau du capitaine Le Gagneur, qui portait également quatre compagnies du régiment de Carignan-Salières. Ses supérieurs le mirent aussitôt à l’étude de la langue huronne (huronne-wendate) à Québec. La vigueur avec laquelle M. de Tracy [Prouville*] entreprit alors de combattre les Iroquois (Haudenosaunee) impressionna les Agniers (Mohawks) et les Onneiouts (Oneidas), et une ambassade de ces derniers se présenta à Québec à l’été de 1666, demandant à parler de paix. M. de Tracy décida d’envoyer le père Beschefer avec quelques-uns de ces ambassadeurs auprès des Anglais, maîtres depuis peu de la Nouvelle-Amsterdam (New York). Le jésuite partit le 20 juillet 1666, accompagné d’un interprète, Jacques de Cailhault de La Tesserie, et d’un donné, Charles Boquet*. Mais il revint à Québec dès le 28 du même mois avec toute son escorte : l’ambassade avait été arrêtée à Trois-Rivières par la nouvelle que les Agniers avaient tué trois Français et fait captif M. de Lerole Canchy, cousin de M. de Tracy.

Beschefer se remit à l’étude de la langue huronne. Si l’on en croit le catalogue de 1667, il fut envoyé, dans les derniers mois de cette année, passer l’hiver hors de Québec, vraisemblablement chez Pierre Boucher dans la nouvelle seigneurie des îles Percées, qui deviendra Boucherville. En 1668, il fut nommé supérieur de la mission des Algonquins, au Cap-de-la-Madeleine, poste qui était à ce moment en déclin par suite des désordres dus à l’eau-de-vie, et qui ne semble pas avoir été maintenu après 1670, année où Beschefer le quitta. Le père Jean Pierron*, un Champenois lui aussi, était alors chargé de la mission des Martyrs, chez les Agniers, une des plus combatives à cette époque, à cause de l’influence qu’avaient sur ces Autochtones les habitants d’Albany. Il vint à Québec en 1670 demander du secours et Beschefer fut envoyé pour l’assister, avec le père François Boniface. Au cours des années 1670–1671, on fit bien 84 baptêmes à la mission, mais 74 des néophytes moururent après la réception du sacrement, la plupart étant des enfants de moins de sept ans.

Le 12 juillet 1671, le père Claude Dablon* entrait en charge comme recteur du collège de Québec et supérieur général de la mission. L’année suivante, il appela Beschefer à Québec, où il lui confia les fonctions de ministre du collège, de préfet d’église et des classes, de confesseur et de catéchiste à l’église. Pendant tout le supériorat de Dablon, on voit Beschefer exercer les mêmes fonctions, y ajoutant celle d’aumônier de la prison de Québec. Le 6 août 1680, il devenait à son tour supérieur. Son gouvernement coïncida avec la nouvelle menace iroquoise, la crainte qui avait temporairement pacifié les Cinq-Cantons (Cinq-Nations) lors des campagnes de Tracy s’étant dissipée. Le gouverneur de New York, Thomas Dongan, projetait de dominer tout le commerce du Nord et de l’Ouest par l’intermédiaire des Iroquois, auxquels il offrait pour leurs fourrures des prix avec lesquels les Français ne pouvaient rivaliser. Les Iroquois commencèrent à attaquer systématiquement les alliés les plus éloignés des Français, formant le dessein de tomber sur la colonie du Saint-Laurent lorsqu’ils l’auraient isolée. Sur ces entrefaites, Frontenac [Buade*] quittait le pays et Le Febvre* de La Barre lui succédait. Le 10 octobre 1682, le nouveau gouverneur convoqua une assemblée des notables du pays au collège des Jésuites. Beschefer y assistait comme supérieur, avec les pères Dablon et Frémin*. Le péril fut analysé avec lucidité et on résolut de prendre des mesures énergiques. Mais l’indécision et la maladresse du gouverneur ne firent que rendre les Iroquois plus audacieux.

Dans une lettre du 21 octobre 1683 au provincial de Paris, le supérieur rend compte de l’état des missions. Les plus éloignées étaient partagées entre trois grands districts, ayant chacun un supérieur dépendant de Québec. La mission de Tadoussac couvrait tout le bassin du Saguenay jusqu’à sa source, les deux rives du Saint-Laurent jusqu’à son embouchure et une partie des Maritimes ; elle était dirigée par le père François de Crespieul, qui suivait les Premières Nations dans leurs déplacements pour la chasse et le commerce sur ce vaste territoire. La mission des Outaouais était gouvernée par le père Jean Enjalran, dont les aides parcouraient les lacs Huron, Michigan et Supérieur, et se rendaient même, dès cette époque, chez certaines nations sioux. La mission iroquoise, sous la direction du père Jean de Lamberville, avait des établissements dans chacun des Cinq-Cantons. Enfin, plus rapprochées de Québec et en dépendant immédiatement, il y avait : la mission huronne de Lorette, celle de Sillery, où, note Beschefer, plusieurs Abénaquis venaient de se réfugier, et celle du Sault-Saint-Louis (Kahnawake), où les chrétiens convertis des nations iroquoises se rendaient. La principale difficulté rencontrée par les missionnaires était la régulation du commerce de l’eau-de-vie, que les colons européens, anglais, hollandais ou français, pratiquaient abondamment.

Le 18 août 1686, Beschefer était remplacé par le père Claude Dablon comme supérieur et redevenait préfet des classes au collège, consulteur de la mission et confesseur à l’église. Il allait remplir ces fonctions jusqu’en 1690. Pour cette période, deux lettres, restes d’une correspondance suivie avec M. Cabart de Villermont, sont parmi les rares documents que nous possédons de lui. La première, du 19 septembre 1687, raconte avec précision l’expédition de Denonville [Brisay] contre les Tsonnontouans (Sénécas) en 1687 et un exploit d’Iberville [Le Moyne] à la baie d’Hudson (1686). La deuxième, du 22 octobre suivant, donne des renseignements sur les richesses naturelles du pays dont le jésuite expédie en France plusieurs échantillons.

En 1690, le provincial de France rappela Beschefer à Paris pour devenir procureur de la mission canadienne, avec résidence au collège Louis-le-Grand. Cependant, Beschefer abandonna cette charge et se rembarqua pour le Canada à l’été de 1691, mais il dut profiter de la rencontre d’un autre vaisseau pour rentrer en France à cause de maladie. Il retourna dans sa province de Champagne et il résida au collège de Reims, y servant comme ministre et préfet d’église. En 1707, sa santé déclinant, il n’est plus que confesseur. À partir de 1709, il est mentionné comme vieillard, retenant toutefois l’office de consulteur ; il meurt deux ans plus tard, ayant presque atteint les 81 ans.

Lucien Campeau

ARSI, codex Franc. 23, 24, passim ; codex Gal. 10, ff.153s.— JR (Thwaites), passim.— L. Carrez, Catalogi sociorum et officiorum provinciae Campaniae Societatis Iesu ab anno 1616 ad annum 1773 (10 vol., Châlons, Paris, Lille, 1897–1914).

Bibliographie de la version modifiée :
Arch. départementales, Marne (Châlons-en-Champagne et Reims, France), « Recherche dans l’état civil », Châlons-sur-Marne, Sainte-Marguerite, 28 mars 1630 : archives.marne.fr (consulté le 14 déc. 2022).

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Lucien Campeau, « BESCHEFER, THIERRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/beschefer_thierry_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    2023
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