VIGNAU, NICOLAS DE, venu en Nouvelle-France avec Champlain avant 1612.
En 1611–1612, Vignau hiverna chez Tessouat (circa 1603–1613), chef des Algonquins de l’île aux Allumettes. De retour à Paris en 1612 avec « une relation du païs qu’il doisoit avoir faicte », Vignau affirma qu’il s’était rendu, en compagnie d’un parent de Tessouat, à la « Mer du Nort » (baie d’Hudson) et qu’il y avait vu un vaisseau anglais naufragé. Le récit était vraisemblable : en 1612, les Anglais étaient entrés dans la baie d’Hudson et y avaient perdu deux vaisseaux. La cour incita Champlain à faire le voyage.
Vignau ayant renouvelé sa déclaration par-devant deux notaires, Champlain s’embarqua avec lui en mars 1613 pour tenter d’atteindre la baie d’Hudson par la rivière des Outaouais (Ottawa). Pour y parvenir, il fallait passer par les Népissingues. Or les Algonquins de Tessouat occupaient dans leur île la tête des rapides et l’entrée du portage. Ils profitaient de leur situation pour exiger des traiteurs des autres nations un droit de passage plus ou moins élevé, et ils étaient menacés de perdre ce droit lucratif si les Français allaient eux-mêmes commercer dans les pays d’en haut. Afin d’expliquer leur opposition au voyage de Champlain, ils prétendirent donc que les Népissingues étaient une nation ennemie (ce qui était un mensonge). Pour les rassurer, Champlain en appela à l’expérience de Vignau. Vive protestation des Algonquins ; Tessouat déclara à Vignau : « Si tu as esté vers ces peuples, ça esté en dormant ». Soumis à un interrogatoire truffé de menaces, Vignau avoua qu’il avait tout inventé pour revenir au Canada. Et les Algonquins de dire : « Donne le nous, & nous te promettons qu’il ne mentira plus ». Champlain préféra pardonner à celui qu’il qualifie du « plus impudent menteur qui se soit veu de long temps ». Au saut Saint-Louis, Vignau demanda à être laissé au pays, mais personne n’en voulut, et Champlain ajouta : « le laissasmes à la garde de Dieu ». C’est là le dernier renseignement que nous ayons sur lui.
Mais Vignau avait-il menti ? Il a vécu chez les Algonquins de l’Île, depuis l’été de 1611 jusqu’au printemps de 1612 ; or, selon Gabriel Sagard, les Algonquins étaient réputés pour les « voyages de longs cours » qu’ils entreprenaient, en bons marchands qu’ils étaient ; on sait aussi qu’ils étaient en constantes relations commerciales avec les nations du Nord ; et les détails que fournit Vignau sur la mer du Nord correspondent à ce que d’autres sources nous ont appris ; tout cela nous autorise à croire que Vignau était vraiment allé à la baie d’Hudson. Champlain, qui ne connaissait pas encore suffisamment ces Premières Nations (il en était à son premier voyage sur la rivière des Outaouais), semble bien en avoir été la dupe ; quant à Vignau, il aurait été la victime, non pas d’un songe, mais de la politique rigoureuse des Algonquins de l’Île, de ce peuple que Sagard appelle « le plus reveche, le plus superbe & le moins courtois ».
Champlain, Œuvres (Biggar), Il : 255–307 ; IV : 151, 153–204.— JR (Thwaites), IX : 274.— Sagard, Histoire du Canada (Tross), II : 367 ; III : 739s.
Marcel Trudel, « VIGNAU, NICOLAS DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/vignau_nicolas_de_1F.html.
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Auteur de l'article: | Marcel Trudel |
Titre de l'article: | VIGNAU, NICOLAS DE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 2022 |
Date de consultation: | 22 nov. 2024 |