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MONK, MARIA, auteure, née le 27 juin 1816 à Dorchester (Saint-Jean-sur-Richelieu, Québec), fille de William Monk et d’Isabella Mills ; décédée au cours de l’été de 1849 à New York.
Maria Monk fut une enfant difficile. D’après le témoignage de sa mère, vers l’âge de sept ans elle se serait enfoncé un crayon d’ardoise dans une oreille, accident qui aurait irrémédiablement endommagé son cerveau. Elle ne tarda pas à donner des signes d’une conduite déréglée et à se livrer à la prostitution. En novembre 1834, sa mère la fit interner à Montréal, à l’Institution charitable pour les filles repenties, refuge établi et dirigé par Agathe-Henriette Huguet, dit Latour. Mais le comportement de Maria, qui était loin de s’améliorer, la fit exclure en mars 1835 ; elle était alors enceinte.
Maria s’enfuit aux États-Unis, où elle se trouva au centre de la controverse nativiste anticatholique qui avait atteint un sommet avec l’incendie du couvent des ursulines de Charlestown (Boston) par la populace le 11 août 1834. Un journal new-yorkais publiait en octobre 1835 les déclarations de Maria, qui décrivait sa vie de religieuse à l’Hôtel-Dieu de Montréal. Selon ses dires, elle avait dû tuer, par ordre de la supérieure et de l’évêque auxiliaire, Mgr Jean-Jacques Lartigue, l’une de ses compagnes qui refusait de se soumettre aux demandes révoltantes des prêtres. L’article annonçait la parution prochaine du « récit complet et détaillé des scènes qui se pass[aient] à l’Hôtel-Dieu ».
En janvier 1836, parut à New York Awful disclosures of Maria Monk [...], ouvrage dont Maria était censée être l’auteure et dans lequel elle décrivait les infamies qu’elle aurait subies comme religieuse catholique. Le 13 février 1836, Alfred-Xavier Rambau*, rédacteur du journal montréalais l’Ami du peuple, de l’ordre et des lois, révélait à ses lecteurs la publication récente de ce livre « aussi plat que menteur ». On y apprenait que Maria Monk avait reçu une éducation protestante mais que, convertie, elle était entrée au couvent de l’Hôtel-Dieu de Montréal. Après qu’elle eut prononcé ses vœux, la supérieure lui enjoignit « d’obéir aux prêtres en toutes choses » et elle découvrit alors « à son extrême étonnement et avec beaucoup d’horreur » qu’elle devait avoir des « relations illicites » avec des prêtres ; ceux-ci pouvaient se rendre chez les religieuses par un passage souterrain qui reliait le couvent au séminaire de Saint-Sulpice. Les enfants nés de ces unions sacrilèges étaient immédiatement baptisés puis étranglés. Par la suite, elle aurait assisté à l’assassinat d’une religieuse qui résistait aux avances des prêtres et à l’étranglement de deux bébés après leur baptême. Elle découvrit l’endroit dans le sous-sol de l’Hôtel-Dieu où l’on enfouissait les cadavres, de même que le tunnel qui communiquait avec le séminaire.
Selon son récit, Maria se trouva bientôt enceinte de l’abbé Patrick Phelan*. Toutefois, incapable d’envisager le sort cruel qu’on infligerait à son enfant, elle s’enfuit du couvent. La première édition de l’ouvrage s’achevait sur cet épisode. Une nouvelle édition, parue la même année, contenait cependant d’autres détails. On y apprenait que la religieuse en fuite se rendit compte qu’il lui serait difficile de quitter Montréal sans être interceptée. Dans un accès de désespoir, elle résolut d’aller se noyer, mais deux ouvriers qu’elle rencontra la persuadèrent de survivre pour révéler les turpitudes du « papisme ». Elle gagna alors New York où, seule et sans ami, elle fut de nouveau tentée de mettre un terme à ses jours par le jeûne. Heureusement des âmes charitables la conduisirent à un hospice, où elle raconta ses aventures à un pasteur protestant. Impressionné par ce récit, ce dernier exhorta Maria à relater ces faits pour qu’on les répande dans le grand public. L’ouvrage se terminait par un compte rendu de son voyage à Montréal, en compagnie du révérend William K. Hoyt, pour témoigner de la véracité de ses révélations et des rebuffades qu’elle dut subir.
Le succès immédiat de la publication permit à la vérité de se faire jour quant aux auteurs réels de cette imposture, car on ne tarda pas à se quereller au sujet du partage des profits. C’est ainsi que des dépositions en justice révélèrent que Hoyt, adversaire résolu du catholicisme, avait assisté Maria dans sa fuite aux États-Unis et que le récit oral de celle-ci avait servi au révérend John Jay Slocum, ministre presbytérien, assisté entre autres de Hoyt et du révérend George Bourne, pour rédiger Awful disclosures ; ce sont d’ailleurs eux qui avaient accaparé la majeure partie des profits de ce succès de librairie.
Pour conforter la véracité des révélations sensationnelles de Maria, apparut à point nommé à New York, durant l’automne de 1836, une autre fugitive, sœur Saint Frances Patrick, qui disait venir également de l’Hôtel-Dieu. Elle avait été religieuse en même temps que Maria et pouvait donc corroborer chacune des assertions de cette dernière. Toutes deux firent leur apparition dans une réunion publique et, après s’être embrassées avec effusion, s’entretinrent quelque temps de leur commun séjour à l’Hôtel-Dieu.
La controverse divisait partisans et adversaires de Maria. Pour en avoir le cœur net, une enquête sur place s’imposait. Le 15 octobre 1836, l’Ami du peuple apprenait à ses lecteurs que le journaliste américain William Leete Stone s’était rendu à Montréal et avait obtenu l’autorisation de faire une visite complète de l’Hôtel-Dieu, le livre de Maria à la main. À la fin de sa visite, il avoua : « Au bout de dix minutes [l’]imposture était devenue aussi claire que le soleil en plein midi. Je déclare maintenant plus franchement et plus hardiment que jamais que ni Maria Monk ni Francis Partridge n’ont jamais mis les pieds dans le couvent de l’Hôtel Dieu. » Stone publia d’abord le résultat de son enquête dans son journal, puis en brochure.
La réfutation de Stone fut le coup le plus décisif porté aux États-Unis contre les inventions de Maria Monk. Au Bas-Canada, on s’était également préoccupé de démentir ces infamies. Ce sont John Jones et Pierre-Édouard Leclère*, propriétaires et éditeurs de l’Ami du peuple, qui en prirent l’initiative. En leur qualité d’alliés des sulpiciens, il leur revenait de défendre le séminaire contre les calomnies atroces de Maria. Ainsi le 21 août 1836 Mgr Lartigue écrivait à un résident de Mascouche pour le dissuader de rédiger un pamphlet contre le livre infâme de Maria Monk car, selon l’évêque, on imprimait alors à New York une réfutation qu’on publierait également à Glasgow et à Dublin. Ce « serait donner trop d’importance à une histoire si pitoyable et absurde », au jugement de Mgr Lartigue, « qui fai[sait] avaler, doux comme miel, aux presbytériens et méthodistes des États-Unis, toutes ces absurdités ». Le prélat faisait allusion au petit volume dans lequel Jones et Leclère avaient colligé un ensemble de déclarations et de dépositions sous serment qui démolissait les inventions de Maria Monk.
Le révérend John Jay Slocum, directement mis en cause par cette réfutation, s’empressa de publier, au nom de sa protégée, une brochure qui parut au début de 1837. Dès le 22 janvier, Mgr Lartigue en informait l’archevêque de Québec, Mgr Joseph Signay : « Maria Monk a donné au public un nouveau pamphlet, où elle vomit plus d’horreur que jamais contre le clergé de ce pays, où elle a l’ineptie de dire qu’elle a, par ordre, empoisonné elle-même une des Religieuses de l’Hôtel-Dieu de Montréal, lorsqu’elle était sa compagne. » L’évêque se demandait si on ne pouvait pas obtenir du gouverneur de New York l’extradition de cette personne, pour la faire juger sur ses calomnies et diffamations, car beaucoup de gens aux États-Unis, semblait-il, croyaient encore aux infamies qu’elle racontait.
Mais outre-frontière la popularité de Maria Monk commençait à décroître et, selon bien des publications protestantes, il s’agissait d’une imposture. En août 1837, Maria disparut de New York pour se retrouver à Philadelphie, où elle prétendit avoir été kidnappée par des prêtres catholiques désireux de mettre un terme à ses révélations sur les couvents. Toutefois, ses extravagances n’empêchèrent pas certaines personnes d’ajouter encore foi aux faits consignés dans une dernière publication qu’on lui attribua en 1837 : Further disclosures by Maria Monk, concerning the Hotel Dieu nunnery of Montreal [...]. Les lecteurs y apprirent que des religieuses des États-Unis et du Canada se rendaient à l’île des Sœurs, près de Montréal, pour y accoucher d’enfants illégitimes. Les 18 mars et 24 avril 1837, Mgr Lartigue confiait au vicaire général de New York qu’il avait, par l’entremise de Stone, donné la permission à une association protestante de New York de visiter de nouveau l’Hôtel-Dieu de Montréal et même l’île des Sœurs, comme le réclamait un journal new-yorkais.
Sans doute le résultat de cette enquête fut-il concluant, car l’affaire Monk connut alors un déclin décisif. En 1838, Maria donna naissance à un enfant de père inconnu, cette fois sans en attribuer la paternité à un prêtre. Elle se maria un peu plus tard, mais elle dissipa par son ivrognerie et ses dérèglements les économies de son mari, de sorte qu’il la quitta bientôt. En 1849, on l’arrêta dans une maison mal famée pour avoir dérobé l’argent de son compagnon du moment et, enfermée dans une prison de New York, elle mourut à demi-démente au cours de l’été.
Maria Monk reste la triste héroïne d’un ouvrage qui a constitué « un instrument sensationnel de la propagande anticatholique », au jugement de l’historien américain Ray Allen Billington. Selon son estimation, 300 000 exemplaires en furent vendus avant la guerre de Sécession.
Maria Monk est l’auteure présumée de : Awful disclosures of Maria Monk, as exhibited in a narrative of her sufferings during a residence of five years as a novice, and two years as a black nun, in the Hotel Dieu nunnery at Montreal [...] (New York, 1836), qui connut de nombreuses éditions et traductions. On suppose qu’elle a aussi écrit Further disclosures by Maria Monk, concerning the Hotel Dieu nunnery of Montreal ; also, her visit to Nuns’ Island, and disclosures concerning the secret retreat (Boston, 1837).
ANQ-M, CE4-17, 23 juill. 1816.— Affidavit of Madame D. C. McDonnell (matron of the Montreal Magdalen Asylum) (s.l., 1836).— [John Jones et P.-É. Leclère], Awful exposure of the atrocious plot formed by certain individuals against the clergy and nuns of Lower Canada through the intervention of Maria Monk [...] (New York, 1836).— J. J. Slocum, Further disclosures by Maria Monk, concerning the Hotel Dieu nunnery of Montreal [...] (New York, 1837).— W. L. Stone, Maria Monk and the nunnery of the Hotel Dieu ; being an account of a visit to the convents of Montreal, and refutation of the Awful disclosures [...] (New York, 1836).— Desrosiers, « Inv. de la corr. de Mgr Lartigue », ANQ Rapport, 1944–1945 : 195, 198, 230, 236, 239.— R. A. Billington, The protestant crusade, 1800–1860 ; a study of the origins of American nativism (New York, 1938), 99–109.— Gustavus Myers, History of bigotry in the United States (New York, 1943), 154–160.— R. A. Billington, « Maria Monk and her influence », Catholic Hist. Rev. (Washington), 22 (1936–1937) : 283–296.— Bernard Dufebvre [Émile Castonguay], « le « Roman » de Maria Monk », Rev. de l’univ. Laval, 8 (1953–1954) : 569–580.— Philippe Sylvain, « l’Affaire Maria Monk », Cahiers des Dix, 43 (1983) : 167–184.
Philippe Sylvain, « MONK, MARIA », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/monk_maria_7F.html.
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Auteur de l'article: | Philippe Sylvain |
Titre de l'article: | MONK, MARIA |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |