CHANDLER, KENELM, fonctionnaire du Board of Ordnance et propriétaire foncier, né vers 1737 à Tewkesbury, Angleterre, fils de Nathaniel Chandler ; décédé le 8 décembre 1803 à Québec.
Entré dans l’armée britannique à l’âge de 18 ans environ, Kenelm Chandler fut d’abord attaché au commissariat et au service du transport. En 1764, il fut envoyé à Québec comme inspecteur au sein de la section civile du Board of Ordnance. Peu après son arrivée, il exerça les fonctions de maître de caserne intérimaire, et, à ce titre, fut quelque peu mêlé aux querelles qui opposèrent le gouverneur Murray* et le général de brigade Ralph Burton*.
Après qu’eut éclaté la Révolution américaine et qu’eut été entreprise l’invasion du Canada [V. Richard Montgomery* ; Benedict Arnold], Chandler fut aussi nommé, en novembre 1775, adjoint au commissaire de l’artillerie. En récompense des services qu’il rendit lors du siège de Québec, à la fin de 1775 et au début de 1776, il fut nommé maître de caserne à l’île aux Noix et au fort Saint-Jean, sur le Richelieu, en décembre 1776. L’année suivante, en sa qualité d’adjoint au commissaire de l’artillerie, il accompagna l’expédition du lieutenant général John Burgoyne* jusqu’au fort Ticonderoga (près de Ticonderoga, New York), qu’il ne quitta que lors de l’évacuation de ce poste à la fin de l’année. Par la suite, il fut en garnison au fort Saint-Jean ; toujours inspecteur et adjoint au commissaire de l’artillerie, il y assuma aussi les tâches de maître de caserne.
En octobre 1779, Chandler fut nommé garde-magasin du Board of Ordnance, à la place de Benjamin Rumsey, décédé. Il devenait ainsi chef de la section civile du Board of Ordnance au Canada. Cette promotion l’obligeait à vivre à Québec, et son frère Thomas fut nommé pour le représenter au fort Saint-Jean. À l’automne de 1782, Chandler eut une sérieuse querelle avec Alexander Davison et John Lees, associés au sein d’une firme de ravitaillement de l’armée avec laquelle Chandler faisait sans doute affaire comme garde-magasin du Board of Ordnance. Les relations de Chandler avec ces deux marchands se détériorèrent, et Adam Mabane* devait noter, le 30 octobre, qu’« à la suite d’une quelconque transaction au Coffee House, Davison et Lees voulurent qu’il les rencontrât sur les hauteurs [plaines d’Abraham], où il échangea un coup de feu avec chacun d’eux ». Il n’y eut, semble-t-il, personne de blessé. Tout en conservant ses autres fonctions, Chandler était passé, en 1781, d’adjoint à commissaire de l’artillerie et avait été nommé officier payeur dans le train régimentaire, postes qu’il détint jusqu’à la réduction générale de l’état-major de l’artillerie, en mars 1785. En reconnaissance pour la façon « fort méritoire » avec laquelle Chandler s’était acquitté de ses fonctions, le gouverneur Haldimand le nomma maître de caserne à Québec en janvier 1784. Peu après, Chandler et le Board of Ordnance eurent à fournir de l’outillage aux familles loyalistes qui entreprenaient alors de fonder de nouveaux établissements dans la province. En 1785, Chandler occupait une spacieuse maison de deux étages – il avait Thomas Scott pour voisin – rue des Pauvres (côte du Palais).
Haldimand ayant quitté la province de Québec en 1784, Chandler devint le mandataire de l’ex-gouverneur pour sa propriété de la chute Montmorency – responsabilité qu’il assuma à la grande satisfaction du général. En 1791, il fut témoin à l’homologation du testament de Haldimand et, lors de la vente de la propriété de Montmorency en 1799, il agit comme procureur de son héritier légitime. En 1786, Amherst* avait nommé Chandler son mandataire, le chargeant de pousser sa vieille réclamation des biens des jésuites, qu’on lui avait promis, en récompense, après la conquête du Canada [V. Augustin-Louis de Glapion*]. Au mois de décembre de l’année suivante, lord Dorchester [Guy Carleton] créa une commission chargée de faire rapport sur l’emplacement, la condition, la valeur monétaire et le statut juridique des biens des jésuites, de même que sur la nature et la qualité de leurs sols. Chandler en fut nommé le premier commissaire. Il fut obligé de stimuler ses collègues, devant les obstacles suscités par les jésuites pour nuire à l’enquête. Finalement, en mai 1789, malgré les objections de Gabriel-Elzéar Taschereau et de Jean-Antoine Panet, Chandler, avec l’aide de Thomas Scott et de John Coffin, réussit à déposer un rapport concluant au droit de la couronne de concéder les biens des jésuites à Amherst ; la commission, toutefois, ne précisait pas quels étaient ces biens. Plus tard, la même année, craignant les conséquences politiques d’une telle concession, Dorchester refusa de donner suite à la pétition de Chandler, qui demandait, au nom d’Amherst, des lettres patentes pour ces biens.
Chandler paraît s’être intéressé activement à l’agriculture. En 1789, il était parmi les premiers souscripteurs de la Société d’agriculture du district de Québec et, l’année suivante, il était membre du conseil d’administration. En 1792, il posa sa candidature comme chef de canton, en vertu du système des chefs et associés de canton [V. James Caldwell], pour deux cantons situés au nord de Québec et qu’on devait appeler Stoneham et Tewkesbury. L’un des associés de Chandler, Philip Toosey*, put mettre une ferme en valeur à Stoneham bien avant la concession officielle de ce canton, en 1800, année où Chandler obtint personnellement 1 200 acres. L’année suivante, Chandler augmenta l’étendue de ses terres en achetant de plusieurs de ses associés quelque 8 500 acres au prix de £200 environ. En 1802, il avait commencé à exploiter le canton de Stoneham, et lui-même y avait une petite ferme. En prévision de la concession de Tewkesbury, il avait déjà, en 1798, signé des ententes avec beaucoup de ses associés qui devaient lui transférer purement et simplement leur part dès la concession faite, et, en 1799, il avait vendu, sous condition, plusieurs lots à Mathew Bell* et à David Monro*. Mais, quand on concéda le canton, l’année suivante, le nom de Chandler avait été supprimé de la liste des concessionnaires – bien que son beau-frère, George Wulff, obtînt 1 200 acres. Chandler conserva un grand intérêt pour l’agriculture. En mai 1802, il fut nommé membre du comité pour l’encouragement de la culture du chanvre.
Le 4 août 1801, Chandler se maria enfin, âgé de plus de 60 ans. Sa femme, Charlotte Dunière, était la sœur de Louis Dunière, marchand en vue de Québec. Le couple occupa d’abord une maison au 66 de la rue Saint-Vallier, où Chandler avait vécu depuis 1795 au moins. En février 1803, il fit l’acquisition d’une maison de pierre de deux étages, rue Saint-Henri, dans laquelle sa femme et lui vécurent confortablement : meubles d’acajou, murs du salon décorés de 36 petites peintures, cellier fourni de rhum, de vins de Porto et de Madère, entre autres, comme aussi de cidre et de bière. La bibliothèque de Chandler était composée de 168 livres, portant sur l’agriculture, l’histoire, la géographie, la philosophie et les sciences ; y étaient représentés des auteurs comme Buffon, le duc de Chesterfield, Edward Gibbon, David Hume et Joseph Priestley. Il lui arrivait fréquemment de donner à des amis les clés de sa ferme de Stoneham, pour des parties de plaisir qui duraient plusieurs jours, en leur y fournissant toutes les provisions nécessaires.
Moins de deux ans et demi après son mariage, Kenelm Chandler mourut chez lui, à la suite d’« une pénible maladie, qu’il supporta jusqu’au dernier moment avec une fortitude et une résignation exemplaire ». Pendant près de 40 ans, il avait été au service du gouvernement de la province de Québec et, selon la Gazette de Québec, il avait été « egalement estimable dans son caractère public et privé par son intégrité et la bonté d’ame ». En plus de sa maison de Québec, évaluée à £850, Chandler possédait quatre maisons à Tewkesbury, en Angleterre, dont le revenu annuel était de £234. Si ses dettes s’élevaient à £7 530 – dont £7 165 qu’il devait au gouvernement en tant que garde-magasin du Board of Ordnance et maître de caserne à Québec – Chandler avait des créances pour plus de £10 600 ; parmi ses débiteurs se trouvaient John Blackwood (£573), la firme Blackwood and Patterson (£1 803), James Tod (£1 654) et Louis Dunière (£1 241). Sa succession, dont la valeur nette fut estimée à £4 730, fut partagée entre sa femme et un fils naturel, Kenelm Conor Chandler*, né vers 1773, et dont la mère était Elizabeth Conor. Ce fils naturel allait occuper le poste de maître de caserne à Québec, de 1811 à 1819.
ANQ-Q, CN1-256, 31 oct. 1796, 29 janv., 5, 23 févr. 1798, 25 févr., 2 nov. 1799 ; CN1-262, 26 févr., 25 juill., 8, 25 oct., 12 déc. 1803, 13 nov. 1804 ; CN1-284, 27 déc. 1798, 21 mai 1800, 13 mars 1801 ; CN1-285, 7 avril 1802.— APC, MG 23, GII, 1, sér. 1, vol. 2 : 219–222, 240, 280 ; GII, 22 ; MG 24, A6 ; MG 30, D1, 7 ; RG 1, L7, 35–36 ; RG 8, I (C sér.), 29 ; 505 ; 511 ; 546–547 ; 744.— BL, Add. mss 21666 ; 21684 ; 21720 ; 21723 ; 21727 ; 21732 ; 21736 ; 21737 ; 21744 ; 21816 ; 21850 ; 21890–21892.— Adam Mabane, « Some letters of Mabane to Riedesel (1781–1783) », Édouard Fabre Surveyer et Dorothy Warren, édit., SHC Report, 1930 : 81s.— La Gazette de Québec, 24 nov. 1766, 1er sept. 1768, 14 févr. 1782, 17 mars 1785, 23 avril 1789, 28 janv., 25 mars 1790, 5 mai, 15 déc. 1791, 11 avril 1793, 13 févr., 3 juill. 1794, 27 déc. 1798, 18 juill. 1799, 20 mai 1802, 15 déc. 1803, 8 janv. 1818, 18 févr. 1819.— Langelier, Liste des terrains concédés, 897.— Burt, Old prov. of Quebec (1933), 86, 102.— R. C. Dalton, « The history of the Jesuits’ estates, 1760–1888 » (thèse de ph.d., univ. of Minn., Minneapolis, 1957), 93, 111–115, 118–128.— A. St-L. Frigge, « The two Kenelm Chandlers », BRH, 49 (1943) : 108–113.
Glenn A. Steppler, « CHANDLER, KENELM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/chandler_kenelm_5F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/chandler_kenelm_5F.html |
Auteur de l'article: | Glenn A. Steppler |
Titre de l'article: | CHANDLER, KENELM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |