VERRIER, LOUIS-GUILLAUME, avocat au parlement de Paris, procureur général du Conseil supérieur de la Nouvelle-France, né à Paris le 19 octobre 1690, fils de Guillaume Verrier, procureur du roi, et de Marie-Madeleine Thibault, décédé à Québec le 13 septembre 1758.

Issu d’une famille de robe – son père et son grand-père maternel avaient été procureurs du roi – Louis-Guillaume Verrier étudia le droit à Paris. Le 8 août 1712, à l’âge de 21 ans, il fut reçu au barreau de Paris où il pratiqua sa profession ; en 1719, son cabinet était situé sur la rue Mûrier. Le procureur général du Conseil supérieur de la Nouvelle-France, Mathieu-Benoît Collet*, étant décédé à Québec le 5 mars 1727, Verrier sollicita le poste. Le 23 mars 1728, le ministre Maurepas s’informa auprès du procureur général du parlement de Paris des aptitudes de Verrier pour le poste demandé et, le 20 avril suivant, Verrier fut nommé. Un mois plus tard, Maurepas informait le gouverneur Beauharnois qu’il accordait un passage sur l’Éléphant au nouveau procureur général qui débarqua en Nouvelle-France au tout début de septembre.

Dès le 5 septembre 1728, Étienne Boullard*, vicaire général et curé de Québec, produisit un certificat affirmant que Verrier s’était comporté en bon catholique et avait fréquenté les sacrements depuis son arrivée dans la colonie. Le 9 du même mois, eut lieu l’information de « vie et mœurs » du nouveau procureur et, le 17, sa commission fut enregistrée par le Conseil supérieur.

À cette époque, le procureur général devait joindre à une connaissance des ordonnances et des décrets du Conseil supérieur une parfaite maîtrise des lois et des ordonnances du royaume et, plus particulièrement, de la Coutume de Paris. Ses fonctions étaient de conduire les affaires du roi devant le Conseil supérieur et de transmettre les édits et les ordonnances de ce conseil aux procureurs du roi de la Prévôté de Québec et des juridictions royales de Trois-Rivières et de Montréal ; il surveillait la conduite de ces procureurs dans l’exercice de leurs fonctions. De plus, le procureur général était consulté sur les points de la loi, prononçait les réquisitoires et formulait les conclusions que le Conseil supérieur suivait généralement.

Peu de temps après la nomination de Verrier, le gouverneur Beauharnois écrivait au ministre Maurepas « que le conseil parai[ssait] très content du présent » que le ministre lui avait fait en la personne de Verrier. Il ajouta que le procureur était « au fait de son emploi et fort attaché à son devoir ». En effet, le procureur Verrier s’attachait au moindre détail de ses fonctions et, dès la fin du mois d’octobre 1728, selon l’ordonnance de 1717, il réclama des héritiers du notaire Florent de La Cetière* le dépôt de son minutier au greffe de la Prévôté de Québec. Les héritiers d’un notaire décédé avaient la fâcheuse habitude de considérer les actes notariés comme un bien propre de la succession. Par la même occasion il put récupérer le minutier du notaire Louis Chambalon* dont l’épouse conservait les actes depuis 1716.

Verrier fit sa marque dans la colonie non seulement en exerçant ses fonctions de procureur général mais bien plus en s’attaquant à d’autres tâches connexes. Le 25 mars 1730, à la suite d’un arrêt royal, le ministre Maurepas confia à Verrier le soin de dépouiller tous les minutiers des notaires de la Prévôté de Québec. En effet, on avait constaté qu’un grand nombre d’actes notariés étaient mal rédigés [V. Florent de La Cetière]. Verrier devait, en plus d’un inventaire général des pièces contenues dans les différents minutiers, faire un relevé complet des vices de forme rencontrés dans ces actes et, par la suite, présenter un rapport suggérant les remèdes à apporter. Après avoir choisi le notaire Christophe-Hilarion Du Laurent comme greffier, le procureur général se mit immédiatement à l’œuvre. Le travail s’annonçait long puisque Verrier devait pour chaque minutier vérifier chaque acte, noter ce qu’il y avait de défectueux, indiquer le début et la fin de chaque minutier, trier les papiers et les mettre en ordre, et ajouter, à l’occasion, quelques renseignements biographiques concernant le notaire.

Dès le 18 octobre 1730, le gouverneur Beauharnois et l’intendant Hocquart* rendirent compte au ministre du travail accompli en demandant qu’on accordât à Verrier une gratification proportionnée à son travail. Un an plus tard, le gouverneur et l’intendant purent envoyer en France huit procès-verbaux de dépouillement d’actes défectueux. Ils n’eurent que des éloges pour Verrier et, de nouveau, demandèrent une gratification pour le travail accompli et pour rembourser les avances faites par Verrier dans l’exercice de cette tâche. Pendant deux années entières, le procureur général poursuivit son travail. Le 7 février 1732, le ministre annonça à Verrier qu’il lui envoyait une gratification de 1 000# et qu’il désirait que Verrier, en collaboration avec le gouverneur et l’intendant, prépare, à partir de son rapport, trois déclarations concernant les défectuosités des actes notariés, les contrats de mariage et l’imposition d’amendes aux notaires qui n’observaient pas les formalités requises. Les conseillers François-Étienne Cugnet et Eustache Chartier de Lotbinière furent chargés de revoir ces trois déclarations. Ils en firent rapport au ministre en octobre 1732 et, l’année suivante, le roi légiféra selon leurs recommandations. Verrier avait dépouillé et classé 34 minutiers.

À la fin de l’année 1732, Verrier s’était vu confier la confection du papier terrier (relevé de tous les aveux, dénombrements et déclarations des seigneuries de la colonie). Le travail, dont la durée impatientait quelquefois le ministre, ne fut terminé que huit ans plus tard. Le 4 octobre 1740, Hocquart informa le ministre que Verrier venait de lui remettre le septième et dernier volume du papier terrier. Quant à la gratification que les autorités promettaient au procureur général depuis 1738, elle ne lui fut versée que le 6 avril 1744, lors de la réception par le ministre du supplément au papier terrier.

L’aspect le plus original de l’œuvre de Verrier en Nouvelle-France fut sans aucun doute son enseignement du droit. Les cours qu’il donna étaient très élémentaires et se résumaient en des conférences sur les ordonnances, la coutume et la jurisprudence de l’époque ; selon certains témoignages, ces cours de droit auraient été les premiers à être donnés en Amérique du Nord. Malgré le scepticisme de Beauharnois et de Hocquart et malgré l’insuccès qu’avait connu le procureur général Collet, Verrier entreprit de donner gratuitement de telles conférences. Le 9 octobre 1733, il pouvait écrire au ministre qu’il n’avait d’autres ambitions que de consacrer sans réserve tous les moments de sa vie à l’utilité publique. Durant les premières années de son enseignement, les candidats furent peu nombreux. Ses deux premiers élèves furent Jean-Victor Varin* de La Marre et François Foucault. En 1736, Verrier comptait trois nouveaux étudiants : Jacques de Lafontaine de Belcour, Jean-Baptiste Gaillard et Guillaume Guillimin*. L’année suivante, le ministre exprimait à Verrier sa satisfaction de le voir poursuivre ses cours et le roi invitait les Canadiens, aptes aux études juridiques, à suivre l’enseignement du procureur général pour se mettre en état de remplir la charge de conseiller. Par la suite, grâce aux représentations de Verrier, le roi donna sa préférence aux élèves du procureur lors des nouvelles nominations au Conseil supérieur. En 1738, le nombre d’étudiants réguliers était de sept, parmi lesquels Thomas-Marie Cugnet, le fils du conseiller Cugnet. L’année suivante, Verrier se vit dans l’obligation de porter le nombre de ses cours à deux par semaine, durant lesquels il commentait pour le fond le premier et le second volume des Institutions du droit français, de M. Argou, et il faisait lire à ses élèves les Ordonnances civiles et criminelles pour les familiariser avec la forme juridique. En 1740, René-Ovide Hertel* de Rouville et, en 1742, Jean-François Gaultier s’ajoutaient au nombre des étudiants. Verrier poursuivit ses conférences de droit au-delà de 1753, comptant cette année-là parmi ses étudiants Jacques Imbert. Le procureur général avait dû interrompre ses cours à deux reprises lors de voyages en France en 1744–1745 et en 1749. Les autorités reconnurent le travail de Verrier et elles lui accordèrent plusieurs gratifications, lesquelles s’ajoutaient à son salaire de procureur fixé annuellement à 600# jusqu’en 1751, et à 1 000# par la suite.

En dehors de ses activités juridiques, la vie de Louis-Guillaume Verrier est peu connue. Érudit et bibliophile, il possédait une bibliothèque de 997 ouvrages dont un grand nombre comprenaient plusieurs volumes. Verrier mourut célibataire et intestat le 13 septembre 1758 ; sa succession ne fut totalement liquidée que le 14 janvier 1776. Il avait consacré sa vie à la science juridique et il n’avait point ménagé ni son temps ni son argent pour permettre à ses concitoyens d’acquérir de plus vastes connaissances juridiques. Verrier n’avait pas fait de commerce, et souvent ses appointements étaient insuffisants, comme il le fit remarquer au ministre à plusieurs reprises. Ses contemporains et, plus tard, les hommes de loi lui rendirent un témoignage unanime : il était un homme appliqué et assidu à son travail, intègre et désintéressé dans l’exercice de sa charge.

Claude Vachon

AN, Col., C11A, 59, p. 101 ; 60, p. 97 ; 71, p. 135 (copies aux APC) ; Col., E, 385 (dossier Verrier).— ANQ, Greffe de J.-B. Decharny, 10 janv. 1759 ; AP, Louis-Guillaume Verrier, 1730–1759 ; NF, Ins. du Cons. sup., 1728–1758 ; NF, Registres du Cons. sup., 1728–1758.— RAC, 1904, app. K, passim ; 1905, I, vie partie, passim.— Louis-Guillaume Verrier, Les registres de l’Amirauté de Québec, RAPQ, 1920–1921, 106–131.— Edmond Lareau, Histoire du droit canadien depuis les origines de la colonie jusquà nos jours (2 vol., Montréal, 1888–1889), I.— J.-E. Roy, Histoire du notariat, I : 300–314.— Vachon, Histoire du notariat, 29–38.— Édouard Fabre-Surveyer, Louis-Guillaume Verrier (1690–1758), RHAF, VI (1952–1953) : 159–176.

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Claude Vachon, « VERRIER, LOUIS-GUILLAUME », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/verrier_louis_guillaume_3F.html.

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Auteur de l'article:    Claude Vachon
Titre de l'article:    VERRIER, LOUIS-GUILLAUME
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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