FORNEL (Fournel), LOUIS (Jean-Louis), marchand et entrepreneur, explorateur, seigneur, baptisé à Québec le 20 août 1698, fils de Jean Fornel, marchand, et d’Anne-Thérèse Levasseur ; le 31 décembre 1723, il épousa Marie-Anne Barbel* qui lui donna 14 enfants, dont 7 atteignirent l’âge mûr ; décédé à Québec le 30 mai 1745.

Si l’on en juge par sa position comme administrateur de l’Hôpital Général de Québec, Fornel, père, avait été un citoyen respecté. Le mariage de Louis Fornel à la fille de Jacques Barbel*, seigneur et bénéficiaire de plusieurs postes importants dans la judicature, illustre encore le statut de la famille. Parmi les signataires du contrat de mariage figurent le gouverneur Rigaud* de Vaudreuil, l’intendant Michel Bégon et plusieurs fonctionnaires de moindre importance.

On trouve ça et là dans les archives judiciaires de la colonie des références aux disputes de Fornel avec les capitaines de navires et les marchands concernant des lettres de change, des articles de cargaison et des paiements de transport, qui témoignent de sa participation importante, quoique difficile à déterminer, au commerce maritime. À l’instar de nombreux marchands de Québec, il commença à s’intéresser, dans les années 30, à la chasse au loup marin, nouvelle industrie prometteuse de la côte du Labrador.

En 1737, Fornel, François Havy et Jean Lefebvre obtenaient les deux-tiers des parts du poste de chasse au loup marin encore inexploité de la baie des Châteaux (Chateau Bay), sur le détroit de Belle-Isle, de son concessionnaire, Louis Bazil, époux de sa cousine maternelle, Charlotte Duroy. Fornel, Havy et Lefebvre fournirent les capitaux, y compris le tiers des parts appartenant à Bazil, de cette entreprise qui se révéla peu rentable. Dès 1742, tenant Bazil pour un fainéant, Fornel sollicita les autorités locales et le ministre de la Marine, Maurepas, de lui concéder le poste, après l’expiration du bail de Bazil en 1745. Il soutenait que tout en utilisant le poste comme base avancée, « pour y attirer les Esquimaux, pour s’y équiper et s’y réfugier au cas de besoin », il pourrait explorer et éventuellement exploiter la lointaine baie des Esquimaux (probablement l’inlet de Hamilton). Cette entreprise aiderait à amener le commerce français chez les Esquimaux, qu’il prétendait avoir déjà beaucoup « humanisés » à la baie des Châteaux.

En 1744, les partenaires solvables présentèrent comme alternative d’abandonner le poste à Bazil en retour du paiement complet des sommes qu’il leur devait, ou d’effacer sa dette en échange du droit à la concession. L’intendant Gilles Hocquart*, qui favorisait l’arbitrage, temporisa. La participation de la colonie à la guerre de 1745 retarda indéfiniment la décision au sujet de cet arrangement ; de toute façon, la concession expira en 1745.

Cependant, l’exploration de la baie des Esquimaux ne pouvait être différée. Louis Fornel n’était pas le seul Canadien à avoir des vues sur la baie ; stimulé par la compétition, il entreprit en 1743 l’expédition qu’il avait jusque-là déclarée impossible, à moins de recevoir d’abord la concession de la baie des Châteaux. Au-delà du cap Charles, dernier avant-poste français de la côte du Labrador, il allait découvrir le large et prometteur estuaire (inlet de Hamilton) de la rivière Kessessakiou (fleuve Churchill).

Fornel s’embarqua à Québec le 16 mai 1743, comme passager à bord de l’Expérience (dont il était copropriétaire avec Havy et Lefebvre), qui effectuait son voyage régulier vers la baie des Châteaux, et il poursuivit sa route sur une goélette de pêche louée à Tierpon, Terre-Neuve. Débarqué à la baie des Esquimaux, qu’il rebaptisa baie Saint-Louis, le 11 juillet, il en prit possession, écrivit-il, « au nom du Roy, et de la nation française ». En fait, en 1740, l’intendant Hocquart croyait que ce site correspondait au fief de Saint-Paul, concédé à Jean-Amador Godefroy * de Saint-Paul en 1706 et réuni depuis longtemps au Domaine du roi.

Le 25 août, Fornel était de retour à Québec sur l’Expérience. Sa « Relation de la découverte [...] » constitue un classique mineur de la littérature d’exploration canadienne, où s’entremêlent une agréable histoire d’aventures et des observations très précises sur les Esquimaux. On y trouve une description de la tentative de Fornel visant à réfuter le mythe que les Esquimaux vivaient de viande crue et d’eau salée.

La requête de Fornel à l’effet de se faire concéder la baie Saint-Louis, renforcée par son projet d’exploration, alarma le fermier du Domaine du roi, François-Étienne Cugnet, et l’intendant Hocquart. Ils craignaient tous deux qu’un poste à la baie ne supprime le commerce indien sur ce domaine ; Fornel avait à bon escient évité de mentionner les Indiens dans ses requêtes, appuyant plutôt sur les promesses de la chasse au loup marin et sur le développement de ce commerce avec les Esquimaux.

En 1749, le nouvel intendant, François Bigot*, prit finalement une décision concernant la baie des Châteaux et la baie Saint-Louis. La première fut léguée à un nouveau concessionnaire, tandis que l’autre, à la suite de la mort de Fornel en 1745, fut concédée à sa veuve, qui avait formé une compagnie avec Havy et Lefebvre.

Fornel s’intéressa aussi à la propriété immobilière, qui, dans le monde incertain des affaires au xviiie siècle, représentait un investissement presque toujours sûr. Dans les années 40, il acheta du terrain dans les faubourgs, sur le chemin de La Canoterie et dans la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges, ainsi qu’un lot près de sa maison sur la place de la Basse-Ville. Le 14 mai 1741, on lui concéda une seigneurie située immédiatement derrière la seigneurie de Neuville, non loin de la ville. Il entreprit aussitôt le développement de cette concession, qu’il nomma Bourg-Louis. Il recevait en même temps le titre de seigneur et un rang social qu’en tant que marchand prospère il avait convoités et réellement mérités, mais que seule la concession d’une terre pouvait lui assurer.

Louis Fornel tomba malade en mars 1745 et mourut le 30 mai, âgé de seulement 47 ans. Sa veuve qui, à l’instar des épouses de marchands de l’époque, connaissait très bien les affaires, continua pendant de nombreuses années à s’occuper de son commerce. Dans sa vie et sa carrière, Fornel se révèle une personnalité unique et pleine de dynamisme, ainsi que le reflet fidèle d’une classe, d’un pays et d’une époque.

Dale Miquelon

La « Relation de la découverte qu’a faite le sieur Louis Fornel en 1743 de la baie des Eskimaux nommée par les Sauvages Kessessakiou » se trouve aux AN, Col., C11A, 109, ff.272286 ; elle fut publiée dans RAPQ, 19201921, 6075, et dans Inv. de pièces du Labrador (P.-G. Roy), II : 204229.

AJQ, Registre d’état civil, Notre-Dame de Québec, 31 mai 1745.— AN, Col., B, 81, f.271 ; Col., C11A, 81, ff.77, 85–89 ; 83, f.261 ; 85, f.21 ; 92, f.359 ; 96, f.101 ; 100, f.337 ; 101, f.398 ; Col., E, 189 (dossier Fornel) ; Section Outre-Mer, G1, 462, ff.339–340, 344, 346–349.— ANQ, Greffe de C.-H. Du Laurent, 10 sept., 3 oct. 1736, 1er mai 1740, 21 juin, 3 oct. 1742, 15 mai, 27 sept. 1743 ; Greffe de J.-C.Louet, 26 août, 31 déc. 1723 ; AP, J.-L. Fournel, 1725–1742.— APC, MG 24, 13, pp. 571, 602s., 608–610.— Inv. de pièces du Labrador (P.-G. Roy), I : 50, 51, 56, 60, 99, 151, 293 ; II : 88, 176, 181, 201, 229, 234, 235, 244, 249, 255, 256, 258, 259, 260.— P.-G. Roy, Inv. concessions ; Inv. ins. Cons. souv. ; Inv. ord. int.

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Dale Miquelon, « FORNEL (Fournel), LOUIS (baptisé Jean-Louis) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fornel_louis_3F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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