CHAUVIGNY, MARIE-MADELEINE DE (Gruel de La Peltrie), fondatrice séculière des Ursulines de Québec, née à Alençon (France) en 1603, fille de Guillaume de Chauvigny, sieur dudit lieu et de Vaubougon, et de damoiselle Jeanne Du Bouchet, décédée à Québec le 18 novembre 1671.

Guillaume de Chauvigny, n’ayant pas eu de fils pour lui succéder, voulut préparer des alliances distinguées pour ses filles. Marie-Madeleine, la cadette, malgré ses attraits pour le cloître, se vit contrainte d’épouser le chevalier de Gruel, seigneur de La Peltrie. De cette alliance, qui ne dura que cinq ans, naquit une fille décédée au berceau. Veuve à 22 ans, Mme de La Peltrie se porta d’une façon particulière à la pratique de la vertu. Elle se retira même dans la solitude pour éviter les sollicitations de son père empressé de lui trouver un second mari.

À cette époque, la Relation des Jésuites de 1635 lui tomba sous les yeux et l’appel du père Paul Le Jeune en faveur des missions de la Nouvelle-France lui sembla personnellement adressé : «Hélas mon Dieu ! écrivait-il, si les excès, si les superfluitéz, de quelques Dames de France s’employoient à cet œuvre si sainct [la fondation d’un couvent de religieuses enseignantes à Québec], quelle grande bénédiction feroient-elles fondre sur leur famille ! » À partir de ce moment, Mme de La Peltrie conçut le dessein de consacrer sa personne et sa fortune à la conversion des Amérindiens.

Mais une maladie grave entrava ses projets et la conduisit aux portes du tombeau. Tandis que les médecins la croyaient perdue et ne la visitaient plus que par cérémonie, elle fit un vœu à saint Joseph, lui promettant, en retour de la santé, d’aller en Canada, d’y bâtir une maison sous son patronage et de se consacrer elle-même au service des petites Amérindiennes. Le lendemain, contre l’attente de tout le monde, elle se trouva sans fièvre, résolue d’accomplir ses promesses. Nouvel assaut de son père plus décidé que jamais de la marier. Plusieurs personnes l’encourageaient à céder aux désirs paternels, mais elle trouva un moyen ingénieux de calmer les angoisses de M. de Vaubougon : un mariage fictif avec M. Jean de Bernières de Louvigny, trésorier de France à Caen, qui, par la suite, devint procureur des Ursulines de Québec. Ce gentilhomme accepta de jouer la comédie. Sur les entrefaites, M. de Vaubougon mourut et les affaires de Mme de La Peltrie se compliquèrent : la trouvant incapable d’administrer sa fortune, ses parents essayèrent de la mettre en interdiction. Elle en appela au parlement de Rouen, gagna son procès et, du fait, la direction de son patrimoine.

Pressée de partir pour la Nouvelle-France, Mme de La Peltrie se rendit à Paris et consulta Monsieur Vincent et le père de Condren, arbitres des entreprises apostoliques. On la présenta au père Poncet de La Rivière, jésuite, qui lui parla de Marie de l’Incarnation [V. Guyart], consumée elle aussi du désir d’aller en Canada. Mme de La Peltrie et M. de Bernières de Louvigny gagnèrent Tours et l’affaire de la fondation fut bientôt conclue. En Mme de La Peltrie, Marie de l’Incarnation reconnut la compagne qui lui avait été montrée en songe. À Paris, Mme la fondatrice signa l’acte qui assurait à la fondation la terre de Haranvilliers, près d’Alençon, legs représentant une rente d’environ 900#. Incapable de placer ses bagages dans les navires en partance pour l’Amérique, Mme de La Peltrie fit fréter un vaisseau à ses frais, le chargeant de provisions et de meubles au coût de 8 000#. À sa caravane composée de trois ursulines, elle joignit une jeune fille de 19 ans, Charlotte Barré, qui deviendra la première professe du monastère de Québec, sous le nom de mère Saint-Ignace.

En débarquant à Québec, le 1er août 1639, Mme de La Peltrie commença d’exercer son zèle pour la conversion des Amérindiens. Elle était partout, s’ingéniant à multiplier les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Aussi bien les petites Amérindiennes la suivaient avec plus d’amour que des enfants ne suivent leur propre mère. Quoique d’une constitution délicate, elle s’employa dans les offices les plus humbles, voulant être de toutes les bonnes œuvres. Ces aspirations au plus parfait expliquent sa fugue à Montréal avec Jeanne Mance et Paul de Chomedey de Maisonneuve, au printemps de 1642. Privées des revenus, des meubles et surtout de la présence de leur fondatrice, les Ursulines eurent grand-peine à tenir le coup. Après 18 mois d’une absence capable d’anéantir la mission des Ursulines, Mme de La Peltrie revint auprès de ses filles. À l’ouverture du noviciat (1646), elle demanda la faveur d’être admise dans la compagnie de Sainte-Ursule ; mais l’essai fut de courte durée. Elle reprit ses habits séculiers, continua d’habiter dans le cloître et de garder toutes les observances monastiques.

À plusieurs reprises, Marie de l’Incarnation fit l’éloge de Mme de La Peltrie qu’elle appelait « une sainte ». Le 12 novembre 1671, la fondatrice fut atteinte d’une pleurésie qui l’emporta le septième jour. Le lendemain de sa mort, elle fut déposée dans un cercueil de plomb et inhumée dans la chapelle des Ursulines. Conformément à ses dernières volontés, on remit son cœur aux Jésuites, en témoignage du respect et de l’affection qu’elle avait toujours eus envers leur compagnie.

Marie-Emmanuel Chabot, o.s.u.

Marie Guyart de l’Incarnation, Écrits (Jamet).— JR (Thwaites), XI, 277 ; LXI.— Les Ursulines de Québec, I.

Bibliographie de la version révisée :
Arch. du monastère des ursulines (Québec), 1/E,12,1,0,0,1 (Annales, 1639-1822).

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Marie-Emmanuel Chabot, o.s.u., « CHAUVIGNY, MARIE-MADELEINE DE (Gruel de La Peltrie) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/chauvigny_marie_madeleine_de_1F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    2015
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