La contribution de la Politique nationale à l’ouverture de l’Ouest canadien fit de l’accroissement de l’immigration un impératif politique. Le chemin de fer canadien du Pacifique facilita l’accès aux nouveaux territoires, dont la colonisation devint une priorité, afin d’instaurer au Canada une économie plus autosuffisante.
Des colons de l’Ontario et de la province de Québec furent les premiers à entreprendre le voyage vers l’Ouest, mais le développement industriel des années 1880 accrut le besoin de travailleurs. Il n’y avait qu’une autre source de main-d’œuvre : les immigrants. Sir John Alexander Macdonald, immigrant lui-même, savait ce qu’il voulait :
[Macdonald] entrevoyait un Canada doté d’un seul gouvernement, habité par une population aussi homogène que possible et qui partageait des institutions et des traits communs.
David Lewis Macpherson, qui deviendrait ministre de l’Intérieur sous Macdonald, croyait que l’entreprise privée pouvait gérer la colonisation :
De concert avec le premier ministre, Macpherson appliqua, de 1881 à 1883, une série de mesures foncières qui visaient à favoriser la réalisation de l’objectif global du gouvernement, soit le développement d’une économie canadienne transcontinentale. Ils tentèrent d’encourager le peuplement en libéralisant divers règlements sur l’exploitation rurale et en ouvrant à la colonisation les terres voisines du tracé que devait suivre le chemin de fer canadien du Pacifique. En outre, Macpherson espérait déléguer à l’entreprise privée une partie de la promotion du peuplement. Le gouvernement encouragea donc la formation de compagnies privées de colonisation en leur offrant des terres à 2 $ l’acre, avec promesse d’une remise de 160 $ pour chaque colon sérieux qui s’installerait. Les compagnies devaient payer, en acompte, un cinquième du prix total, et placer dans un délai de cinq ans deux colons sur chacune des sections de leurs terres.
Patrick Gammie Laurie, propriétaire et rédacteur en chef du Saskatchewan Herald, critiqua le projet de colonisation :
Même si Laurie tenait à ce que le développement soit rapide, il désapprouva le plan de colonisation institué par le gouvernement conservateur en 1881 [V. sir David Lewis Macpherson*] […] C’était par principe qu’il s’opposait aux plans de ce genre. À son avis, installer les colons sur de grands blocs de terres avait tendance à « empêcher la fusion intime [de] gens de races différentes en [...] ce tout homogène si souhaitable dans un pays neuf ». Il estimait que les immigrants devaient venir dans l’Ouest à leurs propres frais, sans l’aide des sociétés de colonisation ; ainsi, on attirerait les plus vigoureux et les plus entreprenants. Personne ne devait bénéficier d’un traitement de faveur.
La Grande-Bretagne fournit la majorité des immigrants sous le règne de Macdonald, mais, plus tard, des Russes, des Chinois et des Scandinaves s’établirent dans l’Ouest. Le système de concessions offrait aux ressortissants de l’Europe de l’Est et de l’Europe centrale la possibilité d’échapper aux structures restrictives de leurs pays. Un groupe de juifs russes, dont Abraham Klenman, s’installèrent d’abord dans la province de Québec avant d’adopter le mode de vie agraire qui leur était interdit en Russie :
Empêché d’être propriétaire terrien en Russie parce qu’il était juif et convaincu que la régénération du peuple juif passait par le retour à la terre, Klenman aspirait à s’établir dans l’Ouest canadien sur l’une des concessions d’un quart de lot que le gouvernement fédéral offrait contre un droit d’enregistrement de 10 $.
À Montréal, Klenman approfondit et promut l’idée de fonder dans l’Ouest une colonie agricole qui consisterait en un certain nombre de familles d’immigrants juifs, et il choisit quelques-uns des colons […] À l’automne de 1888, Klenman et un autre immigrant juif, Jacob Silver, furent désignés pour aller choisir des terres. Assistés de Lauchlan Alexander Hamilton, commissaire des terres de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique à Winnipeg, ils se rendirent dans diverses localités. Finalement, ils décidèrent de se fixer dans la zone boisée de peuplier-tremble : les arbres leur serviraient de matériau de construction et de combustible, et la nappe phréatique se trouvait à une profondeur bien moins considérable que dans la prairie. Ils apprirent que, sous le parrainage du philanthrope anglo-juif Hermann Landau, la famille de John et Rachel Heppner et quelques autres juifs russes s’étaient fixés en 1886 à quelques milles au nord-est de Wapella et que cette région se développait rapidement. Wapella se trouvait sur la ligne principale du chemin de fer canadien du Pacifique. La première colonie agricole juive de l’Ouest canadien, New Jerusalem, fondée en 1884, était située à une trentaine de milles au sud-est.
Les efforts déployés par Macpherson pour coloniser les Territoires du Nord-Ouest furent annihilés par sa mauvaise planification, ainsi que par des forces économiques indépendantes du pouvoir du gouvernement canadien :
En 1885, le plus grand désordre régnait dans les programmes que Macpherson avait conçus pour la mise en valeur du Nord-Ouest. Cette situation était due en partie au fait qu’il était ministre à un moment où les prix mondiaux des céréales chutaient et où, grâce au progrès des méthodes d’agriculture, les terres de l’Ouest américain étaient beaucoup plus attrayantes que celles de l’Ouest canadien.
Pendant les années 1880, la population de l’Ouest canadien doubla. Pourtant, ce serait l’adversaire de Macdonald aux élections de 1891, Wilfrid Laurier, qui veillerait à l’essor d’une grande partie des nouveaux territoires canadiens [V. Le peuplement de l’Ouest].
Pour obtenir plus d’information sur l’immigration et la colonisation pendant les années où Macdonald fut premier ministre, vous pouvez consulter les biographies suivantes.