Titre original :  Image courtesy of the private archives of the McIntyre family.

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WHEARY, RANKIN, soldat, né le 10 décembre 1895 à Woodstock, Nouveau-Brunswick, fils de Wellington Wheary et de Jessie McLaren ; décédé célibataire le 7 octobre 1918 près de Cambrai, France.

Rankin Wheary était un jeune Noir qui servit dans l’infanterie canadienne au cours de la Première Guerre mondiale. Il était issu d’une famille modeste. Son père était un manœuvre dont le grand-père était venu au Nouveau-Brunswick, probablement avec les loyalistes. Sa mère, Écossaise d’origine, était domestique. Un an après la mort de son père en 1911, il quitta la College School de Woodstock et occupa divers emplois dans cette localité pour aider à subvenir aux besoins de sa mère et de sa jeune sœur. Ensuite, il partit pour la guerre.

Au début du xxe siècle, à Woodstock, l’entente régnait entre les Blancs et la petite communauté noire ; pratiquement aucun signe de ségrégation ne se voyait. Dans ce chef-lieu de comté loyaliste situé au bord de la rivière Saint-Jean, on aimait le baseball et le jeune Wheary joua à la balle à l’école, puis, lanceur et frappeur étoile dans les Federals de Woodstock, il participa à des matchs le long de la vallée et de l’autre côté de la frontière, dans le Maine. Comme ce sport était aussi très pratiqué dans l’armée, il joua ensuite en Angleterre dans les équipes du 104th Battalion et du 13th Reserve Battalion. Après avoir rejoint le 26th Battalion en France, il occupa la position d’arrêt-court dans l’équipe régimentaire, qui remporta le championnat de la 2e division canadienne en juin 1918. Un de ses compagnons d’armes du 26th Battalion rappellerait plus tard qu’« il était merveilleux » sur un terrain de baseball.

On n’a guère étudié les états de service des volontaires de race noire dans les unités de première ligne du Corps expéditionnaire canadien. La discrimination dans le processus de recrutement et la conviction maintes fois exprimée selon laquelle « c’était une guerre de Blancs » ont conduit à croire que peu de recrues de race noire servirent dans l’armée, et encore moins au front. Selon l’opinion courante, la plupart d’entre eux auraient appartenu au No. 2 Construction Battalion, créé expressément pour les volontaires de race noire. Pourtant, le cas de Rankin Wheary et d’autres semblables suggèrent qu’il pourrait y avoir eu beaucoup plus de Noirs dans les unités de première ligne qu’on ne le pense généralement.

L’entrée en guerre du Canada suscita une ferveur patriotique qui porta beaucoup de gens à s’enrôler, dont des membres de groupes minoritaires [V. Cameron Dee Brant ; Yoichi Kamakura]. Même si l’enrôlement des Noirs ne faisait l’objet d’aucune restriction officielle, les commandants locaux étaient libres d’imposer leurs propres critères et refusaient souvent des volontaires noirs aptes au service. Les protestations des porte-parole de la communauté noire provoquaient une réaction ambiguë de la part des autorités : l’armée déclarait qu’il n’y avait pas d’obstacles raciaux au service militaire, mais les commandants locaux restaient libres de choisir les recrues. Le problème se posa avec acuité en novembre 1915 lorsqu’une vingtaine de Noirs furent refusés au camp Sussex, au Nouveau-Brunswick, où ils allaient se joindre au 104th Battalion après s’être enrôlés à Saint-Jean. En réponse à des protestations locales, le Conseil de la milice répéta que « les hommes de couleur [devaient] être autorisés à s’enrôler dans n’importe quel bataillon ». Toutefois, le problème persista et, en juin 1916, l’armée finit par créer une unité pour eux, le No. 2 Construction Battalion.

Des volontaires noirs s’étaient enrôlés individuellement au Nouveau-Brunswick dès le début des hostilités. Leur recrutement à Woodstock se déroulait sans incident ; peut-être en était-il de même ailleurs. Même à Saint-Jean, où l’on s’était plaint de discrimination avant la guerre, les officiers locaux du recrutement acceptaient les Noirs. Il y avait résistance quand ils se présentaient en masse à leur unité, mais non, semble-t-il, quand ils le faisaient un par un.

Wheary s’était enrôlé à Woodstock le 10 janvier 1916 et fut porté deux jours plus tard à l’effectif du 104th Battalion au camp Sussex. Il partit outre-mer et suivit l’entraînement en Angleterre tout l’été et tout l’automne. Envoyé en renfort au 5th Canadian Mounted Rifles en France en décembre, il rejoignit son nouveau régiment le 7 du mois. Il servit dans les tranchées jusqu’à la bataille de la crête de Vimy, du 9 au 14 avril 1917.

À la fin de cette bataille, Wheary avait des engelures et souffrait de la fièvre des tranchées. On l’envoya se faire soigner et se reposer en Angleterre. Après avoir été affecté au 13th Reserve Battalion en août, il retourna en France en mars 1918 et rejoignit le 26th Battalion. D’avril à la fin de juillet, cette unité du Nouveau-Brunswick fit sept tours de service dans les tranchées au sud d’Arras, puis participa à des engagements majeurs : la bataille d’Amiens, la deuxième bataille d’Arras dans le cadre des manœuvres d’approche de la ligne de Drocourt-Quéant et la bataille de la ligne de Hindenburg au canal du Nord. Le 7 octobre 1918, pendant que le bataillon se préparait à avancer sur Cambrai, Wheary fut tué par un tir d’artillerie ennemi près de la localité de Raillencourt. Il repose au cimetière du bois de Bourlon, près de Cambrai.

Telle est la courte histoire de Rankin Wheary. Populaire dans sa ville natale et dans ses régiments, il ressemblait à des milliers d’autres jeunes gens qui donnèrent leur vie pour le roi et pour la patrie au cours de la Grande Guerre. Bien qu’il ait laissé peu de traces, son séjour dans l’armée donne un aperçu des états de service des fantassins de race noire qui n’appartinrent pas à des unités réservées aux hommes de couleur et illustre l’expérience des nombreux Noirs qui s’enrôlèrent de plein gré dans le Corps expéditionnaire canadien et y servirent sans connaître d’incident racial fâcheux.

John L. Williamson

L’information concernant Rankin Wheary et l’enrôlement de Noirs à Woodstock, N.-B., nous a été communiquée au cours de conversations téléphoniques avec deux anciennes résidentes : Mme Ypres [Dymond] Norton, de Dartmouth, N.-É., les 3 et 8 mai 1992, et la sœur cadette du sujet, Mme Elsie [Wheary] Diggs (maintenant décédée), de Windsor, Ontario, le 13 déc. 1991 et le 10 mars 1992.  [j. l. w.]

AN, RG 31, C1, 1851, 1861, 1871, 1881, 1891, 1901, comtés de Carleton et d’York, N.-B. (mfm aux APNB) ; RG 150, Acc. 1992–93/166, dossier 710017.— APNB, RS141, B4, 9 mars 1893 ; C4, 11 janv. 1911 ; RS657, B3, College School (Woodstock), 1911.— Arch. privées, J. L. Williamson (Fredericton), Lettre de l’adjudant général, directeur des registres, à Jessie Wheary, 13 juin 1919, accompagnée de « Circumstances of death or missing report » (photocopie de l’original conservé par Mme Diggs).— Commonwealth War Graves Commission (Maidenhead, Angleterre), Cemetery reg., index no Fr.715 (Bourlon Wood Cemetery, France) (exmplaire conservé à la Commonwealth War Graves Commission, Canadian Agency, Ottawa).— Univ. of N.B. Library, Arch. and Special Coll. Dept. (Fredericton), MG H2 (Winslow papers).— York Land Registry Office (Fredericton), Registry books (mfm aux APNB).— Carleton Sentinel (Woodstock), 1909–1918, 29 sept. 1933.— Dispatch (Woodstock), 1906–1918.— Saint John Globe, oct.–nov. 1915.— St. John Standard (Saint-Jean, N.-B.), oct.–nov. 1915.— S. D. MacGowan et al., « New Brunswick’s « Fighting 26th » : a draft history of the 26th New Brunswick Battalion, C.E.F., 1914–1919 » (texte dactylographié, 2 vol. en un, Saint-Jean, 1991 ; exemplaire conservé à la Univ. of N.B. Library).— C. W. Ruck, The black battalion, 1916–1920 : Canadas best kept military secret (éd. rév., Halifax, 1987).— J. W. StG. Walker, « Race and recruitment in World War I : enlistment of visible minorities in the Canadian Expeditionary Force », CHR, 70 (1989) : 1–26 ; Racial discrimination in Canada : the black experience (Ottawa, 1985).— R. W. Winks, The blacks in Canada : a history (Montréal, 1971).

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John L. Williamson, « WHEARY, RANKIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/wheary_rankin_14F.html.

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Auteur de l'article:    John L. Williamson
Titre de l'article:    WHEARY, RANKIN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
Date de consultation:    22 déc. 2024