Titre original :  Dr. A.B. Walker, from his book

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WALKER, ABRAHAM BEVERLEY, avocat et journaliste, né le 23 août 1851 à Belleisle (Belleisle Creek, Nouveau-Brunswick), fils de William Walker et de Patience Taylor ; le 30 juillet 1876, il épousa à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, Eliza Ruth Marsh, et ils eurent cinq enfants ; décédé le 21 avril 1909 au même endroit.

L’ancêtre loyaliste d’Abraham Beverley Walker fut parmi les premiers Noirs qui s’établirent dans la péninsule de Kingston, en amont de Saint-Jean, en 1786. Fils de fermier, Walker fit probablement ses études à l’école de William Elias Scovil, rector anglican de Kingston, dont il a peut-être appris la méthode de sténographie. Encore adolescent, il fut employé comme secrétaire et sténographe par les phrénologues américains Orson Squire Fowler et Samuel Roberts Wells, en tournée de conférences au Canada. Après avoir obtenu un diplôme de la National University de Washington, Walker revint à Saint-Jean et commença un stage d’études de trois ans au cabinet de l’avocat George Godfrey Gilbert. Il gagnait alors sa vie comme sténographe. Puis, ayant obtenu sa licence en droit de la National University, il entra comme procureur à la Cour suprême du Nouveau-Brunswick en juin 1881. Il fut admis au barreau en juin 1882, devenant ainsi le premier avocat noir natif du Canada – une distinction jusqu’à maintenant conférée à tort à l’Ontarien Delos Rogest Davis*. À la fin de sa vie, il affirmerait avoir reçu un doctorat en droit civil, mais aucun document ne permet de confirmer cette assertion.

Walker ouvrit son cabinet d’avocat à Saint-Jean, où les Noirs ne formaient que 1,2 % de la population, mais il ne connut pas la prospérité. Il s’occupa de la New Brunswick Shorthand Association, dont il fut vice-président en 1886, et travailla également comme sténographe judiciaire. En juillet 1885, il s’était porté candidat au poste de sténographe judiciaire officiel, mais sans succès. Le problème des préjugés raciaux commençait aussi à le tourmenter : son exclusion manifeste du banquet privé organisé, en décembre 1885, par l’un des doyens de la Saint John Law Society pour commémorer le centenaire du barreau du Nouveau-Brunswick mena à une embarrassante controverse publique sur la question de la discrimination raciale.

Ses chances de faire son chemin dans sa profession lui paraissaient si minces qu’à la fin de l’année 1889 Walker décida d’émigrer aux États-Unis. Armé de lettres de recommandation rédigées, entre autres, par les juges de la Cour suprême, il partit pour Atlanta, en Georgie ; il tenait « de bonne source », dit-il au lieutenant-gouverneur sir Samuel Leonard Tilley*, que là les « perspectives [...] pour un avocat de [sa] race formé à la rigoureuse discipline des tribunaux britanniques et des institutions britanniques [étaient] extrêmement prometteuses et encourageantes ». Il donna des conférences sur « le problème nègre » et entreprit de « devenir un Georgien dans tous les sens du terme ». Moins de deux ans plus tard toutefois, il était de retour à Saint-Jean, où sa femme et ses enfants étaient restés. En octobre 1892, il fut le premier étudiant à être admis à la nouvelle Saint John Law School, alors une faculté du King’s College de Windsor, en Nouvelle-Écosse, et aujourd’hui la faculté de droit de la University of New Brunswick. L’année suivante, en juin, il se porta candidat au poste de bibliothécaire de la Saint John Law Society, poste qu’il occuperait jusqu’à ce qu’on le remplace en janvier 1899 parce qu’il s’était absenté sans autorisation.

En 1895, la communauté afro-canadienne de Saint-Jean avait adressé à sir Charles Hibbert Tupper*, ministre fédéral de la Justice dans le gouvernement conservateur, une requête demandant la nomination de Walker à titre de conseiller de la reine. Quoique les signataires aient été assurés que le nom de Walker serait proposé, la requête n’eut pas de suite. Walker considéra cette omission comme une forme de discrimination raciale. « Dès qu’a couru la rumeur que je serais probablement nommé, se plaindrait-il plus tard au premier ministre libéral Wilfrid Laurier*, une furieuse conspiration s’est formée ici pour empêcher [ma nomination], et le gouvernement à Ottawa n’a pas eu le courage ni l’honnêteté d’y faire face, de me rendre justice et de jouer franc jeu. » Walker était convaincu d’avoir été injustement traité par les leaders conservateurs du Nouveau-Brunswick, qu’il avait loyalement appuyés depuis les élections fédérales de 1878, moment où il avait regroupé les électeurs noirs de Saint-Jean en un « club politique » et livré leurs votes en bloc au parti. Quoi qu’il en soit, le nouveau ministre libéral de la Justice, Oliver Mowat, refusa d’intervenir, et Walker n’obtint jamais le titre de conseiller de la reine. La reconnaissance viendrait plus tard, sous la forme d’un doctorat honorifique, vraisemblablement décerné par la National University. En 1907, se disant « le doyen des avocats noirs de l’Empire britannique », Walker demanda au procureur général du Nouveau-Brunswick, Harrison Andrew McKeown*, d’être nommé conseiller du roi, mais il n’eut pas plus de chance cette fois-là.

Toute sa vie, Walker fut un essayiste, un conférencier et un voyageur infatigable. Sa carrière journalistique connaîtrait son apogée en février 1903 avec le lancement de Neith, mensuel traitant « de littérature, de sciences, d’arts, de philosophie, de jurisprudence, de critique, d’histoire, de réformes et d’économique ». En qualité de rédacteur en chef de ce magazine, Walker invitait vigoureusement non seulement des universitaires et des gens de lettres, mais aussi des hommes politiques et des membres de professions libérales bien en vue à écrire des articles. Avant la fin de l’année 1904 cependant, le magazine avait cessé d’exister en raison du manque d’argent. Selon Robin W. Winks, la parution de Neith avait « apporté au journalisme canadien un magazine pouvant très bien rivaliser avec la plupart des mensuels littéraires de l’époque, et au journalisme noir une publication supérieure à la plupart des autres ».

Après l’effondrement de Neith, Walker se consacra à la fondation et à la promotion de l’African Civilization Movement, qui avait des liens étroits avec l’Église méthodiste épiscopale africaine, et dont il fut président. Ce mouvement avait pour principal objectif de créer, en Afrique britannique, une colonie modèle de Noirs intelligents et industrieux venus du Canada et d’autres pays anglophones. Walker parcourut le Canada et les États-Unis pour faire connaître ses idées, mais il eut peu de succès. C’est pendant une tournée en Ontario que se déclara la tuberculose pulmonaire qui l’emporterait.

Dès le milieu des années 1890, Abraham Beverley Walker se percevait comme le leader de sa race dans les Maritimes, et rien ne semble justifier que l’on contredise le jugement de Winks selon lequel il était « un homme d’une intelligence, d’une énergie et d’un dévouement exceptionnels ». Convaincu de la suprématie de la race noire, non seulement sur le plan idéologique mais au plus profond de lui-même, Walker revendiquait l’égalité raciale, non pas tant sur la base de la supériorité que sur celle de l’ancienneté de sa race, affirmant que les Afro-Canadiens avaient pour ancêtres les anciens Égyptiens. Ce faisant, il prenait tout simplement le contre-pied des arguments racistes par lesquels les Blancs justifiaient la ségrégation et la discrimination contre les Noirs. L’idée que les Noirs formaient une race supérieure avait fort probablement ses fondements dans la pseudo-science de la phrénologie, qui avait marqué sa formation intellectuelle à ses débuts. Contrairement à Booker T. Washington, un réaliste dont il avait critiqué le programme dans Neith, Walker était un idéaliste et un utopiste, et c’est pourquoi il eut peu d’influence sur l’avancement de la communauté noire au Nouveau-Brunswick et ailleurs dans les Maritimes. Le fait qu’il ait été le premier avocat noir natif du Canada et, jusqu’à l’admission de James Robinson Johnston* au barreau en 1900, le seul barrister noir des Maritimes lui a néanmoins assuré sa place dans l’histoire.

Barry Cahill

Abraham Beverley Walker est l’auteur de The negro problem ; or, the philosophy of race development ; from a Canadian standpoint : a lecture (Atlanta, Ga, 1890 ; exemplaire au Musée du N.-B.) ; « The trials, hardships and destiny of the negro race ; an appeal to the tribunal of humanity for fair play and justice », série d’articles parus dans le Saint John Globe (Saint-Jean, N.-B.), supplément du samedi, 20 févr.–3 avril 1897 (conservés sur microfilms à la Saint John Regional Library) ; Victoria the good : the great and glorious mother of liberty, justice, right, truth and equity, of modern civilization ; and the mightiest force for righteousness in the world since the time of Jesus : a lecture (Saint-Jean, 1901 ; exemplaire au Musée du N.-B.) ; « The negro problem and how to solve it », une série inachevée publiée dans sa revue Neith (Saint-Jean), n° 1 (févr. 1903)–nº 5 (janv. 1904) ; et A message to the public by Dr. A. B. Walker, president and promoter of the African Civilization Movement (Saint-Jean, 1905 ; exemplaire à l’Acadia Univ. Library, Wolfville, N.-É.). Une série complète de Neith est conservée dans les papiers W. F. Ganong au Musée du N.-B., ainsi qu’à la Saint John Regional Library.

AN, MG 26, G : 6207–6214 (mfm aux PANS).— APNB, MC 288, MS4, pétition concernant A. B. Walker, 1881 ; MS7/H ; RS9, 24 mars 1908, A. B. Walker à H. A. McKeon, 2 déc. 1907.— Musée du N.-B., Reg. of marriages for the city and county of Saint John, book I (1875–1880) : 173, n° 202 (mfm à la Saint John Regional Library) ; Tilley family papers, 11, dossier 1, doc. 24.— Saint John Law Soc., Council records, minutes, 1893–1899.— Daily Sun (Saint-Jean), 1882–1887, publié ensuite sous le titre de St. John Daily Sun, 1887–1906, et Sun, 1906–1909.— Saint John Globe, 1882–1909.— Standard (Saint-Jean), 1886–1909.— D. G. Bell, Legal education in New Brunswick : a history (Fredericton, 1992).— W. A. Spray, The blacks in New Brunswick ([Fredericton], 1972).— R. W. Winks, The blacks in Canada : a history (Montréal, 1971), 292, 398–401, 411 ; « Negroes in the Maritimes : an introductory survey », Dalhousie Rev., 48 (1968–1969) : 467–469.

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Barry Cahill, « WALKER, ABRAHAM BEVERLEY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/walker_abraham_beverley_13F.html.

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Auteur de l'article:    Barry Cahill
Titre de l'article:    WALKER, ABRAHAM BEVERLEY
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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