ULOQSAQ (Uluksuk), chasseur et chaman du groupe des Inuits du Cuivre, reconnu coupable de meurtre, né vers 1887 dans le district de Coppermine, Territoires du Nord-Ouest, fils d’Anerak ; il eut deux femmes, Kukiluka (Kuilukak) et Koptana ; décédé le 24 septembre 1929 à l’établissement de Coppermine (Kugluktuk, Nunavut).

La date de naissance d’Uloqsaq est inconnue, mais à son procès en 1917 on établit qu’il avait une trentaine d’années. L’anthropologue Diamond Jenness*, au campement duquel il avait séjourné en novembre 1915, a rapporté que cet éminent chaman avait acheté ses pouvoirs à un chaman de l’inlet Bathurst et pouvait se changer en ours, en loup et même en Européen. Son esprit tutélaire apparaissait sous la forme d’un chien. En mars 1915, les Inuits de la région du détroit de Dolphin et Union lui avaient demandé de chasser un mauvais esprit qui menaçait de les détruire. Son esprit-chien fit sortir ce mauvais esprit et le tua dans la neige. Uloqsaq raconta à Jenness que, dans l’exercice de ses fonctions de chaman, il avait vécu durant des jours sous l’eau, ressuscité des hommes, vu des chiens à quatre queues et des hommes blancs avec des bouches sur la poitrine et transformé des hommes et des femmes en loups et en bœufs musqués.

À la fin de 1913, les pères oblats Jean-Baptiste Rouvière et Guillaume Le Roux montaient vers le golfe du Couronnement dans l’espoir de convertir au christianisme les Inuits de la région du fleuve Coppermine. Ils avaient entendu dire qu’un missionnaire de l’Église d’Angleterre allait dans cette région « pour semer de l’ivraie dans [leurs] champs » et ils voulaient le devancer. La « course aux âmes » battait son plein à l’époque. Dans le courant de novembre, près de l’embouchure du Coppermine, les deux oblats rencontrèrent Uloqsaq et un autre chasseur, Sinnisiak, qui acceptèrent de les aider à conduire leurs traîneaux, en échange de quoi les prêtres leur donneraient des pièges. À un moment donné, Le Roux – ou Ilogoak, comme on appelait cet homme manifestement colérique – perdit patience et s’emporta contre les deux Inuits. Ceux-ci crurent que les prêtres voulaient les tuer. Sur l’initiative de Sinnisiak, les Inuits tirèrent sur les oblats et les poignardèrent, puis, conformément à un rite, ils mangèrent une partie de leur foie.

Quand la nouvelle des meurtres parvint aux autorités, on dépêcha une patrouille de la Gendarmerie royale à cheval du Nord-Ouest sur les lieux pour faire enquête. La patrouille était dirigée par l’inspecteur Charles Deering La Nauze et le caporal Wyndham Valentine Bruce. Les deux Inuits se rendirent sans résistance en mai 1916 et firent, de leur plein gré, des dépositions complètes. Uloqsaq expliqua : « J’ai voulu parler ; Ilogoak m’a mis la main sur la bouche […] Ilogoak a pointé le fusil sur nous. J’avais peur et je pleurais […] Sinnisiak m’a dit “Nous devons tuer ces hommes blancs avant qu’ils nous tuent.” »

C’était la deuxième fois que des Inuits tuaient des Blancs dans l’Arctique canadien. En juin 1912, deux explorateurs, Harry V. Radford et Thomas George Street, avaient été assassinés dans la même région pour des motifs très semblables. Le gouvernement s’était alors contenté d’un avertissement. Dans le cas des prêtres, cependant, il trouva important de faire un exemple. En août 1917, Sinnisiak subit son procès à Edmonton pour le meurtre de Rouvière, dont il était considéré comme le principal auteur. Il fut cependant acquitté, probablement parce que le jury estima que la conduite insensée des prêtres les avait menés à leur perte et peut-être aussi à cause des préjugés contre les catholiques. Les deux hommes furent ensuite emmenés à Calgary où, à la fin d’août, ils furent jugés et condamnés pour le meurtre de Le Roux. Ils étaient les deux premiers Inuits à être condamnés pour meurtre par un tribunal canadien. Leurs sentences de mort furent immédiatement commuées en prison à vie. On les garda deux ans au poste de police du fort Resolution (Fort Resolution, Territoires du Nord-Ouest), dans des conditions de sécurité minimum. En 1919, ils allèrent aider la police à installer un nouveau détachement à Tree River, sur la côte de l’Arctique. En 1922, ils purent retourner parmi les leurs.

À un moment donné, on crut qu’Uloqsaq avait été tué en 1924 par un autre Inuit parce que vivre avec des Européens l’avait rendu arrogant et brutal, mais cette histoire résultait d’une confusion entre des noms inuits. En fait, Uloqsaq habitait à Bernard Harbour à la fin des années 1920. L’évêque anglican Archibald Lang Fleming* l’y trouva en 1928, miséreux et incapable de chasser parce qu’il avait contracté la tuberculose de la colonne vertébrale. Fleming envoya Uloqsaq à l’hôpital ecclésiastique d’Aklavik, mais, comme cet établissement ne pouvait soigner les malades chroniques, Uloqsaq fut ramené chez lui à Coppermine au cours de l’été de 1929 sur un bateau de la Hudson’s Bay Company, le Baychimo. Il mourut à cet endroit en septembre de la même année. La terrible épidémie de tuberculose qui ravageait alors la région fit beaucoup d’autres victimes parmi les Inuits.

William R. Morrison

Canada, Parl., Doc. de la session, rapport de la Gendarmerie royale à cheval du Nord-Ouest, 1916.— R. G. Moyles, British law and Arctic men : the celebrated 1917 murder trials of Sinnisiak and Uluksuk, first Inuit tried under white man’s law (Saskatoon, 1979).— W. J. Vanast, « The death of Jennie Kanajuq : tuberculosis, religious competition and cultural conflict in Coppermine, 1929–31 », Études inuit (Québec), 15 (1991), nº 1 : 75–104.— George Whalley, The legend of John Hornby (Toronto, 1962).

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William R. Morrison, « ULOQSAQ (Uluksuk) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/uloqsaq_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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