TIGHE, JAMES EDMUND, débardeur, employé de chemin de fer, organisateur et dirigeant syndical, baptisé le 20 mars 1878 à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, fils de Patrick Francis Tighe, ouvrier, et de Mary Ellen Driscoll ; le 6 juillet 1909, il épousa au même endroit Sarah Louise Garnett (décédée le 23 mars 1918), et ils eurent au moins une fille, qui mourut en bas âge, et au moins un fils, puis le 20 novembre 1924, à Halifax, Isabella Mary Andrews (décédée en 1972), ex-femme de Tomas A. Braman, et ils eurent une fille ; décédé le 8 novembre 1937 à Saint-Jean.

James Edmund Tighe grandit dans le quartier ouvrier du nord de Saint-Jean ; il était le fils d’un Irlandais et d’une Néo-Écossaise. Il fréquenta l’école St Peter’s et, encore jeune homme, commença à travailler sur les quais. En 1899, Ned (tel était son surnom) fut embauché comme serre-frein par le chemin de fer Intercolonial ; il travailla aussi pour plusieurs lignes dans l’Ouest canadien et aux États-Unis avant de revenir à Saint-Jean. En 1909, Tighe fut élu au conseil exécutif du syndicat des débardeurs, qui avait vu le jour en 1849 sous le nom de Labourers’ Benevolent Association. Il encouragea l’affiliation de cette dernière à l’International Longshoremen’s Association (ILA), le syndicat de l’American Federation of Labor qui avait été fondé dans la région des Grands Lacs dans les années 1890. Il croyait que ce lien international améliorerait la position des travailleurs de Saint-Jean sur les marchés de la main-d’œuvre temporaire des quais, de plus en plus dominés par des expéditeurs de Montréal, comme Robert Wilson Reford*, et le trafic transnational. En 1911, un certain nombre de syndicats de débardeurs de Saint-Jean fusionnèrent et adhérèrent à l’ILA sous le nom de section locale 273 ; Tighe en devint l’agent d’affaires, et eut la responsabilité de négocier des contrats pour plus de 1 000 membres et de faire respecter les règles concernant l’exécution du travail.

Tighe avait aussi commencé à être reconnu bien au delà de Saint-Jean. Quand l’ILA créa l’Atlantic Coast District à Boston, en 1912, Tighe fut choisi pour devenir son premier président ; il agit souvent par la suite à titre de vice-président. En 1913, à Halifax, où John Thomas Joy, le chef des débardeurs, était son principal allié, il aida la section locale 269 à s’affilier à l’ILA. À l’été de 1919, pendant une grève générale des employés de scieries et de quais le long de la rivière Miramichi, au Nouveau-Brunswick, Tighe se précipita sur les lieux et aida John Stephen Martin, commerçant du coin, et Henry Harvey Stuart, réformateur social, à mettre sur pied une section locale de l’ILA et à obtenir une réduction de la durée du travail, ainsi qu’une reconnaissance syndicale. En 1918, Tighe fut temporairement nommé organisateur international ; son poste devint permanent l’année suivante, ce qui souleva une certaine controverse à Saint-Jean, où des membres objectèrent qu’il ne pouvait être à la fois l’agent d’affaires de leur section locale et un représentant de l’organe international. Désormais employé au siège social, Tighe reçut 2 983,60 $ en salaire et en remboursement de frais pour l’année 1920, ce qui lui assura une sécurité financière considérablement plus grande que celle de ses membres. Pendant ce temps, il continua à gravir les échelons de la hiérarchie du syndicat et défendit souvent les intérêts canadiens tout en favorisant une perspective internationaliste ; par exemple, en 1923, il encouragea l’ILA, souvent conservatrice, à entretenir de bonnes relations avec le mouvement ouvrier britannique, plus progressiste. Nommé vice-président pour la première fois au congrès de l’ILA à Port Huron, au Michigan, en 1912, Tighe fut réélu en 1913 et occupa de hautes fonctions au sein de l’association à partir de 1919. Il devint premier vice-président en 1927 et continua à soutenir énergiquement Joseph Patrick Ryan, même si le « roi Ryan » devenait de plus en plus autocratique dans son rôle de président international.

Plus près de chez lui, Tighe avait été l’un des pionniers qui avaient mis sur pied la New Brunswick Federation of Labor (NBFL). Il assista à son assemblée constitutive en 1913 et fut élu vice-président à plusieurs reprises. Le président James Leonard Sugrue* et lui exercèrent de fortes pressions pour que soit remplacé le Workmen’s Compensation for Injuries Act, en vigueur à l’époque ; cette question était particulièrement importante pour les débardeurs de Saint-Jean, car le président de la section locale 273, David Allen Daley, fut tué sur les docks en 1913. La promulgation du Workmen’s Compensation Act, en 1918, basé sur des principes d’assurance et géré par un conseil nommé par l’État, fut une victoire majeure pour la fédération. Tighe succéda à Célime Antoine Melanson, de Moncton, comme président de la NBFL en 1921 ; il occupa ce poste jusqu’en 1929, puis de 1934 à 1936. Sous la présidence de Tighe, la fédération demanda instamment un programme d’enseignement professionnel, des manuels scolaires gratuits, des allocations maternelles, un salaire minimum et des pensions de vieillesse, et mena une longue bataille pour défendre le Workmen’s Compensation Act, surtout contre les entrepreneurs forestiers, qui voulaient que leur industrie soit exclue du régime du gouvernement.

Hostile aux grèves générales et autres formes de radicalisme, Tighe avait la réputation, dans les cercles gouvernementaux, d’être un porte-parole responsable pour les causes des travailleurs. À titre de délégué à la Conférence industrielle nationale de 1919, il avait été membre du comité pour étudier la possibilité d’une « assurance gouvernementale contre le chômage, la maladie, l’invalidité et la vieillesse ». Il fut conseiller technique auprès du délégué gouvernemental Walter Alexander Riddell* à la Conférence internationale du travail de 1929, qui se tint à Genève, en Suisse, et qui fut entièrement consacrée à des sujets liés au travail maritime. Partisan du mouvement des droits des Maritimes, dont l’une des principales préoccupations était la diminution de l’utilisation des ports de Saint-Jean et de Halifax, Tighe fut parmi les quelques dirigeants syndicaux à faire partie d’une grande délégation qui se rendit à Ottawa pour présenter, le 25 février 1925, les griefs de la région.

Même si Tighe était lui-même le fils d’un immigrant, il pouvait se montrer hostile vis-à-vis des nouveaux arrivants. En 1928, il fit remarquer que l’embauche de travailleurs aux « noms imprononçables » forçait « nos propres hommes à continuer de quitter la province ». Il avait cependant un point de vue plus progressiste sur d’autres questions. En 1935, à titre de président de la NBFL, il exprima sa consternation quant au fait que des réformes adoptées avec l’appui des travaillistes, dont celles concernant les pensions, les allocations maternelles et le salaire minimum pour les femmes, n’aient pas été mises en application par le gouvernement conservateur de Leonard Percy de Wolfe Tilley* : « Ce que nous avons obtenu après y avoir mis tant d’argent et des années de dur labeur nous a été enlevé en un rien de temps, et le Nouveau-Brunswick est la seule province de ce dominion [à ne pas avoir] de législation sociale. » Même si la NBFL avait parrainé, en 1933, une section provinciale de la Fédération du Commonwealth coopératif, Tighe préférait les libéraux, qui reprirent le pouvoir en 1935 avec à leur tête Albert Allison Dysart*.

La vie de James Edmund Tighe fut écourtée par un accident de la route. Le 7 novembre 1937, le véhicule qu’il conduisait entra en collision avec un tramway. Il mourut le jour suivant au Saint John General Hospital à l’âge de 59 ans. Défenseur énergique des intérêts des travailleurs, Tighe appartenait à une génération de chefs qui donnèrent aux syndicats une forte présence dans les affaires provinciales. Parvenu aux échelons supérieurs d’une organisation syndicale internationale, il se voyait comme un défenseur des intérêts des travailleurs canadiens. La popularité de Tighe était évidente à Saint-Jean : à ses funérailles, le cortège funèbre comptait plus de 1 000 personnes, parmi lesquelles se trouvaient des représentants de tous les syndicats de la ville. L’Evening Times-Globe rendit compte de l’opinion dominante selon laquelle il « avait prodigué à ses semblables de sages conseils et fait respecter avec succès la dignité [des travailleurs] ». Le successeur de Tighe à la présidence de la NBFL, James Alexander Whitebone, lui rendit hommage en le décrivant comme « un personnage unique et très sympathique » et un « champion au grand cœur », qui fut indispensable à l’évolution du mouvement ouvrier provincial durant plusieurs décennies. En 1938, la section locale 273 déboursa plus de 400 $ pour faire ériger en son honneur un grand monument commémoratif au cimetière catholique St Joseph. Sur sa pierre tombale furent gravées l’image d’un cargo moderne et une dédicace adressée à Tighe par ses confrères syndicalistes.

David Frank

APNB, MC 1819, convention proc., 1914–1938 ; RS 141 B7, F 15936, no 3179 ; RS 141 C5, F 19341, no 14320.— Musée du N.-B. (Saint-Jean), International Longshoremen’s Assoc., Local 273 fonds, minutes.— NSA, « Nova Scotia hist. vital statistics », Halifax County, 1924 : www.novascotiagenealogy.com (consulté le 4 févr. 2013).— Evening Times-Globe (Saint-Jean), 8, 12 nov. 1937.— Telegraph-Journal (Saint-Jean), 8 nov. 1937.— R. H. Babcock, « Saint John longshoremen during the rise of Canada’s winter port, 1895–1922 », le Travail (St John’s), 25 (1990) : 15–46.— Patti Breen, Along the shore : Saint John longshoremen, 1849–1999 (Saint-Jean, 1999).— David Frank, « Provincial solidarities : the early years of the New Brunswick Federation of Labour, 1913–1929 », SHC, Rev., nouv. sér., 19 (2008) : 143–169.— International Longshoremen’s Assoc., Atlantic Coast Dist., Annual convention, Proc. (Boston), minutes, 1913–1916, 1918–1920 ; International union convention, « Proc., 1912–39 », dans American labor unions’ constitutions and proceedings : a guide to the microform edition, 1836–1978, B. G. Naas, compil. (Sanford, N.C., 1980).— Prominent people of the Maritime provinces (Montréal, 1922).— Saint John Trades and Labour Council, History of Saint John labour unions (Saint-Jean, 1929).

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David Frank, « TIGHE, JAMES EDMUND », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/tighe_james_edmund_16F.html.

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Auteur de l'article:    David Frank
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2016
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