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STEELE, OWEN WILLIAM, vendeur et officier, né le 28 avril 1887 à St John’s, aîné des dix enfants de Samuel Owen Steele et de Sarah Harris ; décédé célibataire le 8 juillet 1916 près d’Englebelmer, France.
Owen William Steele incarnait l’optimisme du bref âge d’or de Terre-Neuve. Dans les années qui précédèrent la Première Guerre mondiale, la doyenne des colonies britanniques semblait en mesure de devenir une petite nation viable, une sorte d’Islande au sein de l’Empire. Cependant, il n’est aucun pays de l’Empire auquel son effort de guerre coûta plus cher, proportionnellement à sa participation, et aucune unité alliée ne subit plus de pertes que le Newfoundland Regiment à la bataille de la Somme. En outre, à cause du conflit, Terre-Neuve contracta d’énormes dettes qu’elle traîna durant la Dépression et qui la menèrent à la faillite. La mort de Steele symbolise donc non seulement la perte d’une génération de futurs leaders, mais la fin d’un rêve national. Ses journaux personnels et ses lettres du front illustrent de manière poignante l’ardeur et la solidarité qui caractérisaient son unité de combat.
Les antécédents de Steele témoignaient de l’expansion du commerce terre-neuvien. Son père avait immigré à St John’s au début des années 1880, avait épousé Sarah Harris, la nièce d’un quincaillier de l’endroit, et avait fait rapidement, d’une partie de l’entrepose de sa belle-famille, le plus grand magasin de verre et de porcelaine de Terre-Neuve. Owen William grandit « au-dessus du magasin » et, au sortir du Bishop Feild College, il entra dans l’entreprise familiale. Un séjour passé à Vancouver à acquérir de l’expérience comme vendeur chez Henry Birks and Sons suggère qu’on le destinait à une haute fonction.
En août 1914, Steele fut l’un des premiers à s’enrôler dans le contingent terre-neuvien, surnommé « Blue Puttees » à cause de la couleur des bandes molletières. S’étant vite révélé un soldat zélé et efficace, il fut promu sergent-major le 6 octobre. Régulièrement, ses observations sont imprégnées de patriotisme : « Nous tenons tous ici à ce qu’on ne nous confonde pas avec les Canadiens, écrivit-il en décembre de Salisbury Plain, en Angleterre. Nous sommes bien plus fiers de notre identité de Terre-Neuviens. » Le 23 avril 1915, il obtint une commission de lieutenant en second.
Steele et son régiment eurent leur baptême du feu à l’automne quand on les envoya en renfort dans les Dardanelles auprès de la malheureuse 29e division britannique. En janvier 1916, au moment de l’évacuation des derniers soldats, on confia à Steele le commandement d’une section d’arrière-garde, ce qui témoigne de son sang-froid et de sa fermeté. Au printemps, la 29e division fut envoyée en France. « Pas besoin de vous inquiéter le moins du monde à notre sujet puisque nous allons bientôt mettre fin à cette sale guerre », écrivit-il à sa famille le 26 mars, après l’arrivée du Newfoundland Regiment. Tout au long des mois de mai et juin 1916, il indiqua qu’il y avait des « équipes de travail jour et nuit » : les Terre-Neuviens creusaient des tranchées près du hameau de Beaumont-Hamel (Beaumont). Ils baptisèrent St John’s Road la tranchée qui allait leur servir de point de départ. Le 20 juin, Steele signala : « étrange propension à méditer sur tout et nous sommes tous étrangement songeurs à propos de la « Grande Offensive ». Dix jours plus tard, il écrivait : « Il est surprenant de voir combien tous sont joyeux et ont le cœur léger ; pourtant le dernier jour est sans doute venu pour beaucoup [d’entre nous]. » Il ajoutait : « Je crois que nos épreuves atteindront leur paroxysme dans les prochains jours, après quoi le jour de la paix sera bien proche. »
Ce fut la dernière lettre de Steele. Le 1er juillet 1916, jour inaugural de la bataille de la Somme, 778 membres du Newfoundland Regiment quittèrent leur tranchée ; le lendemain matin, 68 répondirent à l’appel. Steele faisait partie d’un petit groupe d’officiers qu’on avait gardés à l’arrière pour qu’ils aident au besoin à reconstruire l’unité. Mais le 7 juillet, tandis qu’il agissait comme officier de cantonnement à Englebelmer, village voisin de Beaumont-Hamel, il fut grièvement blessé par un obus ennemi. Il mourut le lendemain.
Le monument érigé à la mémoire d’Owen William Steele et des autres Terre-Neuviens morts pendant la guerre – un caribou, symbole d’un régiment et d’un peuple, qui surplombe le champ de bataille de Beaumont-Hamel – est le plus évocateur des nombreux monuments élevés sur l’ancien front de l’Ouest. L’épitaphe la plus éloquente à leur sujet a été écrite 75 ans plus tard par David Macfarlane (dont trois grands-oncles terre-neuviens ont été tués à la guerre) dans son livre The danger tree : « Le siècle qui s’est poursuivi après leur mort n’a pas été tel qu’il aurait pu être. Il n’a guère été qu’un expédient, du raccommodage autour de leur constante et désastreuse absence.»
Des extraits dactylographiés des journaux personnels et des lettres de Owen William Steele, 1914–1916, sont conservés dans un album-souvenir relié en cuir qu’on trouve dans les archives du Centre for Newfoundland Studies, Memorial Univ. of Nfld (St John’s), mf-147 ; il s’agit d’une des quelques copies transcrites et éditées par une sœur du sujet peu après la Première Guerre mondiale et distribuées aux membres de la famille. Les papiers originaux n’existent plus.
Sandra Gwyn, Tapestry of war : a private view of Canadians in the Great War (Toronto, 1992).— David Macfarlane, The Danger Tree : memory, war, and the search for a family’s past (Toronto, 1991).— G. W. L. Nicholson, The fighting Newfoundlander : a history of the Royal Newfoundland Regiment (St John’s, [1964]).
Sandra Gwyn, « STEELE, OWEN WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/steele_owen_william_14F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/steele_owen_william_14F.html |
Auteur de l'article: | Sandra Gwyn |
Titre de l'article: | STEELE, OWEN WILLIAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |