Titre original :  Mrs. Kerby

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SPENCER, EMILY (Kerby), enseignante, auteure, féministe et militante sociale, née le 26 mars 1860 à Toronto, quatrième fille de James Spencer*, ministre méthodiste, et de Sarah Lafferty ; le 11 octobre 1888, elle épousa à Paris, Ontario, George William Kerby (décédé en 1944), et ils eurent une fille et un fils ; décédée le 3 octobre 1938 à Calgary.

Les familles Spencer et Lafferty étaient toutes deux d’ascendance loyaliste. Après plusieurs mandats controversés à la rédaction en chef du Christian Guardian à Toronto, James Spencer exerça son ministère à Brampton et à Paris. Il mourut en 1863. Élevée à Paris par sa mère, Emily Spencer obtint son diplôme de la Normal School de Toronto au début des années 1880, puis enseigna dans une école publique à Paris. Elle fit probablement la connaissance de George William Kerby dans cette localité, où il séjourna, en 1886, à titre d’étudiant prédicateur suppléant. Ils se marièrent deux ans plus tard, après l’ordination de George William et son affectation à l’église méthodiste Dundas Street à Woodstock. Emily servit avec lui là où il exerça ensuite son sacerdoce, soit à Hamilton, à St Catharines, à Brantford et à Montréal. Le couple fut séparé quelque temps, en 1901–1902, lorsque George William partit faire une tournée d’évangélisation au Canada et aux États-Unis, tandis que sa femme resta à la maison pour prendre soin de leurs enfants, Helen Jalvera et Harold Spencer. Pour Emily, le foyer serait toujours « la pierre d’assise du royaume de Dieu ».

Quand George William rejoignit sa famille, qui s’était installée à Toronto, il reçut des offres d’églises bien établies dans l’est du Canada et fut sollicité par l’église méthodiste Central à Calgary. Emily, dirait-il, influença sa décision d’accepter la charge dans l’Ouest, malgré les conseils de collègues ministres et d’amis qui craignaient qu’il ne sombre dans l’oubli dans cette région reculée. Les Kerby arrivèrent à Calgary en juillet 1903. Bien vite, on s’aperçut que Mme Kerby ne correspondait pas à l’image stéréotypée de l’épouse de pasteur. Douée et s’exprimant bien, elle fut responsable de classe – position exceptionnelle pour une femme à l’époque – et, par la suite, elle se mit à critiquer vivement et ouvertement les autorités de l’Église. De 1914 à 1928, elle publia des lettres et des articles où elle dénonçait la lenteur à accepter l’ordination des femmes. Elle espérait particulièrement que cette réforme serait acceptée dans sa nouvelle confession, l’Église unie du Canada, issue de l’union, en 1925, des méthodistes, des congrégationalistes et des presbytériens [V. Samuel Dwight Chown]. Jusque dans les années 1930, elle écrirait sous divers pseudonymes : Constance Lynd, Elizabeth Barclay, Elizabeth Jones, Nell Adaire, Nell Netherby, Western Correspondent, Western Woman et Zeta. Sa production connue se compose de 45 articles, lettres, commentaires sociaux et manuscrits. Elle publia notamment dans le Woman’s Century, le New Outlook, le Christian Guardian (trois périodiques torontois) et le Calgary Herald.

Par ailleurs, le 29 octobre 1907, Emily Kerby avait convoqué l’assemblée de fondation de la toute première Young Women’s Christian Association de Calgary, qui ouvrit ses portes en novembre dans une propriété louée. Nommée présidente honoraire la même année, elle prit part à plusieurs des campagnes fructueuses de l’organisme afin de recueillir des fonds pour un nouvel immeuble. Elle fut directrice de la rédaction du Calgary Herald pendant la journée du 31 juillet 1909, où le produit des ventes alla à la Young Women’s Christian Association. Dès 1914, l’association offrait de l’assistance aux voyageuses, de l’hébergement, de l’aide à l’emploi et d’autres programmes de service social.

En 1911, George William Kerby avait quitté l’église méthodiste Central pour devenir le premier directeur du Mount Royal College de Calgary, établissement privé mixte financé par deux instances méthodistes, la Conférence de l’Alberta et le conseil général. Dans un hommage rendu postérieurement à Emily Kerby, qui continua d’animer une classe d’études bibliques pour hommes à l’église Central, on dit qu’elle et son mari dirigèrent conjointement le collège dans ses premières années. Mme Kerby fut également, semble-t-il, intendante de l’établissement et, pendant quelques années, elle enseigna dans les petites classes. En 1912, elle fonda le Mount Royal Educational Club, dans le but de réunir des femmes pour les encourager à développer leurs compétences et leur confiance en elles.

Le 26 octobre 1912, Mme Kerby participa à une réunion en vue de remettre sur pied le Local Council of Women de Calgary, qui avait été dissous dans les années 1890. Dès lors, elle fit du militantisme social principalement au sein de cet organisme. Elle en devint la première vice-présidente, en janvier 1913, et, durant les dix années suivantes, elle en dirigea le comité d’immigration, où elle se fit l’écho des désirs d’assimilation de l’époque et des craintes entretenues par les anglophones protestants à l’égard des étrangers. Au moyen de l’association, à titre de chef ou de simple participante, elle s’investit dans des campagnes pour des causes diverses : la hausse de l’âge du consentement au mariage, l’instruction des femmes, des réformes du travail, des pensions pour les mères, la protection des enfants, la régulation des naissances, l’éducation sexuelle et une loi provinciale sur la stérilisation des « débiles mentaux ». En tant que responsable du comité du suffrage du Local Council of Women, elle fut très active dans la lutte pour le droit de vote des femmes. Elle était l’une des trois déléguées qui, le 10 octobre 1914, présentèrent une pétition provinciale en faveur de cette cause au gouvernement d’Arthur Lewis Watkins Sifton*. Les Albertaines obtinrent finalement le droit de vote en avril 1916. Élue présidente du Local Council of Women de Calgary la même année, Emily Kerby soutint Helen Letitia McClung [Mooney*] dans le combat des femmes pour le droit de voter aux élections fédérales, qui fut accordé à la plupart des femmes en 1918.

Pendant la Première Guerre mondiale, Mme Kerby avait aussi consacré ses énergies à l’effort de guerre. Elle travailla à l’administration centrale de la Croix-Rouge à Calgary. La situation des étrangers au Canada était l’un des angles sous lesquels elle voyait la guerre et, à la suite de l’enrôlement et de la perte de bon nombre de domestiques, elle s’intéressa au rôle des servantes et à l’enseignement ménager. La Housekeepers’ Association of Calgary fut fondée et, en 1918, cet organisme se réunissait chaque semaine à la Young Women’s Christian Association. Tout aussi dévoué à l’effort de guerre, George William Kerby fut officier principal de recrutement du district militaire no 13 et représentant du district en vertu de la Loi concernant le service militaire. Le fils des Kerby était entré dans le Royal Naval Air Service en 1915 et ferait une carrière remarquable dans la Royal Air Force.

Emily Kerby s’occupa à nouveau du statut juridique des femmes en 1921, quand elle était vice-présidente du National Council of Women of Canada. En juin, le Local Council of Women de Calgary accueillit le vingt-huitième congrès de l’organisme. Un des principaux points à l’ordre du jour était l’inadmissibilité des femmes au Sénat, question résolue en 1929 par la décision rendue dans l’affaire « personne » [V. Emily Gowan Ferguson]. Mme Kerby, qui milita au Local Council of Women de Calgary jusque dans les dernières années de sa vie, appartenait à d’autres cercles philanthropiques, notamment le Women’s Canadian Club, l’Union chrétienne de tempérance des femmes, la Woman’s Missionary Society, la Croix-Rouge, la Women’s Civic Organization et le Women’s Research Club. Outre des articles sur les affaires ecclésiastiques, elle continua de publier des commentaires féministes et sociaux, souvent sous la forme de nouvelles. Avec son mari et d’autres personnes, elle aida en 1921 à fonder la branche de Calgary de la Canadian Authors Association. Avec l’âge, elle ne devint ni moins convaincue ni moins directe. En 1935, elle expliqua ce qu’il adviendrait si les hommes continuaient de renvoyer les femmes à la cuisine : « Un beau matin, vous […] vous demanderez ce qui s’est passé. Simplement, nos femmes instruites et efficaces du vingtième siècle seront en train de montrer qu’elles savent aller de l’avant. Appelez cela la révolution des femmes si vous voulez. Elle se fera sans effusion de sang, mais elle frappera durement votre argent et votre or. »

Le 3 octobre 1938, à l’âge de 78 ans, Emily Kerby succomba à une crise cardiaque ; son mari était à son chevet. Plus d’un millier de personnes, dont des dignitaires de l’Église unie et l’évêque anglican de Calgary, se rassemblèrent à ses funérailles pour lui rendre hommage. Dans sa nécrologie, le Calgary Herald reconnut l’influence profonde et durable qu’elle avait exercée non seulement sur son Église, mais aussi sur la structure sociale canadienne.

Anne White

A new day for women : life & writings of Emily Spencer Kerby, Anne White, édit. (Calgary, 2004).— Michael Owen, « “Do women really count ?” : Emily Spencer Kerby – early twentieth century Alberta feminist », Canadian Methodist Hist. Soc., Papers ([Toronto]), 10 ([1993–1994]) : 170–187.— Anne White, « Emily Spencer Kerby : pioneer clubwoman, educator, and activist », Alberta Hist. (Calgary), 46 (1998), no 3 : 2–9.

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Anne White, « SPENCER, EMILY (Kerby) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/spencer_emily_16F.html.

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Auteur de l'article:    Anne White
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2014
Année de la révision:    2014
Date de consultation:    21 nov. 2024