SINCLAIR, PATRICK, officier et administrateur colonial, né en 1736 à Lybster, Écosse, fils d’Alexander Sinclair et d’Aemilia Sinclair ; vers 1785, il épousa Catherine M. S. Stewart, d’Inverness, Écosse, et ils eurent au moins quatre fils ; décédé le 31 janvier 1820 à Lybster.

Comme beaucoup d’autres Écossais, Patrick Sinclair chercha l’aventure et le succès dans l’adnée britannique. Il s’engagea vers 1754 et, le 21 juillet 1758, il accéda au grade d’enseigne dans le 2e bataillon du 42e d’infanterie. À la fin de cette année-là, son bataillon prit part à l’attaque de la Guadeloupe, qui se solda par une victoire, puis se rendit en juillet 1760 à Oswego, dans la colonie de New York, point de ralliement des troupes que le major général Amherst* avait réunies pour marcher sur Montréal à partir de l’ouest. Pendant qu’il était à Oswego, Sinclair fut promu lieutenant, le 27 juillet 1760. Au cours de la descente du Saint-Laurent, un brick français fut capturé près du fort Lévis (à l’est de Prescott, Ontario) ; il fut rebaptisé Williamson, et Sinclair en reçut le commandement. Après la chute du for :, Sinclair fut muté sur le senau Mohawk, et il demeura dans les environs durant le reste de la campagne d’Amherst.

Ces affectations devaient marquer le début d’une nouvelle carrière pour le jeune Écossais ambitieux. En novembre, il abandonna son commandement pour rejoindre son régiment, mais les Grands Lacs l’avaient fasciné et, le 24 octobre 1761, il échangea son brevet d’officier dans le 42e d’infanterie contre une affectation dans le 15e, afin de pouvoir rallier les forces navales sur les lacs. À la suite de cela, il commanda des bateaux sur le lac Ontario pendant à peu près un an, mais lors du soulèvement des Indiens en 1763 [V. Pondiac*], il fut muté sur les lacs Supérieur, Michigan et Huron. En 1764, il fut le second, après René-Robert Cavelier* de La Salle, en 1679, à remonter à la voile jusqu’au lac Huron par la rivière Huron (rivière St Clair). Après avoir quitté Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan) et être revenu à Detroit à l’automne, Sinclair reçut du colonel John Bradstreet* l’ordre de construire une petite fortification sur la rivière Huron, et il fut autorisé à l’appeler fort Sinclair (Port Huron, Michigan). Durant les trois années qui suivirent, il navigua sur les lacs Érié, St Clair, Huron et Michigan, et se rendit jusqu’au lac Supérieur. En 1767, les forces navales furent réduites et, le 23 septembre, lorsque Sinclair remit le commandement de s on vaisseau, les marchands de Detroit lui offrirent un bol à punch en argent comme « témoignage public de leur reconnaissance ». Il s’installa alors au fort Sinclair, défrichant une petite terre dont il s’assura la propriété par un acte de donation de la part des chefs sauteux de la région.

Sinclair retourna en Angleterre en 1769 ; il y fit du recrutement au cours des deux années qui suivirent et demanda à être réaffecté dans les forces navales des Grands Lacs. Promu capitaine le 13 avril 1772, il fut toutefois mis à la demi-solde et se retira dans la propriété familiale de Lybster. Ses efforts pour revenir en Amérique du Nord furent couronnés de succès le 7 avril 1775, lorsqu’il fut nommé lieutenant-gouverneur et surintendant de Michillimakinac, dans la province de Québec, qui venait juste d’être agrandie. Il embarqua presque immédiatement, mais ses deux tentatives pour rejoindre son poste en passant par les Treize Colonies échouèrent à cause des troubles révolutionnaires qui les secouaient. Pour finir, il arriva à Halifax en 1778, mais il lui fallut encore un an avant de pouvoir se rendre par voie de terre à Québec, où il remit ses lettres de créance au gouverneur Haldimand. C’est seulement le 4 octobre 1779, soit quatre ans après avoir reçu son affectation, qu’il arriva enfin à Michillimakinac.

Connaissant bien les lieux depuis l’époque où il avait navigué dans cette région, Sinclair avait beaucoup pensé à la position vulnérable qu’occupait ce fort à palissade situé presque en bordure de l’eau, sur une plage de sable. Il savait aussi, par expérience, que les navires à voiles devaient jeter l’ancre à plusieurs centaines de verges du rivage, où il n’y avait pas assez de fond. Se mettant à la recherche d’un meilleur emplacement, il traversa les hauteurs rocheuses de l’île Mackinac, où il découvrit le havre qui convenait, ainsi qu’un cap escarpé pouvant être fortifié. Il décida presque aussitôt qu’il fallait déplacer le fort et la ville. Avant même d’avoir obtenu la permission, il défricha les lieux et fit déménager quelques bâtiments en les traînant sur la glace. Durant les années 1780 et 1781, une grande partie de son énergie fut consacrée à la tâche formidable que représentait le déménagement du fort et du village, qui comptait à ce moment-là près d’une centaine de maisons. Le 12 mai 1781, il fit officiellement l’acquisition de l’île des Indiens sauteux de la région, pour la somme de £5 000 (cours de New York).

Militaire de carrière, Sinclair avait été déçu d’apprendre que ses fonctions de lieutenant-gouverneur se limiteraient aux affaires civiles et indiennes. Même s’il allait être responsable d’une vaste région, il n’aurait pas autorité sur les soldats du poste. Le commandant de la garnison, le major Arent Schuyler DePeyster*, se montra heureux de la nomination de Sinclair, qui était aimé à la fois des trafiquants de fourrures et des Indiens. Peu après l’arrivée du lieutenant-gouverneur, DePeyster partit prendre le commandement à Detroit. La garnison fut laissée sous l’autorité nominale du lieutenant George Clowes, mais, dans les faits, c’était Sinclair qui commandait. Ce dernier, désireux de s’assurer le commandement de la garnison, acheta un grade de capitaine le 1er avril 1780. Ne supportant pas que l’on remette en question le moindre aspect de son autorité, Sinclair eut de sérieux heurts avec plusieurs personnes, parmi lesquelles John Askin et Joseph-Louis Ainsse. Quant à Haldimand, il appuyait Sinclair, mais était découragé par son caractère querelleur.

Peu de temps après son arrivée à Michillimakinac, Sinclair avait reçu une lettre circulaire du secrétaire d’État aux Colonies américaines, ordonnant d’attaquer les possessions espagnoles. L’énergique Écossais organisa immédiatement une expédition sur Saint-Louis (St Louis, Missouri). Au printemps de 1780, quelques trafiquants de fourrures, dont Joseph Calvé et Jean-Marie Ducharme, ainsi que près d’un millier de combattants indiens menés par Madjeckewiss et Wahpasha s’avancèrent à travers ce qui est aujourd’hui le Wisconsin. Une autre vague d’Indiens, menée par Charles-Michel Mouet* de Langlade, déferla à travers le pays des Illinois. Saint-Louis et Cahokia (Illinois) résistèrent cependant à l’assaut. Sinclair blâma les Canadiens, en particulier Calvé et Ducharme, ainsi que les Sauks et les Renards, de cet échec.

Une grande partie des fonds officiels alloués à Sinclair servait à assurer la loyauté des Indiens des lacs Supérieur, Michigan et Huron à la couronne britannique, et ses dépenses étaient si élevées qu’en janvier 1782 le trésorier militaire de Québec refusa d’honorer les lettres de change qu’il avait signées. Bien que Sinclair eût reçu le grade de major le 12 juin, une commission d’enquête, composée du colonel Henry Hope* et de deux hauts fonctionnaires du département des Affaires indiennes, sir John Johnson* et James Stanley Goddard, vint à Michillimakinac pour examiner ses dépenses. La commission arriva le 15 septembre, et trois jours plus tard Sinclair partit pour Québec afin d’y régler ses affaires. Il vécut pendant deux ans à l’île d’Orléans, essayant en vain de démêler ses difficultés financières. Mis à la demi-solde lorsque son régiment, le 84e d’infanterie (Royal Highland Emigrants), fut réformé, Sinclair finit par obtenir la permission de retourner à Lybster. Comme ses lettres de change n’avaient pas encore été honorées, il se rendit à Londres pour y rencontrer Haldimand. À son arrivée, à la fin de février 1785, ses créanciers le firent incarcérer pour dettes à la prison de Newgate. Après avoir trouvé les fonds nécessaires pour acheter sa mise en liberté, Sinclair poursuivit Haldimand pour une somme de £50 000. L’année suivante, le gouvernement paya les lettres litigieuses, mais Sinclair avait perdu beaucoup d’argent en frais de justice exagérés, et, en 1788, il vendit sa propriété sur la rivière Huron.

Patrick Sinclair passa les dernières années de sa vie à Lybster, se livrant à des expériences de plantation de blé et s’occupant d’augmenter la flottille de pêche de ses locataires. Il fit faillite en 1804 et fut emprisonné pour dettes pendant quelque temps. Il mourut pratiquement sans le sou, en 1820, et fut enterré dans sa propriété. Bien qu’à la demi-solde, il avait continué à monter en grade : en 1793, il avait été promu lieutenant-colonel ; en 1797, colonel ; en 1803, major général ; et en 1810, lieutenant général. Jusqu’à la fin de sa vie, il continua à toucher le salaire de lieutenant-gouverneur de Michillimakinac, ce qui ne manquait sûrement pas de lui rappeler cette brève période de pouvoir où, pendant trois ans, il avait été l’homme le plus important de toute la région des lacs Supérieur, Michigan et Huron.

David A. Armour

Clements Library, Thomas Gage papers, American ser., 25, Campbell à Gage, 3 oct. 1764 ; 26, Campbell à Gage, 10 nov. 1764 ; 28, Campbell à Bradstreet dans Bradstreet à Gage, 7 déc. 1764 ; 40, Rapport du lieutenant Sinclair sur les lacs Michigan et Huron dans Campbell à Gage, 2 août 1765 ; 74, Inventaire du schooner Gladwin dans Sinclair à Gage, 20 févr. 1768 ; 79, Turnbull à Gage, 11 juill. 1768.— Thomas Mante, The history of the late war in North-America and the islands of the West Indies, including the campaigns of MDCCLXIII and MDCCLXIV against his majesty’s Indian enemies (Londres, 1772), 516.— Mich. Pioneer Coll., 6 (1883) : 405 ; 8 (1885) : 472–475 ; 9 (1886) : 364s., 394, 398, 516–632, 655–657 ; 10 (1886) : 355, 357, 378, 382–390, 397–401, 405–408, 413, 415–417, 421–423, 430, 434–443, 452s., 457–461, 467–471, 477–481, 486–490, 495, 498–500, 502–505, 514s., 519–522, 529, 534, 548s., 552–565, 572s., 579–581, 585, 592–600, 645, 661, 672 ; 13 (1888) : 56–63, 71s. ; 19 (1891) : 499–501, 529s., 631–634, 638–640, 671 ; 20 (1892) : 8, 15, 31, 36, 47, 51–54, 56, 65s., 210–212, 276 ; 24 (1894) : 3s. ; 25 (1894) :140, 161.— D. A. Armour et K. R. Widder, At the crossroads : Michilimackinac during the American revolution (Mackinac Island, Mich., 1978).— B. L. Dunnigan, King’s men at Mackinac : the British garrisons, 1780–1796 (Lansing, Mich., 1973).— H. B. Eaton, Patrick Sinclair, builder of Mackinac and founder of Lybster : an account of pis life and times (s.l., 1979).— W. L. Jenks, Patrick Sinclair (Lansing, 1914).— H. B. Eaton, « Lieutenant-General Patrick Sinclair, an account of his military career », Soc. for Army Hist. Research, Journal (Londres), 56 (1978) : 128–142, 215–232 ; 57 (1979) : 45–55.

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David A. Armour, « SINCLAIR, PATRICK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/sinclair_patrick_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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