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RYE, MARIA SUSAN, réformatrice sociale, née le 31 mars 1829 à Londres, fille d’Edward Rye, solicitor, et de Maria Tuppen ; décédée célibataire le 12 novembre 1903 à Hemel Hempstead, Angleterre.
Maria Susan Rye fut une figure importante du mouvement d’émancipation de la femme en Angleterre au milieu du
Plus conservatrice que ses consœurs de la Society for Promoting the Employment of Women, avec qui elle romprait lorsqu’elles prôneraient le suffrage féminin, Maria Susan Rye en vint à se préoccuper des conséquences sociales et morales de la tendance, chez les femmes, à assumer un rôle plus important à l’extérieur du foyer. À l’époque, on voyait un lien de causalité entre la piètre situation des demoiselles britanniques de bonne famille et l’émigration masculine, qui, supérieure à l’émigration féminine, déséquilibrait l’offre et la demande en matière de mariages. À ce propos, Maria Susan Rye soutenait qu’il était plus avantageux, tant pour la Grande-Bretagne que pour les colonies, que les émigrants d’un certain rang ne soient pas obligés d’épouser une femme de condition inférieure. De 1861 à 1867, sous les auspices de la Female Middle-Class Emigration Society, dont elle était secrétaire honoraire, elle accompagna des groupes de femmes dans les colonies australiennes et en Nouvelle-Zélande.
En 1868, comme les frais de voyage augmentaient et que ses démarches avaient mauvaise presse en Australie, Maria Susan Rye envisagea des destinations plus proches de la Grande-Bretagne et opta pour le Canada. Plus tard la même année, elle remonta le Saint-Laurent avec 200 femmes, mais des journalistes et des fonctionnaires trouvèrent à redire contre ce groupe d’immigrantes, et critiquèrent la façon dont elles étaient dirigées et placées. C’est pourquoi, à compter de 1869, Mlle Rye se consacra aux orphelins et aux enfants pauvres, œuvre pour laquelle elle est le plus connue au Canada. De 1869 à 1896, son agence envoya au pays 3 623 filles, dont une forte proportion étaient des pupilles des groupes anglais d’assistance publique qui parrainaient leur émigration, et les plaça à partir d’un centre d’accueil situé à Niagara (Niagara-on-the-Lake, Ontario). Mlle Rye s’occupait des finances du centre, qui se trouvait dans un palais de justice et une prison réaménagés. Apparemment, elle vint au Canada presque tous les ans, même dans sa vieillesse.
Contrairement à Annie Macpherson, qui commença elle aussi à amener des enfants au Canada en 1869, de même qu’à la plupart des agences et des particuliers britanniques qui, pendant les 50 années suivantes, y envoyèrent en tout quelque 80 000 filles et garçons, Maria Susan Rye n’était affiliée à aucun groupe évangélique. Anglicane fervente mais traditionaliste, elle n’était pas du genre à s’enflammer comme les partisans de la Basse Église. Ce qui l’intéressait avant tout, c’était l’organisation sociale. Dans ses écrits pour la National Association for the Promotion of Social Science et dans ses nombreuses lettres au Times de Londres, elle ne faisait jamais de sentiments à propos de ses jeunes protégées et manifestait un penchant pour les solutions les plus pratiques. C’est pourquoi le principal agent canadien de l’émigration en Grande-Bretagne, William Dixon*, la qualifia en novembre 1868 d’« agent de voyages de l’espèce la plus rude ». L’année suivante, dans une caricature célèbre, George Cruikshank, l’illustrateur de Dickens, la montra en train de pelleter des enfants aux proportions lilliputiennes dans une immense charrette d’éboueur, « comme [s’il s’agissait] de fiente ».
Des 1 100 filles que Maria Susan Rye envoya au Canada avant 1875, toutes sauf 200 étaient des pauvres à la charge de l’État britannique. Aussi espérait-elle que le Local Government Board prendrait la suite du programme. Cette possibilité s’évanouit quand, en 1875, Andrew Doyle, l’inspecteur envoyé au Canada par le Local Government Board pour enquêter sur la situation des enfants qui, avant d’émigrer, vivaient dans des asiles pour les pauvres, conclut que ses méthodes de placement étaient désordonnées et négligentes. Pourtant, durant 20 ans encore, sauf pendant les quelques brèves périodes où l’English Board of Guardians s’inquiéta trop de ce qu’elle faisait, elle fit venir régulièrement des groupes de filles au Canada. C’est qu’elle pouvait compter sur l’accueil de la population et sur les interventions d’alliés britanniques bien placés, dont lord Shaftesbury ainsi que le marquis de Lorne [Campbell*] et sa femme, la princesse Louise*. À partir de 1871, elle toucha une pension de 70 £, prélevée sur la liste civile.
En 1895, soit au moment où l’Ontario commençait à envisager de réglementer l’immigration juvénile [V. John Joseph Kelso*], Maria Susan Rye transféra ses centres d’accueil de Peckham (Londres) et de Niagara à la Church of England Waifs and Strays Society et se retira avec sa sœur à Hemel Hempstead. Elle mourut d’un cancer de l’intestin en 1903 dans leur maison, Baconsthorpe.
On trouve de la documentation sur la carrière de Maria Susan Rye dans notre étude intitulée Labouring children : British immigrant apprentices to Canada, 1869–1924 (Londres et Montréal, 1980). [j. p.]
Deux brochures publiées au Canada à la défense du travail effectué par Maria Susan Rye en matière d’immigration sont disponibles sur microfiche à l’ICMH et figurent dans le Répertoire : Charges made against Miss Rye before the Poor Law Board at Islington, and her reply thereto (s.l., [1874]) et Further letters furnished to the Department of Agriculture by Miss Rye, in rebuttal of Mr. Doyle’s report ([Niagara (Niagara-on-the-Lake), Ontario ?, 1875 ?]).
Les accusations d’Andrew Doyle, et les réponses de Maria Susan Rye ont paru sous forme de brochure et dans G.-B., Parl., House of Commons papers, 1875, 63, n° 9 : 255–298, Copy « of a report to the right honourable the president of the Local Government Board, by Andrew Doyle, esquire, local government inspector, as to the emigration of pauper children to Canada », particulièrement 277, 284, 286 ; et 1877, 71, n° 392 : 19–36, Copy « of letter addressed by Miss Rye to the president of the Local Government Board [...] ». Doyle a réfuté les arguments de Maria Susan Rye dans les House of Commons papers, 1877, 71, n° 263 : 1–18, Copy « of the reply of Mr. Doyle to Miss Rye’s report [...] ». On retrouve ces trois rapports répertoriés dans Canadiana, 1867–1900.
AN, RG 17, A I, 25, n° 2252.— Times (Londres), 22 avril 1875.— DNB.— DNZB.— Lee Holcombe, Victorian ladies at work : middle-class working women in England and Wales, 1850–1914 (Newton Abbot, Angleterre, 1973).— Andrew Jones et Leonard Rutman, In the children’s aid : J. J. Kelso and child welfare in Ontario (Toronto, 1981).— Ivy Pinchbeck et Margaret Hewitt, Children in English society (2 vol., Londres, [1969–1973]).— Gillian Wagner, Children of the empire (Londres, 1982).
Joy Parr, « RYE, MARIA SUSAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/rye_maria_susan_13F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/rye_maria_susan_13F.html |
Auteur de l'article: | Joy Parr |
Titre de l'article: | RYE, MARIA SUSAN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |