Titre original :  Maitresse-ecole-Marie-Rose, Les-Oeuvres-Oblates-de-lâ-Ontario-Deschatelets-Archive. 

Source: Les-Oeuvres-Oblates-de-lâ-Ontario-Deschatelets-Archive, used on the web page

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PIWAPISKUS, MARIE-ROSE (Opikokew), catéchiste et enseignante crie des Plaines, née vers 1840 dans ce qui deviendrait le centre de la Saskatchewan, fille de Piwapiskus (Piwabiskus, Wyabaskwek, Petit-Fer, Iron) et de Sophie Missinagonessau ; vers 1860, elle épousa à Île-à-la-Crosse (Saskatchewan) Louis (Jean-Louis) Opikokew (décédé vers 1870), et ils eurent deux fils, Jean-Baptiste et Francis (François), nés respectivement vers 1863 et 1865 ; pendant son veuvage, elle adopta une fille, Marie-Céleste (née vers 1890) ; décédée le 5 juin 1931 à Île-à-la-Crosse.

La famille de Marie-Rose Piwapiskus était connue sous diverses formes du nom cri Piwapiskus, sous sa traduction en français Petit-Fer et Iron en anglais. Après avoir appris que les prêtres catholiques Louis-François Laflèche* et Alexandre-Antonin Taché* avaient installé une mission permanente à Île-à-la-Crosse en 1846, elle quitta les plaines pour la forêt boréale de ce qui deviendrait le nord-ouest de la Saskatchewan. L’agent principal Roderick McKenzie* administrait alors cet important poste de traite central de la Hudson’s Bay Company. Le père Jean-Baptiste Thibault* l’avait précédemment desservi et avait recommandé l’établissement de missions dans la région. Selon l’arbre généalogique que l’Église catholique tenait de l’endroit, Sophie Missinagonessau s’était mariée deux fois et trois enfants survécurent de chaque union : Raphaël, Catherine, Marie-Rose, William, Baptiste (Jean-Baptiste) et Judith (aussi appelée Esther et Isabelle). Le prêtre qui inscrivit leurs noms n’identifia cependant pas le père de chacun. Il semble toutefois que la communauté locale considérait Piwapiskus comme le père des six enfants, même s’il n’était peut-être pas le père biologique de tous.

Les Piwapiskus ne se rendirent pas seuls à Île-à-la-Crosse. Ils firent le voyage en compagnie d’une autre famille : celle des Opikokew, menée par Bernard Opikokew, gardien cri du savoir et conteur respecté, et sa femme Marie Itchamipek. Une série d’alliances entre la progéniture des Piwapiskus et des Opikokew viendrait solidifier les liens étroits qui rattachaient les deux familles, dont témoigna leur déménagement commun. En plus de Marie-Rose, un fils et une autre fille de Sophie Missinagonessau Piwapiskus s’uniraient à des enfants de Bernard et Marie Opikokew : Raphaël à Euphémie et Judith à Joseph. Les deux familles partirent d’Île-à-la-Crosse pour atteindre la rive du lac Canoe, à environ 28 milles au sud-ouest de la nouvelle mission, où ils chassaient, trappaient et pêchaient pour subsister (et où Raphaël Piwapiskus deviendrait un chef notoire). À la fin des années 1840 et dans les années 1850, chaque printemps et chaque automne, elles allaient à Île-à-la-Crosse avec d’autres familles cries et des Dénés de la région pour échanger des fourrures contre des produits manufacturés, et pour recevoir une instruction religieuse et des services spirituels et liturgiques. Durant ces voyages, Marie-Rose Piwapiskus fut peu à peu catéchisée et finalement baptisée par le père Taché. Vers 1860, elle se rendit à la mission pour épouser Louis Opikokew.

Louis mourut moins de dix ans plus tard, laissant Marie-Rose seule à s’occuper de leurs petits garçons. Sa famille l’encouragea à se remarier, mais la jeune veuve se vit plutôt attirée par une autre possibilité qu’ouvrait la récente création d’une mission satellite au lac Canoe. Fondée en 1869 et consacrée officiellement en 1871, la mission de la Bienheureuse Marguerite-Marie recevait une ou deux fois par année la visite d’un prêtre d’Île-à-la-Crosse, qui, pendant quelques semaines d’affilée, célébrait les messes et administrait les sacrements aux fidèles catholiques. Ces séjours étaient trop courts et trop rares pour fournir une instruction religieuse intensive aux enfants du coin. Dès l’automne de 1873, Marie-Rose Piwapiskus et le père Prosper Légeard, supérieur d’Île-à-la-Crosse, avaient convenu qu’elle dirigerait une école de jour chez elle contre une rémunération annuelle. Selon les conditions établies, elle enseignerait des prières, des hymnes et le catéchisme en cri, tout en restant célibataire et en élevant ses propres enfants.

Les efforts de Marie-Rose Piwapiskus produisirent des résultats impressionnants et lui valurent un concert d’éloges de la part de missionnaires catholiques. Elle donnait surtout des leçons pendant la saison froide, quand les familles cries qui chassaient et trappaient se rassemblaient en grand nombre au lac Canoe, et que les plus jeunes devaient s’instruire auprès d’anciens, d’amis de la famille et d’autres membres de la parenté élargie. Au printemps de 1876 (au bout de trois hivers seulement), Légeard observa que beaucoup d’élèves de Marie-Rose Piwapiskus pouvaient réciter le catéchisme par cœur : « C’est la première fois, je pense, que nous voyons dans nos missions des enfants sauvages parfaitement instruits du catéchisme. Personne même n’aurait songé à entreprendre cette tâche bien difficile ; notre petite maîtresse d’école, avec sa bonne volonté, sa persévérance et aussi le secours du Bon Dieu, en est venue à bout. » Légeard admirait tout autant la catéchiste pour avoir réussi à apprendre à lire et à écrire aux écoliers à l’aide du système syllabique cri mis au point par le missionnaire méthodiste James Evans* et adopté par ses homologues catholiques et anglicans. À la fin des années 1870 et dans les années 1880, plusieurs de ses élèves envoyaient des prières et des vœux manuscrits aux prêtres d’Île-à-la-Crosse.

Marie-Rose Piwapiskus travaillait avec des enfants et, de plus, agissait à titre de conseillère auprès de nombreux adultes. Depuis la fondation de la mission de la Bienheureuse Marguerite-Marie, elle enseignait le cri aux prêtres qui desservaient les environs d’Île-à-la-Crosse, et les aidait à composer et à réviser leurs sermons, leurs hymnes et leurs prières dans cette langue. Elle les recevait dans sa demeure du lac Canoe, et leur fournissait de quoi manger, un toit et des vêtements chauds pendant les séances de travail qui pouvaient durer plusieurs jours. Elle jouait en même temps un rôle actif dans l’évangélisation des femmes cries : on lui attribua notamment la conversion d’une dame âgée du lac Waterhen qui avait refusé toute communication avec les prêtres pendant des années, mais qui demanda finalement le baptême en 1882. Au commencement du xxe siècle, Marie-Rose Piwapiskus était réputée dans tout le nord-ouest de la Saskatchewan pour sa sagesse, sa foi et son dévouement à l’enseignement. On la connaissait plus communément sous des titres de respect que sous ses noms de naissance ou de baptême : « la maîtresse d’école » chez les missionnaires catholiques et Okiskinohamakew (« l’institutrice ») parmi les Cris.

Des problèmes d’audition et de vision, apparus dans les années 1900 et au début des années 1910, forcèrent Marie-Rose Piwapiskus à fermer son école vers 1915. Elle poursuivit toutefois son travail avec des prêtres jusqu’à la fin des années 1920. En outre, elle assistait aux leçons de catéchisme que ceux-ci donnaient aux enfants des environs, afin d’aider les prêtres sur le plan linguistique, et de fournir aux élèves des clarifications et des interprétations sur les doctrines. Elle mourut le 5 juin 1931, à 90 ans passés, à l’hôpital d’Île-à-la-Crosse, et on l’inhuma au cimetière du lac Canoe. Sur sa pierre tombale, on peut lire son titre cri, Okiskinohamakew, ainsi qu’une courte description de sa conversion et de sa vocation. L’Église catholique fit l’éloge de Marie-Rose Piwapiskus en la qualifiant de véritable apôtre et vanta ses contributions à l’évangélisation des Premières Nations et des Métis de l’Ouest canadien. Chez les Cris, son legs peut s’avérer plus compliqué, car il s’inscrit dans un contexte missionnaire et colonialiste. Toutefois, elle réussit sans aucun doute à donner une résonance, un sens et de la valeur au christianisme pour nombre des siens. Par ailleurs, son histoire se révèle instructive : elle témoigne en partie des alliances familiales, de l’entraide et du partage des responsabilités qui caractérisaient la communauté crie.

Timothy P. Foran et Brenda Macdougall

Les documents d’archives sur la première partie de la vie de Marie-Rose Piwapiskus, dont ses actes de baptême et de mariage, ont disparu dans l’incendie qui a détruit la mission d’Île-à-la-Crosse le 1er mars 1867. Notre biographie se base par conséquent sur des sources postérieures à cet événement.

Arch des sœurs grises (Montréal), L018, F, 1, 15 (Annales de l’établissement des sœurs grises à l’Île-à-la-Crosse, 1883–1885, 2 vol.).— Arch. générales O.M.I. (Rome), PF – XVIII/4 (lettres de R. P. Prosper Légeard).— BAC, R233-37-6, Territories, dist. Unorganized territories (206), sous-dist. Athabasca (A), div. 8 : 13–14.— Centre du Patrimoine (Winnipeg), 0092/001 (Codex historicus de l’Île-à-la-Crosse, 1845–1897) ; 0092/002 (Codex historicus de l’Île-à-la-Crosse, 1898–1928) ; 0092/008 (Arbre généalogique (Liber animarum) Île-à-la-Crosse, 1845–1897).— Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, « Église catholique, Mission de Saint-Jean-Baptiste, Île-à-la-Crosse, Saskatchewan », registres paroissiaux, 1867–1912 : www.familysearch.org/search/catalog/48453?availability=Family%20History%20Library (consulté le 13 déc. 2021).— PAA, O.M.I. coll., Acc. 84.400, box 34, items 986–987 (Bishop Vital-Justin Grandin, « Missions et résidences du diocèse de St. Albert », 1882–1883).— L. A. Erickson, « “Bury our sorrows in the Sacred Heart” : gender and the Métis response to colonialism : the case of Sara and Louis Riel, 1848–83 », dans Unsettled pasts : reconceiving the west through women’s history, Sarah Carter et al., édit. (Calgary, 2005), 17–46.— T. P. Foran, Defining Métis : Catholic missionaries and the idea of civilization in northwestern Saskatchewan, 1845–1898 (Winnipeg, 2017).— Germain Lesage, Capitale d’une solitude (Ottawa, 1946).— P[rosper] Légeard, « Extrait d’une lettre au R. P. Martinet », Missions de la Congrégation des missionnaires oblats de Marie Immaculée (Paris), 15 (1877) : 306–328 (cette lettre figure également dans les Annales de la propagation de la foi mentionnées plus bas) ; « Lettre au R. P. Martinet, secrétaire général », Missions de la Congrégation des missionnaires oblats de Marie Immaculée, 12 (1874) : 529–545 ; « Missions d’Amérique », Annales de la propagation de la foi (Lyon, France), 49 (1877) : 440–454 ; « Mission de Saint-Albert », Missions de la Congrégation des missionnaires oblats de Marie Immaculée, 13 (1875) : 486–492.— Louis Moraud, « Histoire d’une maîtresse d’école », Petites Annales des oblats de Marie Immaculée (Paris), février 1921 : 178–182.— Louis Soullier, Vie du révérend père Légeard, missionnaire oblat de Marie Immaculée (Paris, [1886]).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Timothy P. Foran et Brenda Macdougall, « PIWAPISKUS, MARIE-ROSE (Opikokew) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/piwapiskus_marie_rose_16F.html.

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Auteur de l'article:    Timothy P. Foran et Brenda Macdougall
Titre de l'article:    PIWAPISKUS, MARIE-ROSE (Opikokew)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2023
Année de la révision:    2023
Date de consultation:    22 nov. 2024