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Titre original :  85 saisons symphoniques - Orchestre Symphonique de Montréal

Provenance : Lien

PELLETIER, WILFRID (baptisé Joseph-Louis-Wilfrid, aussi connu, surtout aux États-Unis, sous le prénom de Wilfred), pianiste, chef d’orchestre, administrateur et fonctionnaire, né le 20 juin 1896 dans la paroisse Sacré-Cœur-de-Jésus, Montréal, fils d’Elzéar Pelletier et de Zélire Sévigny ; le 21 février 1916, il épousa dans la paroisse Saint-Léon-Premier, Westmount, Québec, Berthe Jeannotte (décédée probablement en 1945), et ils eurent deux fils, puis le 23 novembre 1925, à Winnetka, Illinois, Queena Tillotson, cantatrice connue sous le pseudonyme de Queena Mario (décédée le 28 mai 1951) ; divorcé le 12 août 1936, il épousa le 24 mai 1937, à Elkton, Maryland, Rose Bampton, cantatrice (décédée le 21 août 2007) ; décédé le 9 avril 1982 à New York et inhumé au cimetière de la St David’s Episcopal Church, Wayne, Pennsylvanie.

Wilfrid Pelletier vient au monde trois jours avant les élections fédérales qui portent le Parti libéral au pouvoir. Son père aurait bien aimé le baptiser Wilfrid-Laurier, mais sa mère ne cède que sur le prénom du chef du futur gouvernement. Boulanger de métier, Elzéar pratique la musique avec quelques-uns de ses frères et amis dans une fanfare amateur qu’ils ont formée. Vers 1900, le père oblat Joseph-Octave Pelletier, un autre frère d’Elzéar, invite la famille à s’installer dans la paroisse Saint-Pierre, à Montréal, car il veut associer ce modeste groupe à sa campagne pour la tempérance. Le petit Wilfrid joue de quelques instruments de percussion simples dans le Corps musical de tempérance de Montréal [V. Joseph-Jean Goulet*], dont il est aussi la mascotte.

En 1904, Pelletier fait la connaissance de son premier professeur de musique, Ida Campbell, femme du clarinettiste belge François Héraly. Constatant l’intérêt de l’enfant pour le piano, cette dernière propose à ses parents de lui donner des leçons, ce qu’elle fera jusqu’en 1914. Wilfrid n’a que 11 ans quand, le 18 mai 1908, il participe à son premier concert public au cours d’une fête au parc Sohmer [V. Ernest Lavigne*]. Il exécute alors, avec une autre élève de Mme Héraly, une réduction pour piano à quatre mains de l’ouverture de Zampa, de Ferdinand Hérold. Le lendemain, un critique du quotidien la Presse rapporte qu’ils se sont fait remarquer par leur « brio ». Deux jours plus tard, Pelletier interprète la Sonate presque une fantaisie, dite Au clair de lune, de Beethoven, pendant le concert donné au bénéfice du ténor Abel Godin.

Impuissant devant les nouvelles boulangeries industrielles, Elzéar doit fermer boutique et se contenter d’un travail peu rémunérateur. Autour de 1908, Wilfrid quitte l’école primaire de la paroisse Saint-Pierre pour contribuer au revenu familial. Il occupe quelques emplois comme bruiteur, percussionniste et pianiste au cinéma Windsor Star, au Victoria Skating Rink, au Théâtre national français et au parc Dominion. C’est au His Majesty’s Theatre qu’il découvre, en 1910, les splendeurs de la scène lyrique en assistant à une représentation de Mignon, d’Ambroise Thomas. Sa décision est prise : il fera carrière à l’opéra. Pendant la saison 1912-1913, il obtient le poste de pianiste-répétiteur à la Compagnie d’opéra de Montréal, fondée et dirigée par Albert Clerk-Jeannotte, son futur beau-frère.

À la suite d’un concert des élèves de Mme Héraly, un journaliste du Devoir a écrit, le 22 avril 1911, que si un mécène « pouvait s’occuper de l’avenir de ce jeune artiste, nul doute que nous compterions plus tard parmi nous une gloire musicale nouvelle ». En 1912, Pelletier pose sa candidature à la deuxième édition du prix d’Europe, administré par l’Académie de musique de Québec. Malgré une préparation sérieuse avec les professeurs de musique Alexis Contant* et Alfred Laliberté, ce décrocheur forcé rate les questions d’examen portant sur la littérature et l’histoire, obtient des résultats désastreux en solfège et cède la victoire à Léo-Pol Morin*, beaucoup mieux formé. Pelletier ne renonce pas et, pendant trois ans, il comble ses lacunes en travaillant avec le père Étienne Galtier et le musicien Théo Henrion, qui le préparent si bien qu’il remporte la bourse en 1915.

La Première Guerre mondiale retarde jusqu’à l’automne de 1916 le départ pour Paris de Pelletier et de celle qui est entre-temps devenue sa femme. Il y étudie le piano avec Isidor Philipp, le répertoire d’opéra avec Camille Bellaigue, l’harmonie et la composition avec Marcel Samuel-Rousseau, le piano et l’orgue avec Charles-Marie Widor. Cependant, la pression croissante des bombardements et du rationnement force le jeune couple à rentrer en Amérique le 4 juillet 1917, avant le terme de la bourse. Le 25 août, le Passe-Temps annonce, à Montréal, que Wilfrid et son beau-frère Clerk-Jeannotte décident de s’établir à New York : « Encore deux autres […] qui trouvent plus d’encouragement chez nos voisins que dans leur propre pays. » En effet, la métropole offre bien peu de débouchés à l’époque : la Compagnie d’opéra de Montréal a fermé ses portes en 1913 et l’Orchestre symphonique de Montréal, réorganisé par Joseph-Jean Goulet, présente de moins en moins de concerts, puis disparaîtra en 1919. Comme sa bourse n’est pas transférable aux États-Unis, Pelletier se cherche du travail de toute urgence, d’autant plus que son premier fils est né à Paris. Une agence new-yorkaise l’aiguille vers la soprano suédoise Marie Sundelius. Il réussit son audition et accompagne la chanteuse au piano pendant une représentation du New York Philharmonic Orchestra, au cours de laquelle il rencontre Pierre Monteux, chef d’orchestre au Metropolitan Opera (connu aussi sous le nom de Met). Ce dernier l’aide à obtenir un petit contrat de répétitions privées, puis le présente au directeur général du Met, Giulio Gatti-Casazza, qui l’engage le 17 août 1917 comme répétiteur du répertoire français, chef d’orchestre adjoint, pianiste accompagnateur et assistant du régisseur. Pelletier monte sur la scène du Met pour la première fois le 16 décembre, à titre de pianiste et d’accompagnateur. La Presse se fait l’écho de cette promotion le 9 février 1918 : « La carrière de ce jeune artiste canadien-français a été aussi rapide qu’heureuse, car à vingt-et-un ans, il voit se réaliser le projet que caresse tant de musiciens de toutes les nationalités : entrer au Metropolitan. »

En 1919, le baryton Antonio Scotti forme aux États-Unis la Scotti Grand Opera Company, qui effectue des tournées nord-américaines. C’est comme adjoint aux chefs d’orchestre Gennaro Papi et Carlo Peroni que Pelletier vient à Montréal avec cette troupe en 1919, 1920 et 1921. Papi éveille sa profession de chef d’orchestre en lui demandant, le 21 mai 1920, de diriger l’opéra le Trouvère de Verdi à Memphis, au Tennessee. Deux ans plus tard, toujours grâce à Papi, Pelletier devient responsable du service de scène pendant la saison d’opéra estivale de Ravinia Park, à Chicago. Il quittera ces fonctions obscures pour diriger 13 représentations d’opéra entre 1924 et 1931.

Au Met, la carrière de Pelletier franchit une autre étape quand, le 19 février 1922, il dirige son premier concert du dimanche soir. En 1924, il prend la direction de ces soirées dominicales. À partir de la saison suivante, la charge d’organiste s’ajoute à ses responsabilités. En 1928, Pelletier dirige ses premiers opéras avec le Met comme chef adjoint, d’abord le 24 janvier à Philadelphie, puis le 14 avril, au Metropolitan Opera House, à New York. Il ne dirige que cinq opéras comme chef adjoint jusqu’en 1935 et consacre la plupart de son temps à l’organisation de ses concerts du dimanche. En dépit de la multiplication de ses engagements à New York et ailleurs aux États-Unis, il est revenu à Montréal pour présenter quelques concerts sous sa baguette entre 1926 et 1933.

En mai 1935, le ténor d’origine canadienne Edward Johnson* devient directeur général du Met. Aussitôt, il nomme Pelletier responsable du répertoire français et le promeut de chef d’orchestre adjoint à chef d’orchestre. En décembre, Pelletier met sur pied les Metropolitan Opera auditions of the air, émission radiophonique hebdomadaire d’une demi-heure qui vise à recruter de jeunes voix pour la troupe. L’initiative assure progressivement une relève de talents, ce qui revêt toute son importance lorsque la Deuxième Guerre mondiale empêche des artistes européens de se produire en Amérique. Cette émission, qui prendra fin en 1958, donne un élan à la carrière d’un nombre incroyable de chanteurs américains, tels que Leonard Warren et Risë Stevens, sans compter celle de ses compatriotes Pierrette Alarie, Denis Harbour, Raoul Jobin*, Louis Quilico* et Teresa Stratas. En 1939-1940, Pelletier signe officiellement son premier contrat avec le Met en tant que chef d’orchestre et c’est à partir de ce moment qu’il dirige le plus d’opéras.

Depuis 1930, le Montreal Orchestra offrait des séries de concerts symphoniques. Dirigé par Douglas Clarke*, doyen de la faculté de musique de la McGill University, cet orchestre manifestait peu d’ouverture envers les chefs et les artistes canadiens-français. À l’automne de 1934, des représentants de l’élite francophone, dont font partie le député de Terrebonne et secrétaire de la province Louis-Athanase David* et sa femme Antonia Nantel, décident de fonder la Société des concerts symphoniques de Montréal (SCSM), destinée à la population et aux artistes canadiens-français. Le 13 novembre, David en propose la direction à Pelletier, ce qui n’enthousiasme guère le chef d’orchestre, dont la carrière américaine tourne à plein régime. Or, Elzéar rappelle à son fils que, sans le prix d’Europe, le Met lui aurait été inaccessible et qu’il est temps d’acquitter sa dette envers son pays. Simple conseiller en 1934, Pelletier accepte la direction artistique de la SCSM l’année suivante, à la condition expresse d’implanter des matinées symphoniques d’initiation à la musique pour les jeunes, ce qui est fait le 16 novembre 1935. En 1936, il s’allie de plus à Mme David et à la SCSM pour proposer des saisons estivales de musique, qui ne disparaîtront qu’en 1965 (elles prendront le nom de Festivals de Montréal le 2 août 1939). Toujours avec l’appui de la SCSM, il inaugure, le 1er juillet 1938, les concerts d’été au chalet du Mont-Royal. À la fin de la saison 1940-1941, l’avenir de la SCSM semble assuré ; au même moment, le Montreal Orchestra cesse ses activités. Cependant, un conflit interne oppose Pelletier à l’administration de la SCSM sur le choix des artistes et de son horaire. Le directeur artistique résigne ses fonctions. La paix revient néanmoins entre les deux parties et, à partir de 1944, il retourne au pupitre pour quelques représentations. En 1948, il reprend l’animation des matinées symphoniques, qu’il a abandonnée en 1942 à son successeur à la direction de la SCSM, le chef belge Désiré Defauw. Il n’a toutefois pas cessé de paraître aux Festivals de Montréal et aux concerts d’été.

Entre-temps, le débat sur l’enseignement supérieur de la musique au Québec, qui a débuté en 1937 sous le gouvernement de Maurice Le Noblet Duplessis*, a refait surface. C’est sous celui d’Adélard Godbout* que le dévoué secrétaire de la province et député de Terrebonne Hector Perrier* présente un projet de loi qui donne naissance, le 29 mai 1942, à la Loi instituant le Conservatoire de musique et d’art dramatique de la province de Québec. Perrier connaît bien Pelletier puisqu’ils ont fréquenté en même temps l’école Saint-Pierre et sont restés en contact. L’encouragement de la musique fait partie de leurs discussions et l’avis du chef d’orchestre a sans doute de l’influence sur le député. Le 22 octobre, Perrier nomme Pelletier directeur général du nouvel établissement. Outre ces considérations amicales, Perrier tient compte de sa haute réputation, de sa compétence et de son sens de l’organisation. Dans ses fonctions, Pelletier prend pour modèle les meilleurs conservatoires européens, particulièrement celui de Paris. Les étudiants sont admis par voie de concours et soumis à un programme exigeant que couronne un diplôme après cinq années de scolarité. Pelletier recrute d’éminents professeurs non seulement au Québec et ailleurs au Canada, mais aussi en Europe et aux États-Unis.

En 1950, un vent de changement souffle au Met quand l’impresario britannique d’origine autrichienne Rudolf Bing remplace Johnson. Le nouveau directeur général, qui veut accorder moins d’importance au répertoire français pour présenter plus d’opéras allemands, ne renouvelle pas le contrat de quatre chefs d’orchestre, dont celui de Pelletier, qui conserve cependant les Metropolitan Opera auditions of the air. Entre 1922 et 1950, Pelletier a dirigé 20 opéras pour 247 représentations, dont 192 ont été consacrées au répertoire français (notamment Faust de Gounod, Carmen de Bizet, Mignon de Thomas et Manon de Massenet) et 26, radiodiffusées. Il est monté sur le podium 214 autres fois, pour présenter sous sa baguette huit ballets, des soirées de gala et, surtout, des concerts dominicaux dont il a été le coordonnateur pendant 20 ans. Il fait sa dernière apparition avec le Met le 15 mai 1950 à Rochester, dans l’État de New York, où il dirige Faust. Il continuera à travailler et à résider dans la métropole américaine jusqu’à la fin de sa vie. Il y fréquente aussi son ami et conseiller, le célèbre chef d’orchestre Arturo Toscanini.

La nouvelle situation de Pelletier lui permet d’orienter sa carrière davantage au Québec. L’Orchestre symphonique de Québec [V. Joseph Vézina*] est le premier à en profiter. Depuis 1947, Pelletier y a dirigé quelques concerts à titre de chef invité et, en 1951, la formation le choisit comme quatrième directeur musical de son histoire. Son premier souci : mettre fin à un certain amateurisme et conférer à l’orchestre un caractère professionnel. Avec la collaboration de son assistant Françoys Bernier, il recrute des musiciens mieux formés et contribue à rafraîchir le répertoire en accordant plus de place à la musique contemporaine. Il anime aussi des matinées symphoniques pour les jeunes. Quand il remettra sa démission, au printemps de 1966, Pelletier laissera derrière lui un ensemble permanent, renouvelé, digne des meilleurs orchestres canadiens.

Entre 1954 et 1970, Radio-Canada confie à Pelletier quelques émissions de télévision. À l’occasion, le chef d’orchestre anime Concerts pour la jeunesse, version télévisée des matinées symphoniques. L’Heure du concert télédiffuse plusieurs opéras sous sa conduite. Grâce à Wilfrid Pelletier rencontre, il fait connaître la relève de 1965 à 1967.

Pelletier occupe toujours la direction générale du conservatoire quand, en 1961, un malaise s’installe. Comme il se déplace constamment entre Montréal, Québec et New York, certains le surnomment « l’homme invisible ». Guy Frégault*, premier sous-ministre des Affaires culturelles de la province de Québec, observe le conflit de près : « Sa carrière lui donne beaucoup d’admirateurs et lui vaut bien des envieux. Il se mène une dure campagne contre lui. » En août, Pelletier est remplacé sans tambour ni trompette par le chef d’orchestre Roland Leduc*. Il laisse un conservatoire qui a formé d’excellents professeurs de musique et des interprètes d’envergure internationale.

L’expertise de Pelletier est heureusement récupérée par le ministre Georges-Émile Lapalme qui le nomme, dès le 25 août 1961, directeur de l’enseignement de la musique de la province de Québec, service institué dans la foulée de la création du ministère des Affaires culturelles. L’une de ses premières tâches consiste à préparer un mémoire pour la commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec (1961-1966, aussi connue sous le nom de commission Parent [V. Alphonse-Marie Parent*]). Dans son « Mémoire à la commission royale d’enquête sur l’enseignement, traitant plus particulièrement de l’enseignement de la musique », soumis à Québec en 1962, il propose une série de recommandations. Quelques-unes seront appliquées à plus ou moins brève échéance, notamment la création d’une maison d’opéra et l’institution de programmes combinant études et musique. Sensibilisé par Jean Papineau-Couture* et Jean Vallerand*, Pelletier préconise aussi la mise sur pied d’un groupe de promotion de musique contemporaine. Il sert d’intermédiaire entre les fondateurs et le ministère des Affaires culturelles pour aider cette association à obtenir une subvention : de ce coup de pouce naît la Société de musique contemporaine du Québec en 1966. Il quitte ses fonctions en 1968.

La nature a fini par rattraper cet homme infatigable, qui subit deux infarctus, en 1964 et en 1967. Pelletier a de plus la douleur de perdre son fils François le 2 avril 1972. Toutefois, il continue à s’intéresser à la vie musicale au Québec, et plus particulièrement au problème de l’opéra à Montréal, qui le préoccupait depuis longtemps. En effet, entre 1931 et 1945, à Montréal et dans d’autres villes canadiennes, il a présenté de courtes saisons d’opéra. En 1940, il dirige la première canadienne, très attendue, de Pelléas et Mélisande de Debussy pendant les Festivals de Montréal. Cependant, il aurait préféré la création d’un théâtre lyrique permanent, qui aurait offert une saison annuelle complète au lieu d’une série de représentations ponctuelles. Dans les années 1960, il trouve un allié en Jean Drapeau*, le maire de Montréal, mais la cause n’avance guère. Le gouvernement québécois met enfin sur pied l’Opéra du Québec en 1971. Des difficultés financières précipitent toutefois sa chute en 1975. Si près du but, le rêve de Pelletier s’estompe. Sa dernière prestation comme chef d’orchestre se déroule dans des circonstances émouvantes le 30 août 1978, dans sa ville natale, au cours d’un concert lyrique organisé par le Mouvement d’action pour l’art lyrique du Québec, où chanteurs et musiciens lui rendent hommage. Deux personnes soutiennent Pelletier jusqu’au podium, d’où il invite non seulement les chanteurs, mais aussi le public, à entonner le chœur des esclaves de l’opéra Nabucco, de Verdi.

Pendant sa carrière, Pelletier a reçu plusieurs doctorats honorifiques d’universités canadiennes et américaines et plusieurs titres prestigieux : chevalier de la Légion d’honneur en 1946, médaille du Conseil des arts du Canada en 1962, compagnon de l’ordre du Canada en 1967, entre autres. Depuis 1983, la fondation Wilfrid-Pelletier accorde des bourses d’excellence et d’études à ceux qui fréquentent le réseau du Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec.

La stature de Wilfrid Pelletier en fait un cas unique dans l’histoire musicale du Québec, et même du Canada. Sa carrière était américaine : en plus des villes de New York, Montréal et Québec, Pelletier a aussi dirigé des opéras notamment à San Francisco, à Chicago, à Cincinnati, en Ohio, et à Porto Rico. Cependant, sa notoriété ne lui a jamais fait oublier ses origines modestes. Ordinairement affable, il savait se montrer sévère envers les musiciens et imposer fermement ses vues. Pianiste et répétiteur efficace, il était un accompagnateur discret et attentif, et un chef d’opéra compétent, particulièrement dans les répertoires français et italien. Par contre, sa lecture du répertoire symphonique suscitait quelques réserves. À cause du rôle capital qu’il a joué dans la fondation et le développement de la SCSM, devenue Orchestre symphonique de Montréal en 1954, des Festivals de Montréal et du conservatoire, l’opinion publique lui en a parfois attribué la paternité. C’est ainsi que l’œuvre patiente des artisans de l’ombre a été occultée. Sans être nécessairement le fondateur de toutes les organisations musicales, il les a appuyées constamment en mettant le poids de sa réputation dans la balance et il n’a jamais ménagé aide et conseils. Il a initié des générations de jeunes à la musique au cours de matinées symphoniques à Montréal, Québec et New York. Il a exercé une influence indiscutable sur l’enseignement musical en menant à bien, entre autres, la formation et la régionalisation du Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec. L’Orchestre symphonique de Montréal a atteint au fil des ans une réputation internationale solide. Au Québec, la plupart des musiciens et des chanteurs d’après-guerre ont été pistonnés par Pelletier, qui a aussi encouragé la création musicale contemporaine. Que la grande salle de la Place des arts de Montréal porte son nom depuis 1966 paraît donc pleinement justifié.

Mireille Barrière

Le fonds Wilfrid Pelletier, conservé à Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. de Montréal, MSS20, constitue notre principale source de renseignements. Deux instruments de recherche en facilitent la consultation : Claire Métras et Colette Vézina, « Inventaire de la correspondance du fonds Wilfrid-Pelletier » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 1982) et Jeannine Barriault, « Inventaire et analyse des coupures de journaux du fonds Wilfrid-Pelletier » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 1983). Le premier fournit également la liste des écrits de Wilfrid Pelletier. L’artiste a publié ses mémoires : Une symphonie inachevée... ([Montréal], 1972). Il a livré sa pensée sur l’enseignement dans : Québec, Ministère des Affaires culturelles, « Mémoire à la commission royale d’enquête sur l’enseignement, traitant plus particulièrement de l’enseignement de la musique », Wilfrid Pelletier, édit. (texte polycopié, [Québec, 1962]).

En plus d’une biographie et de nombreux articles sur les organisations musicales auxquelles il a pris part, la discographie de Pelletier peut être consultée à : Historica Canada, « lEncyclopédie canadienne» : www.encyclopediecanadienne.ca/fr (consulté le 18 août 2015). Plus de 70 de ses enregistrements sont conservés à : Bibliothèque et Arch. Canada, « le Gramophone virtuel : enregistrements historiques canadiens » : www.collectionscanada.gc.ca/gramophone/index-f.html (consulté le 2 déc. 2009). L’enregistrement intégral de Mignon du 27 janvier 1945 au Met, sous la direction de Pelletier, se trouve à : The Metropolitan Opera, « Met player » : www.metoperafamily.org/met_player/index.aspx (consulté le 6 juill. 2009) ; des frais sont cependant exigés.

Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. de Montréal, CE601-S7, 21 juin 1896 ; P142 ; Centre d’arch. de Québec, E4 ; P379.— Instit. généal. Drouin, « Fonds Drouin numérisé », Saint-Léon (Westmount, Québec), 21 févr. 1916 : www.imagesdrouinpepin.com (consulté le 29 janv. 2009).— Le Devoir (Montréal), 22 avril 1911, 24 sept. 1946, 10 avril 1982.— Gazette (Montréal), 17 avril 1982.— New York Times, 22 nov. 1925, 11 avril 1982.— Le Passe-Temps (Montréal), 25 août 1917.— La Presse (Montréal), 19, 22 mai 1908 ; 9 févr. 1918 ; 27 sept. 1919 ; 11 sept. 1920 ; 22 oct. 1921 ; 1er sept. 1978.— Le Soleil (Québec), 10 mai 1943.— Annals of the Metropolitan Opera : the complete chronicle of performances and artists, Gerald Fitzgerald, édit. (2 vol., New York et Boston, 1989).— Baker’s biographical dictionary of musicians, Nicolas Slonimsky, édit. (New York et Londres, 1984).— Simon Couture, « les Origines du Conservatoire de musique du Québec », ARMuQ, Cahiers (Québec), no 14 (mai 1992) : 42-64.— Guy Frégault, Chronique des années perdues ([Montréal], 1976).— Bertrand Guay, Un siècle de symphonie à Québec : l’Orchestre symphonique de Québec, 1902-2002 (Québec, 2002).— Cécile Huot, « Évolution de la vie musicale au Québec sous l’influence de Wilfrid Pelletier » (thèse de ph.d., univ. de Toulouse-Le Mirail, France, 1973) ; Wilfrid Pelletier : un grand homme, une grande œuvre (Montréal, 1996).— Paul Jackson, Saturday afternoons at the old Met : the Metropolitan Opera broadcasts, 1931-1950 (Portland, Oreg., 1992).— Irving Kolodin, The Metropolitan Opera, 1883-1966 : a candid history (New York, 1966).— R. C. Marsh, « The annals of the Ravinia Opera, part 4 : 1927-1931 », Opera Quarterly (Chapell Hill, N.C.), 14 (1997), no 2 : 57-82.— Metropolitan Opera annals : a chronicle of artists and performances, W. H. Seltsam, compil., introd. par Edward Johnson (New York, 1947).— The Metropolitan Opera : the radio and television legacy (catalogue d’exposition, Museum of Broadcasting, New York, 1986).— Gilles Potvin, OSM : les cinquante premières années (Montréal, 1984).— Agathe de Vaux, la Petite Histoire de l’Orchestre symphonique de Montréal (Verdun [Montréal], 1984).— Wilfrid Pelletier, chef d’orchestre et éducateur, réalisation de Louis Portugais, scénario de Gilles Carle (film, [Montréal], 1960).

Bibliographie générale

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Mireille Barrière, « PELLETIER, WILFRID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 21, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pelletier_wilfrid_21F.html.

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Auteur de l'article:    Mireille Barrière
Titre de l'article:    PELLETIER, WILFRID
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 21
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2011
Année de la révision:    2011
Date de consultation:    19 mars 2024