ONASAKENRAT (Onesakenarat), JOSEPH (connu aussi sous le nom de Sosé, Joseph Akwirente, Chief Joseph et Le Cygne), chef iroquois et missionnaire méthodiste, né le 4 septembre 1845 dans la seigneurie de Lac-des-Deux-Montagnes, Bas-Canada, fils de Lazare Akwirente, décédé le 7 février 1881 à Oka, Québec.

Les parents de Joseph Onasakenrat, Iroquois de race pure, vivaient sur les bords de la rivière des Outaouais, près de la mission de Lac-des-Deux-Montagnes (Oka), établie par les sulpiciens. Tous deux de foi catholique, ils firent élever Joseph – ou Sosé, comme on l’appelait en iroquois – dans cette religion par les missionnaires.

En avril 1718, le roi Louis XV avait accordé aux sulpiciens une seigneurie au lac des Deux-Montagnes, endroit alors passablement isolé, à une trentaine de milles à l’ouest de Montréal, où ils pourraient s’établir avec les convertis de langue algique et huronne-iroquoise dont ils avaient la charge. Des établissements antérieurs à Montréal et à Sault-au-Récollet (Montréal-Nord) avaient exposé les Indiens aux marchands d’eau-de-vie, et l’intempérance était devenue un grave problème [V. Maurice Quéré* de Tréguron]. La propriété du terrain au lac des Deux Montagnes, où la mission fut installée en 1721, devait cependant susciter des conflits entre les sulpiciens et les Indiens [V. François-Auguste Magon* de Terlaye]. Dès 1787, le chef Aughneeta informa sir John Johnson*, surintendant général des Affaires indiennes, que son peuple n’avait quitté Sault-au-Récollet pour la seigneurie de Lac-des-Deux-Montagnes qu’après avoir reçu la promesse d’« un titre de propriété du roi de France ». Le chef soutint que « le désir d’avoir une propriété délimitée bien à [eux] » les avait incités à déménager, mais que les sulpiciens déclarèrent avoir la propriété exclusive de la seigneurie et insistèrent sur le fait que les terres n’appartenaient pas aux Indiens, « même pas le plus petit arbrisseau ».

À sept reprises entre 1787 et 1851, les Iroquois contestèrent publiquement le droit de propriété des sulpiciens sur la seigneurie. Le conflit le plus sérieux survint en 1851, Joseph Onasakenrat étant encore enfant. À l’été de cette année-là, un prêcheur méthodiste indien, le révérend Peter Jones [Kahkewaquonaby*], visita la mission, constata le malaise et vint à un cheveu de convaincre certains Indiens de délaisser le « papisme » et de devenir méthodistes. Les sulpiciens réussirent à cette occasion à maîtriser la situation en obtenant l’excommunication par l’évêque de Montréal des 15 principaux autochtones dissidents.

Les sulpiciens, qui avaient un urgent besoin d’un porte-parole indien sympathique à leur cause, virent en Joseph Onasakenrat un futur leader. Élève doué, il fut envoyé à l’âge de 15 ans au petit séminaire de Montréal dirigé par les sulpiciens. Il y étudia pendant trois ans (dans la même classe que Louis Riel) et retourna ensuite à Oka pour être secrétaire des sulpiciens, sous les ordres de monsieur Antoine Mercier*. Le 25 juillet 1868, les Iroquois élirent Onasakenrat, qui n’avait que 22 ans, leur chef principal. À la surprise des sulpiciens, ce dernier devait manifester très tôt son indépendance à leur égard en rédigeant une pétition destinée au gouverneur général, qui dénonçait la mainmise qu’exerçait la compagnie sur le village. Les Indiens, soulignait-il, ne pouvaient pas obtenir des sulpiciens le droit de propriété de leurs terres ou même couper du bois de chauffage sans leur permission. Il accusait ensuite « ces prétendus successeurs de Saint Pierre, [qui] viv[aient] dans un Palais somptueux, couverts de pourpre et des étoffes les plus fines », d’être directement responsables de leur « pauvreté et de leur misère ».

Outre la défection d’Onasakenrat, un recul beaucoup plus sérieux pour les sulpiciens devait survenir. À l’hiver de 1868, l’apostat canadien-français Charles-Paschal-Télesphore Chiniquy* vint prêcher pendant trois jours à Oka. Après son départ, les Iroquois demandèrent à l’Église méthodiste, qui avait envoyé des missionnaires dans la région, de leur en assigner un. Xavier Rivet fut nommé à Oka. La grande majorité des Iroquois renièrent alors la foi catholique et entrèrent dans l’Église méthodiste wesleyenne en Canada. Onasakenrat commença alors pour de bon à combattre ses adversaires. Le 18 février 1869, il abattit un immense orme sans la permission des sulpiciens, défiant par ce geste leur privilège d’octroyer les droits de coupe. Le 26 février, il marcha avec 40 Indiens de sa bande jusqu’à la résidence des sulpiciens, et là, utilisant un langage direct et énergique, les somma de quitter Oka dans les huit jours, sinon leur vie serait en danger. Assurés du soutien indéfectible des Indiens de langue algique, qui constituaient environ un cinquième de la population indienne de 500 âmes, les sulpiciens obtinrent rapidement un mandat d’arrêt contre Onasakenrat. Le 4 mars, il fut incarcéré avec deux autres chefs par la police de Montréal, mais, au bout de quelques semaines, il recouvrait la liberté et menait de nouveau la lutte. À la fin du mois de décembre 1869, il envoya une autre pétition au gouverneur général dans laquelle il résuma les revendications des Iroquois : « Suivant ce que nos pères nous ont dit, nous avons toujours cru, à leur exemple, que ces terres furent accordées en premier lieu par le roi de France au séminaire pour notre usage et notre intérêt ; maintenant cependant, on nous dit que les terres appartiennent au séminaire et que nous ne vivons sur elles et ne les utilisons que parce qu’il nous permet de le faire. » Depuis 1868, le gouvernement fédéral avait refusé de reconnaître les droits de propriété que revendiquaient les Indiens d’Oka et avait confirmé les droits des sulpiciens à l’unique titre légal.

Tout au long des années 1870, le conflit persista à Oka. La police, appelée par les messieurs de Saint-Sulpice, arrêta à maintes reprises des Iroquois parce qu’ils avaient coupé du bois dans la forêt ou avaient arraché des clôtures érigées par les sulpiciens. En décembre 1875, ces derniers démolirent l’église méthodiste située dans le village indien, prétendant que les Iroquois n’avaient, au regard de la loi, aucun droit de l’ériger. Puis, le 15 juin 1877, l’église même des sulpiciens fut mystérieusement la proie des flammes. Ceux-ci accusèrent certains Iroquois, qui à leur tour déclarèrent n’être arrivés qu’après le début de l’incendie. On lança des mandats d’arrêt à l’endroit d’Onasakenrat, de son père (un sulpicien les avait vus tous les deux sur les lieux de l’incendie) et d’une douzaine d’autres. Tous furent accusés de crime d’incendie. De riches protestants anglophones de Montréal vinrent au secours des accusés, assurant leur cautionnement et une aide juridique. On rendit une ordonnance de non-lieu en 1881, après que quatre jurys eurent échoué à rendre un verdict.

Une fois libéré sous caution, Onasakenrat retourna à Oka et servit d’interprète au missionnaire méthodiste résidant. Il entreprit de traduire la Bible ; en juin 1880, il avait traduit les quatre évangiles du français en iroquois. La même année, la Conférence montréalaise de l’Église méthodiste du Canada l’ordonna ministre et l’envoya comme missionnaire dans les villages iroquois de Caughnawaga et de Saint-Régis. Son ministère fut cependant de courte durée, puisqu’il mourut subitement à Oka le 7 février 1881, à l’âge de 35 ans.

Un an avant son décès, Onasakenrat avait changé d’attitude à l’égard des sulpiciens et commencé à prôner une solution pacifique au conflit. Les accusations de crime d’incendie pesaient encore contre lui, mais le fait d’avoir été ordonné ministre méthodiste semble l’avoir pacifié. Il exhorta son peuple à accepter l’offre des sulpiciens de leur acheter des terres ailleurs et de les y déménager aux frais de la compagnie. Mais en prônant la modération il perdit le soutien des siens, qui n’entendaient suivre ses conseils qu’aussi longtemps qu’il se ferait le défenseur de ce qu’ils croyaient être leurs droits fondamentaux. Six mois après sa mort, la majorité des Iroquois d’Oka votèrent avec éclat contre sa « politique de paix ». À l’automne de 1881, seulement un cinquième des Iroquois consentirent à déménager sur les terres que leur avaient achetées les sulpiciens dans la région de Muskoka en Ontario. L’affaire d’Oka demeura sans solution pendant encore 30 ans après la mort de Joseph Onasakenrat ; puis, en 1910, la Cour suprême du Canada confirma, à l’instar du gouvernement fédéral, le droit de propriété des sulpiciens.

Donald B. Smith

ASSM, 8, A.— McGill Univ. Arch., Wesleyan Methodist Church in Canada, Montreal District, Minutes, 1870–1873.— McGill Univ. Libraries (Montréal), Dept. of Rare Books and Special Coll., ms coll., CH101.5119 ; CH119.5139. Methodist Church (Canada, Newfoundland, Bermuda), Montreal Conference, Minutes (Toronto), 1884–1890. Methodist Church of Canada, Missionary Soc., Annual report (Toronto), 1874–1881 ; Montreal Conference, Minutes (Toronto), 1874–1881.— Amand Parent, The life of Rev. Amand Parent, the first French-Canadian ordained by the Methodist Church [...] (Toronto, 1887).— A. R. Hassard, Famous Canadian trials (Toronto, 1924), 106–123.— A. L. Hatzan, The true story of Hiawatha and history of the Six Nation Indians (Toronto, 1925).— Philip Laforce, A history of Gibson Reserve (Bracebridge, Ontario, s.d.).— John Maclean, Vanguards of Canada (Toronto, 1918), 167–179.— Claude Pariseau, « Les troubles de 1860–1880 à Oka : choc de deux cultures » (thèse de m.a., McGill Univ., 1974).— J. K. Foran, « Chronique d’Oka », Le Canada (Ottawa), 2, 10, 19, 22 juill., 3, 12, 19, 30 août, 9, 13 sept. 1918. Olivier Maurault, « Les vicissitudes d’une mission sauvage », Rev. trimestrielle canadienne (Montréal), 16 (1930) : 121–149.

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Donald B. Smith, « ONASAKENRAT (Onesakenarat), JOSEPH (Sosé, Joseph Akwirente, Chief Joseph, Le Cygne) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/onasakenrat_joseph_11F.html.

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Auteur de l'article:    Donald B. Smith
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
Date de consultation:    22 nov. 2024