O’BRIEN, MICHAEL J., charpentier de navires et chef syndical, né en 1837 ou en 1838 à Killarney (république d’Irlande) ; marié et père de deux fils qui lui survécurent ; décédé le 14 juillet 1912 à Halifax.

Michael J. O’Brien était la figure dominante de la Shipwrights’ and Caulkers’ Association of Halifax and Dartmouth. Durant 30 ans, il fut secrétaire et organisateur dé cette association, le plus stable et le plus durable des syndicats de métier de la région au xixe siècle. Il était fier de sa compétence comme ouvrier, car il maîtrisait non seulement toutes les techniques de la charpenterie, mais il avait aussi appris à les adapter à la construction et à la réparation des voiliers.

Fondé en 1863, le syndicat d’O’Brien dut affronter deux grands défis au xixe siècle. Le premier, commun à tous les syndicats ouvriers, était de contrôler le marché de la main-d’œuvre. Dès 1867, les règlements du syndicat préconisaient un régime strict d’apprentissage et contenaient des dispositions sur l’initiation des recrues. Par la suite, le syndicat interdit aux maîtres charpentiers de travailler aux côtés de leurs compagnons, ce qui outragea les marchands de Halifax. On en vint donc à réclamer l’abrogation de la loi de 1864 qui avait légalisé les syndicats ouvriers, et Ebenezer Moseley* fonda un syndicat rival, dominé par les employeurs. Aucune de ces deux stratégies ne réussit. Même en 1886, le groupe des calfats (réuni de 1882 à 1908 au sein d’un organisme distinct de celui des charpentiers, la Caulkers’ Association of Halifax and Dartmouth) régulait le marché de la main-d’œuvre en licenciant les artisans rivaux venus de la campagne – « main-d’œuvre non qualifiée », selon le syndicat – et dépensait pour ce faire plus de la totalité de son actif. Voilà qui montre bien jusqu’où pouvait aller un syndicat de métier urbain pour protéger des emplois.

Le second défi du syndicat était de maîtriser l’évolution du travail. Ses documents fondateurs suggèrent qu’il voulait régir à la fois le travail nouveau (construction de navires) et le travail ancien (réparation de navires), mais cette visée suscitait une forte résistance dans les chantiers navals. Après s’être résigné à n’avoir la haute main que sur la réparation des navires, le syndicat exerça une étroite surveillance. Les modalités en sont détaillées dans un livret de règlements qui, chose inhabituelle, exposait sans détour les méthodes de travail et les tactiques militantes. Grâce à son pouvoir sur les lieux de travail, l’association était en mesure d’assurer des salaires élevés à ses membres et, à compter de 1872, elle eut la journée de neuf heures. Par contre, elle était assez impuissante devant les forces globales qui rendaient les navires de bois désuets sur les grands parcours océaniques. Ses solutions, par exemple trouver de l’emploi à ses membres dans des endroits aussi éloignés qu’Honolulu, étaient imaginatives, mais de toute évidence, elles représentaient peu devant l’ampleur des changements techniques.

La politique s’immisçait à l’occasion dans ce milieu ouvrier, mais en général, les préoccupations de l’association correspondaient au témoignage présenté par Michael J. O’Brien en 1888 devant la Commission royale d’enquête sur les relations entre le capital et le travail. A cette occasion, ce dernier se déclara très satisfait des avantages matériels que le syndicat avait obtenus pour ses membres et de sa propre prospérité. La moitié des charpentiers de navires, dit-il, avaient leur propre maison. Lui-même, qui estimait son salaire à 800 $ par an sur une période de sept ans, avait fait l’acquisition de six maisons et louait cinq d’entre elles à des familles ouvrières. (À sa mort, il en avait sept, et sa succession valait 9 425 $.) Manifestement, O’Brien avait atteint grâce à son emploi une sécurité matérielle beaucoup plus grande que celle de la plupart des travailleurs de Halifax. Il ne se sentait aucune affinité avec les débardeurs, qui étaient mal payés ; les charpentiers de navires et les calfats ne soutinrent d’ailleurs pas la grève des dockers en 1884 [V. John A. Mackasey].

Une nécrologie sur Michael J. O’Brien résumait ainsi sa vie : « Il était l’un des résidents les plus économes de Halifax, ; [homme aux] habitudes régulières et industrieuses, [c’était] un ami bon et sincère, et [il était] très présent dans toutes les œuvres qui visaient le bien de la ville. » D’autres nécrologies signalaient son rôle de premier plan à la Union Engine Company, association de pompiers volontaires, à la Young Men’s Literary Association et à la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Dans son testament, il légua des dons à cette société et à la Halifax Association for Improving the Condition of the Poor. Ses legs à ses fils suggéraient un rapport entre métier et respectabilité : à l’un d’eux il laissa « tous [ses] outils, instruments et matériaux » et à l’autre, son horloge de parquet. Uni par des liens étroits et chaleureux à la collectivité et au métier auxquels il avait voué son existence, Michael J. O’Brien fut jusqu’à sa mort un fier aristocrate du monde ouvrier.

Ian McKay

Arch. privées, Joan Lawrence (Dartmouth, N.-É.), Caulkers’ Assoc. of Halifax and Dartmouth, record-book (mfm aux Dalhousie Univ. Arch., Halifax, MS 9–48).— Dartmouth Heritage Museum (Dartmouth, N.-É.), H. I. Crandall papers.— Halifax County Court of Probate (Halifax), Estate papers, n7376.— PANS, RG 5, P, 126, no 102.—Acadian Recorder, 27, 29 janv. 1886, 15, 17 juill. 1912.— Dartmouth Times : and East Halifax Advocate (Dartmouth), 16 févr. 1884.— Evening Express and Commercial Record (Halifax), 1er mars 1865.— Canada, Commission royale sur les relations du travail avec le capital au Canada, Rapport (5 vol. en 6, Ottawa, 1889), Evidence – Nova Scotia, 107–110.— Congrès des métiers et du travail du Canada, Souvenir ooklet, twenty-fourth convention (Halifax, 1908).— Ian McKay, « Class struggle and merchant capital : craftsmen and labourers on the Halifax waterfront, 1850–190[2] », dans The character of class struggle : essays in Canadian working-class history, 1850–1985, B. D. Palmer, édit. (Toronto, 1986), 17–36.— Supplementary rules of the Shipwrights’ and Caulkers’ Association ([Halifax, 1867]).

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Ian McKay, « O’BRIEN, MICHAEL J. », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 23 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/o_brien_michael_j_14F.html.

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Auteur de l'article:    Ian McKay
Titre de l'article:    O’BRIEN, MICHAEL J.
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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