MACKASEY, JOHN A., marchand commissionnaire et chef syndical, né vers 1840 ; marié et père de deux fils et d’une fille qui lui survécurent ; décédé le 7 octobre 1919 à Halifax.
Bien que John A. Mackasey ait été marchand commissionnaire, lieutenant dans le 63rd (Halifax Volunteer) Battalion of Rifles, inspecteur des permis d’alcool, membre de la Charitable Irish Society et (proclamait sa nécrologie) « en bref [...] un citoyen remarquable, hautement respecté et estimé », il est passé à l’histoire parce qu’il dirigeait les ouvriers non qualifiés des docks de Halifax au cours de leur grande grève de 1884.
Les débardeurs étaient réputés appartenir à la population la plus misérable de la ville dans les années 1860 et 1870. Bon nombre d’entre eux n’avaient que du travail occasionnel et aucune sécurité financière. Le 13 avril 1882, à l’époque où les vapeurs remplaçaient les voiliers dans le port de Halifax, eut lieu, sous la direction compétente de Mackasey, la fondation du Labourers’ Union (souvent appelé aussi Longshore Laborers’ Association et Long Shore Laborers’ Union). Les débardeurs occasionnels et permanents se trouvèrent ainsi réunis dans une association bien organisée. Ouvert aux hommes de 16 à 60 ans « pourvu qu’ils aient une bonne santé et de bonnes mœurs », ce syndicat constitua pour ses membres une caisse de secours (alimentée par des cotisations mensuelles) et préconisait l’adoption d’un « prix uniforme pour la main-d’œuvre, par jour et à l’heure », pour le déchargement et le chargement des navires et autres travaux. Au bout de trois mois, l’association comptait 325 membres ; un comité directeur de 8 membres (dont Mackasey était président) et un conseil de 12 membres la chapeautaient. En 1883, le premier syndicat de masse de Halifax avait 518 membres et s’employait à leur insuffler un sentiment de solidarité et de fierté.
Divers motifs semblent expliquer l’engagement syndical de Mackasey : souci de ses compatriotes catholiques irlandais, zèle pour la tempérance, dédain pour la gaucherie manifestée par les « grands marchands » de Halifax dans leurs rapports économiques et sociaux. Marchand commissionnaire de la rue Water, Mackasey représentait bon nombre des bateaux de pêche de Gloucester, au Massachusetts, quand ils mouillaient dans le port de Halifax. Ce travail l’amena à dénoncer très tôt les effets de la Politique nationale sur le commerce des denrées de base dans les Maritimes. Critique mordant de la classe marchande, il lui reprochait de ne pas saisir les occasions d’affaires qu’elle avait sous le nez. Quand les marchands s’opposaient aux revendications des travailleurs, il pouvait contrer leurs arguments un par un à l’aide de données provenant du secteur du transport maritime de l’Atlantique Nord.
Le syndicat de Mackasey mena sa plus grande bataille en 1884. Les travailleurs réclamaient des augmentations salariales, l’élimination des réductions de salaire en cas de mauvais temps et la diminution des heures de travail. Implicitement, leur programme revendiquait la fin du système de travail occasionnel. Mackasey informa les marchands que « toute la classe ouvrière de la ville » soutenait ces revendications et instaura de nouvelles méthodes de syndicalisme de masse. Par exemple, les membres se mirent à porter des insignes marqués des lettres L. U. (Labourers’ Union) et de leur numéro tel qu’il figurait sur les listes syndicales. Cette grève, le plus gros des nombreux conflits de travail survenus à Halifax au xixe siècle, prit les marchands par surprise et fut d’abord un succès. Mackasey s’avéra un leader efficace. Lorsque les marchands alléguèrent que les ouvriers de Halifax gagnaient plus que leurs collègues de Portland dans le Maine, Mackasey télégraphia à un marchand de Portland et prouva la fausseté de leur affirmation. Quand ils firent valoir que c’était par pure bonté d’âme qu’ils confiaient parfois le séchage du poisson aux débardeurs, Mackasey révéla les bénéfices qu’ils en retiraient. Lorsqu’ils affirmèrent que le niveau de vie des ouvriers avait augmenté considérablement, Mackasey emmena des journalistes dans les taudis et les greniers où s’entassaient les familles des débardeurs. Il usa de ses relations au sein de la flotte de pêche de Gloucester pour envoyer quelques grévistes dans les pêcheries du Groenland, à 190 $ le voyage, en prenant bien soin de dire aux marchands qu’ils risquaient d’être privés des services de ces hommes pour la saison, car les pêcheurs étaient très en demande. L’aspiration des débardeurs à une vie meilleure, disait-il d’un ton sarcastique, « leur avait été inculquée par les marchands eux-mêmes ». « Il y a vingt ans, précisait-il, la plupart des marchands vivaient en haut de leur magasin. Maintenant ils habitent des palais sur les rives du bras Northwest. » Le maire James Crosskill Mackintosh*, financier et investisseur réputé, n’était pas le seul à déceler « beaucoup de communisme latent » dans le programme des travailleurs.
Bien que la grève se soit soldée par un échec et que le syndicat ait été défait, on s’en souvint longtemps comme du point culminant des luttes ouvrières de Halifax au xixe siècle. Le Labourers’ Union survécut jusqu’en 1899 mais ne déclencha pas d’autre grève. John A. Mackasey continua de s’intéresser au mouvement ouvrier. Toutefois, à compter de 1885 environ, il consacra beaucoup d’énergie à la croisade pour la tempérance et à l’application des règlements sur les permis d’alcool. Au moment de sa mort, la nouvelle génération de travailleurs et de militants de la ville ne se souvenait plus guère de lui. Les débardeurs de Halifax s’étaient trompés en croyant voir poindre une ère nouvelle en 1884. Ils subirent les effets néfastes du système de travail occasionnel jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
AN, MG 26, A : 143667–143692.— Halifax County Court of Probate (Halifax), Estate papers, n° 9534.— PANS, MG 100, 173, n° 3 ; RG 7, 366, n° 24.— Acadian Recorder, 8, 14 avril, 9 juin, 13 juill., 21 août 1882, 7, 19 avril 1883, 8 oct. 1919.— Citizen and Evening Chronicle (Halifax), 1er nov. 1882, 10 mai 1884.— Morning Herald (Halifax), 7, 10 mai 1884.— Canada, Commission royale sur les relations du travail avec le capital au Canada, Rapport (5 vol. en 6 vol., Ottawa, 1889), Evidence – Nova Scotia, 110–112.— Ian McKay, « Class struggle and merchant capital : craftsmen and labourers on the Halifax waterfront, 1850–190[2] », dans The character of clans struggle : essays in Canadian working-class history, 1850–1985, B. D. Palmer, édit. (Toronto, 1986), 17–36.— N.-É., House of Assembly, Journal and proc., 1883 : 127 ; Statutes, 1883, c. 77.
Ian McKay, « MACKASEY, JOHN A », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mackasey_john_a_14F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/mackasey_john_a_14F.html |
Auteur de l'article: | Ian McKay |
Titre de l'article: | MACKASEY, JOHN A |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |