Titre original :  John Nickinson as Havresac and his daughter Charlotte as Melanie in

Provenance : Lien

NICKINSON, CHARLOTTE (Morrison), actrice et directrice de théâtre, née le 16 février 1832 à Québec, fille de John Nickinson* et de Mary Ann Talbot ; le 22 avril 1858, elle épousa à Toronto Daniel Morrison*, et ils eurent deux filles et deux fils ; décédée le 8 août 1910 au même endroit.

Lorsque Charlotte Nickinson naquit, son père était sergent dans l’armée britannique au Bas-Canada et comédien amateur. En 1836, il acheta sa libération pour faire carrière au théâtre. Pendant les 15 années qui suivirent, la famille, de plus en plus nombreuse, vécut surtout à New York, John Nickinson jouant à Albany, à Utica, à Saint-Jean au Nouveau-Brunswick et à Montréal durant l’été.

Charlotte, qui, dit-on, fut prénommée ainsi en l’honneur de Charlotte Saunders Cushman, actrice américaine avec laquelle son père jouait souvent, fit ses débuts à New York, en juin 1846, au Vauxhall Garden Theatre. Elle avait alors 14 ans. À la saison suivante, elle rejoignit son père dans la troupe de l’Olympic Theatre. Dès lors, ils formèrent un tandem inséparable. Son interprétation de Melanie dans Napoleon’s old guard de Dion Boucicault, où son père tenait le rôle de Havresack, et de Florence dans l’adaptation de Dombey and son de Charles Dickens par John Brougham, fut particulièrement remarquée. Sa dernière apparition à New York eut lieu en octobre 1851 : elle jouait alors dans Poetus Cœcinna, une tragédie de Isaac Clarke Pray.

La même année, Nickinson forma sa propre troupe. Charlotte en était la vedette, et ses autres enfants, Eliza, Virginia, Isabella et John s’y joignirent par la suite. La compagnie remporta un franc succès au cours de brèves visites à Toronto pendant les étés de 1851 et 1852 ainsi qu’au cours de la tournée qui la mena, en 1852, à Kingston, à Montréal et à Québec. Charlotte, alors âgée de 20 ans, fit un malheur dans sa ville natale. « Chaque soir », on réclamait que « La Jeune Quebecoise » (comme disaient les affiches) vienne saluer « en avant du rideau ». Elle jouait notamment l’Ophélie de Shakespeare, lady Teazle dans The school for scandal de Sheridan et lady Gay Spanker dans London assurance, comédie de Boucicault. Encouragé par l’accueil que les Canadiens faisaient à sa troupe, Nickinson loua le Royal Lyceum Theatre de Toronto de 1853 à 1859. Charlotte, qui tenait les grands rôles féminins, était fort impressionnante : grande, mince, elle était douée d’une « belle voix musicale », d’un rire « délicieux » et communicatif et d’un talent pour la comédie. En raison de sa chaleur, de son charme et de son infaillible bon goût, elle fut toujours une actrice populaire et respectée.

Charlotte Nickinson quitta la scène au soir du 21 avril 1858. Le lendemain, elle épousait Daniel Morrison, rédacteur en chef qui avait fait des critiques de ses prestations. Pour les besoins de sa carrière à lui, ils vécurent à Québec, à London et à New York. Charlotte se consacrait à leurs enfants, mais en janvier 1864, elle accepta, à la demande de John Wellington Buckland et de sa femme, Kate [Horn*], de jouer au Theatre Royal de Montréal. En 1868, les Morrison retournèrent à Toronto, où Daniel collabora au Daily Telegraph [VJohn Ross Robertson*] jusqu’à sa mort, deux ans plus tard.

Obligée de remonter sur les planches pour gagner sa vie, Charlotte Nickinson, suivant les traces de son père, rassembla une troupe pour remplir un engagement d’une semaine à l’été de 1871 puis pour quatre semaines au printemps de 1872. Sa popularité n’avait pas décru. Le Mail laissa entendre que « Toronto [pouvait] bien faire vivre deux théâtres ». La ville comptait près de 70 000 habitants ; le Royal Lyceum était petit et avait presque 25 ans. En janvier 1873, Charlotte et plusieurs dignitaires demandèrent au gouvernement provincial l’autorisation de construire et d’exploiter un nouveau théâtre, ce qui leur fut accordé. Le 21 septembre 1874, le Grand Opera House (connu en son temps sous le nom de Mrs Morrison’s Grand Opera House), bâtiment de quatre étages merveilleusement équipé, ouvrit ses portes. Sous son administration, des acteurs réputés, tels Adelaide Neilson, Edwin Thomas Booth et Lawrence Patrick Barrett jouèrent avec sa troupe devant des auditoires élégants. Lorsque le Grand Opera House commanditait une production venue d’ailleurs, Mme Morrison faisait des apparitions dans d’autres théâtres ou emmenait sa troupe en tournée à Ottawa et à Hamilton. Elle donna à plusieurs futures vedettes, dont John Henry Miller et Ida Van Cortland, qui dirigea par la suite une troupe canadienne de tournée, la chance de faire leurs débuts. Cependant, la récession qui dura de 1873 à 1879, et le fait qu’elle insistait pour présenter un répertoire raffiné et parfois démodé, rendaient son entreprise vulnérable sur le plan financier. À la fin de la saison de 1877–1878, les salaires n’avaient pas été payés ; elle dut laisser partir ses comédiens et abandonner le rôle de directrice. Augustus Pitou l’aîné, ancien membre de la troupe, lui succéda. L’époque où les troupes locales jouaient avec une vedette invitée s’achevait ; on entrait dans l’ère où viendraient, de New York, des tournées toutes préparées ou des spectacles combinés (troupe plus vedette). Naguère important producteur de théâtre, le Grand Opera House devint un simple maillon dans une chaîne américaine de distribution.

Charlotte Nickinson Morrison continua de paraître à titre d’artiste invitée dans des sociétés d’amateurs et à donner des séances de lecture, mais peu à peu, elle se consacra surtout à des œuvres de bienfaisance et à des œuvres religieuses. Elle devint un membre éminent du Conseil national des femmes du Canada et de la Women’s Canadian Historical Society of Toronto, et elle participa à l’organisation de la Toronto Relief Society, dont elle fut présidente. Elle mourut chez elle à Toronto après une longue maladie, laissant dans le deuil deux filles mariées et un fils. Le critique de théâtre Hector Willoughby Charlesworth* évoqua alors « les gloires du règne de Mme Morrison ». En un temps où la part des Canadiens dans le théâtre se réduisait à peu de chose, elle s’était distinguée par sa grâce et son professionnalisme accomplis.

David Gardner

ANQ-Q, CE1-71, 11 mars 1832.— MTRL, Taverner coll., Ida Van Cortland (Taverner), address containing reminiscences of her years on the stage, 1918, 1–2.— Daily Mail and Empire, 9 août 1910 : 4.— Daily Telegraph (Toronto), 12 avril 1870.— Evening Telegram (Toronto), 9 août 1910 : 7.— Globe, 10 août 1910 : 5.— Hamilton Spectator, 6 avril, 27 oct. 1874, 22 janv., 9 oct. 1875, 23 mai 1876, 29 nov. 1880, 31 oct. 1883.— Mail (Toronto), 3 juin 1872.— Toronto Daily Star, 9 août 1910.— J. R. Aikens, « The rival operas : Toronto theatre, 1874–84 » (thèse de ph.d., 2 vol., Univ. of Toronto, 1975).— T. A. Brown, History of the American stage ; containing biographical sketches [...] from 1733 to 1870 (New York, 1870 ; réimpr., [1969]).— Mme William Campbell, « Toronto theatres in the old days », York Pioneer and Hist. Soc., Report (Toronto), 1930 : 13–15.— H. [W.] Charlesworth, « Music and drama », Saturday Night, 15 juill. 1922 : 6.— M. D. Edwards, A stage in our past ; English-language theatre in eastern Canada from the 1790s to 1914 ([Toronto], 1968).— Franklin Graham, Histrionic Montreal ; annals of the Montreal stage [...] (2e éd., Montréal, 1902 ; réimpr., New York et Londres, 1969).— Laurence Hutton, Plays and players (New York, 1875), 52.— J. N. Ireland, Records of the New York stage from 1750 to 1860 (2 vol., New York, 1866–1867 ; réimpr., 1966).— Look at the record : an album of Toronto’s lyric theatres, 1825–1984, J. P. Baillie, compil., introd. de William Kilbourn (Oakville, Ontario, 1985).— H. J. Morgan, Sketches of celebrated Canadians [...] (Québec et Londres, 1862 ; réimpr., Montréal, 1865).— G. C. D. Odell, Annals of the New York stage (15 vol., New York, 1927–1949), 5 : 243, 368 ; 6 : 62.— P. B. A. O’Neill, « A history of theatrical activity in Toronto, Canada : from its beginnings to 1858 » (thèse de ph.d., 2 vol., Louisiana State Univ., Baton Rouge, 1973), plus particulièrement 134–200.— The Oxford companion to American theatre, Gerald Bordman, édit. (New York, 1984), entrées à Cushman, Miller et Pitou.— Types of Canadian women (Morgan).

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David Gardner, « NICKINSON, CHARLOTTE (Morrison) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/nickinson_charlotte_13F.html.

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Auteur de l'article:    David Gardner
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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