MURRAY, ISAAC, ministre presbytérien, éducateur et rédacteur en chef, né le 24 mars 1824 à Meadowville, Nouvelle-Écosse, fils de James Murray ; le 30 juin 1854, il épousa à Musquodoboit, Nouvelle-Écosse, Jane McK. Sprott, fille du révérend John Sprott*, et ils eurent deux filles ; décédé le 7 décembre 1906 à New Glasgow, Nouvelle-Écosse.

Fils d’immigrants écossais, Isaac Murray fréquenta l’école publique de Rogers Hill, dans le comté de Pictou, en Nouvelle-Écosse. Après avoir été instituteur dans une école rurale durant un an, il entra, à l’âge de 15 ans, à la Pictou Academy. De retour dans l’enseignement deux ans plus tard, il se prépara au ministère en suivant les leçons de logique et de morale du révérend James Ross*, de West River (Durham). En 1844, il entra à l’école de théologie de l’Église presbytérienne de la Nouvelle-Écosse, située dans la maison de John Keir*, qui en était directeur, à Princetown (Malpeque, Île-du-Prince-Édouard). Après la réinstallation de l’école à West River en 1847, Murray retourna étudier en Nouvelle-Écosse. Refusant de commencer à prêcher, comme on le lui demandait instamment, parce qu’il jugeait sa formation insuffisante, il alla terminer ses études au New Jersey, au Princeton Theological Seminary.

Après avoir été autorisé à prêcher par le consistoire de Pictou en mai 1849, Murray revint dans l’île et, en janvier 1850, il fut ordonné ministre de Cavendish et de New London, remplaçant ainsi John Geddie*, qui était devenu missionnaire dans le Pacifique. Sa jeunesse, son énergie et sa vivacité d’esprit le propulsèrent rapidement à un poste important, celui de modérateur du consistoire de l’île, qu’il occupa pendant l’année qui suivit son ordination et à bien des reprises par la suite. Tout au long de sa carrière, Murray s’intéresserait particulièrement à l’éducation. Devant lui-même une grande partie de sa réussite aux leçons qu’il avait reçues de pasteurs cultivés du comté de Pictou, il offrit son aide aux jeunes membres prometteurs de sa congrégation, dont David Laird*, qu’il encourageait et à qui il donna des cours de théologie, de latin et de grec. Les questions scolaires le placeraient également au premier plan de la politique de l’île. Avec d’autres pasteurs évangéliques bien en vue, il appuya ouvertement les protestants qui, au milieu des années 1850, exigeaient qu’on rende la lecture de la Bible obligatoire dans les écoles publiques. Pour soutenir cette cause et défendre d’autres questions qui préoccupaient les protestants évangéliques, Murray participa, à Charlottetown en mars 1857, à la fondation du Protector and Christian Witness, dont il fut corédacteur en chef, avec George et Alexander Sutherland, durant ses 22 mois d’existence. Son travail au Protector marqua le début d’une carrière journalistique bien remplie. En 1867, et de nouveau en 1870, le consistoire fit appel à lui pour occuper un poste de rédacteur en chef au Presbyterian de Charlottetown. De plus, Murray avait participé également, avec David Laird, à la fondation du Patriot et contribua à définir son orientation en y écrivant régulièrement des éditoriaux.

En 1863, Murray avait été nommé au bureau d’Éducation de l’île par les conservateurs qui, grâce à la controverse sur la Bible qu’il avait aidé à soulever, avaient repris le pouvoir sous la direction de John Hamilton Gray*. Il y fut renommé cinq ans plus tard, après la promulgation d’une nouvelle loi qui rétablissait le principe de l’éducation non confessionnelle et proposait un compromis entre protestants et catholiques. Avec Angus McDonald*, qui était recteur d’un établissement catholique, le St Dunstan’s College, il se vit confier la tâche d’interroger les candidats au permis d’enseignement. Murray fut l’un des principaux opposants à la révision de la politique scolaire et à la création d’écoles confessionnelles dans l’île, mesures que réclamaient les catholiques à la fin des années 1860 et au début des années 1870 [V. Peter McIntyre*]. Il insista sur la distinction entre l’enseignement des valeurs religieuses et le sectarisme, qui, selon lui, devait être combattu. Si le gouvernement voulait cultiver l’obéissance et le sens moral de la population, il se devait de permettre l’enseignement des valeurs religieuses, comme l’avaient réclamé les protestants en demandant que la Bible soit lue dans les écoles. Aussi Murray laisserait-il à entendre en 1875 que si les catholiques n’aimaient pas la manière dont on traitait la religion dans les écoles publiques, ils devraient se demander s’ils avaient leur place là où s’appliquait la constitution britannique. Le Canada, soutenait-il, était un pays protestant.

Quoiqu’il ait consacré beaucoup d’énergie à lutter contre l’influence catholique, Murray n’en engagea pas moins des débats très vifs avec ses confrères protestants. En réponse à un discours prononcé en 1864 par le révérend John Davis* sur la nécessité d’envoyer des missionnaires baptistes dans le comté de Pictou, il se lança dans une attaque cinglante contre les lacunes de la théologie baptiste. La controverse, qui se poursuivrait longtemps dans les journaux et sur la place publique, l’inciterait à traiter savamment de la question en 1869 dans Scripture baptism : its mode and subject.

Les talents de Murray furent reconnus au delà des frontières de l’île dès les années 1870. En 1873, il fut modérateur du synode des Maritimes de l’Église presbytérienne et, en 1876, son érudition et ses travaux en faveur de l’Église lui valurent un doctorat honorifique en théologie du Queen’s College, en Ontario. L’année suivante, quand la dissension s’installa au sein de l’assemblée générale de la nouvelle Église presbytérienne au Canada, sur la question des erreurs théologiques véhiculées par les sermons hautement controversés de Daniel James Macdonnell* de Toronto, Murray, qui était un ardent partisan de l’union, aida à dissiper l’acrimonie et à empêcher que le débat ne mène à un nouvel éclatement. En 1892, on le choisit comme modérateur du synode des Maritimes de l’Église presbytérienne au Canada.

Après avoir été durant plus d’un quart de siècle pasteur à Cavendish, Murray desservit en 1877 la paroisse voisine de New London, puis, l’année suivante, la congrégation de Prince Street, à Charlottetown. Sa santé chancelante semble l’avoir poussé vers un pastorat moins exigeant. En 1882, il quitta l’île pour devenir ministre à Vale Colliery (Thorburn) et à Sutherlands River, dans le comté de Pictou. La congrégation de Prince Street avait connu des difficultés financières, mais il est possible que Murray ait pris la décision de quitter la province également à cause des tensions qui existaient au consistoire de l’île. En 1881, il avait, seul, pris la défense du rédacteur en chef du Presbyterian and Evangelical Union de Charlottetown, le révérend Stephen G. Lawson, reconnu coupable de diffamation par un tribunal de l’île et contre qui ses collègues voulaient prendre de sévères mesures disciplinaires. Ce faisant, Murray s’était attiré de vives critiques. En 1884, il accepta l’invitation de la congrégation de North Sydney et y demeura jusqu’à sa retraite en 1896. Il retourna ensuite dans le comté de Pictou et s’établit à New Glasgow, où il mourut en 1906.

Isaac Murray fait partie d’un large groupe de ruraux du comté de Pictou qui, formés par la culture presbytérienne de l’endroit et préparés à l’exercice de professions par la Pictou Academy, laisseraient leur marque ailleurs. Ce « condensé de Luther, Knox et Calvin », comme le décrivit avec justesse un de ses élèves en 1900, fut essentiellement un conservateur. Désireux de faire en sorte que le monde autour de lui se conforme à son orthodoxie presbytérienne, et considérant que l’État avait pour fonction d’accomplir la volonté de Dieu, Murray contribua à sortir les questions religieuses de l’Église pour les porter au cœur même de la vie politique de l’Île-du-Prince-Édouard.

Rusty Bittermann

EUC, Maritime Conference Arch. (Halifax), Prince Edward Island presbytery, minutes, 18501875.— PARO, RG 10, 3–5.— Pictou County Court of Probate (Pictou, N.-É.), Wills, 10 : 227 (mfm aux PANS).— Daily Patriot (Charlottetown), 1881–1882, 11 juill. 1900.— Eastern Chronicle, 13 juill. 1854, 25 oct. 1894.— Islander, 1850–1871.— Patriot (Charlottetown), 1867–1880.— Pictou Advocate, 11, 18 déc. 1906.— Presbyterian (Charlottetown), 1867–1870.— Presbyterian Witness, 1849–1904, 15 déc. 1906.— Protestant and Evangelical Witness (Charlottetown), 13 août 1864.— Église presbytérienne des provinces Maritimes de l’Amérique du Nord britannique, Minutes of the synod (Halifax), 1860–1875.— EPC, Synod of the Maritime Provinces, Minutes (Halifax), 1875–1896, 1908.— Margaret MacConnell, Meadowville, then and now (Pictou, [1987] ; exemplaire aux PANS).— J. [M.] MacLeod, History of Presbyterianism on Prince Edward Island (Chicago et Winona Lake, Ind., 1904).— J. P. MacPhie, Pictonians at home and abroad : sketches of professional men and women of Pictou County [...] (Boston, 1914) (photographie du sujet à la p. 54).— John Murray, The history of the Presbyterian Church in Cape Breton (Truro, N.-É., 1921) ; The Scotsburn congregation, Pictou County, Nova Scotia [...] (Truro, 1925).— I. R. Robertson, « The bible question in Prince Edward Island from 1856 to 1860 », Acadiensis (Fredericton), 5 (1975–1976), n° 2 : 3–25.

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Rusty Bittermann, « MURRAY, ISAAC », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 15 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/murray_isaac_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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