MILES, ABNER (avant 1794 il signait Mighells), homme d’affaires et fonctionnaire, né vers 1752 au Massachusetts ; il épousa une prénommée Mercy, et ils eurent au moins quatre enfants ; décédé le 26 juillet 1806 dans le canton de Markham, Haut-Canada.
On ne sait rien des premières années d’Abner Miles, passées au Massachusetts. En 1790, il s’était installé à Genesee Town, établissement de pionniers du comté d’Ontario, dans la partie ouest de l’état de New York. Son entreprise, qui comprenait un magasin général, une auberge et une cordonnerie, servait la première vague de colons à s’établir dans cette région. À la suite de la proclamation du lieutenant-gouverneur Simcoe, le 7 février 1792, à « ceux qui désir[aient] s’établir » dans le Haut-Canada, Miles et quelques centaines d’autres « habitants et sujets des États-Unis d’Amérique » signèrent en vain une pétition, en juin 1793, dans laquelle ils demandaient la concession d’un canton sur la rive nord du lac Ontario. Au printemps de 1794, William Berczy décida de se rendre dans le Haut-Canada avec plus d’une centaine d’Allemands qui, sous sa direction, étaient arrivés dans la région de Genesee Town cette année-là ; Miles décida sans doute de les suivre. Ses livres de comptes pour le printemps de la même année mentionnent qu’il effectua un règlement final avec ses clients de l’état de New York. Le 7 juin 1794, le Conseil exécutif du Haut-Canada étudiait une requête de Miles, faite apparemment au nom d’un grand nombre de colons, dans laquelle il sollicitait 36 milles carrés de terre sur la rivière La Tranche (rivière Thames). C’est l’endroit que Berczy avait d’abord espéré coloniser. Le conseil concéda plutôt à Miles et à sa famille 600 acres de terre et en offrit 200 à chacun des colons mâles. À l’été de 1794, Miles était à Newark (Niagara-on-the-Lake). Il s’était probablement rendu compte que Simcoe projetait de déplacer le centre des établissements de l’extrémité ouest de la province, au nord du lac Érié, vers la rive nord du lac Ontario, derrière l’emplacement de la ville d’York (Toronto). Le 26 août, Miles s’engagea par contrat à y construire une grande maison en bois rond pour le secrétaire de la province, William Jarvis. En novembre, il acheta pour lui-même la résidence de William Cooper*, sur le lot no 6, pour le prix de deux bœufs, d’une barrique de saumon et d’une égale quantité de farine ; il devenait ainsi l’un des premiers résidents de la ville. En juin 1795, il n’y avait encore que 14 maisons à York.
Miles ouvrit bientôt un magasin général rue King (lot no 13), offrant une grande variété de vivres, de boissons, de vêtements, d’outils, de matériaux de construction, de produits ménagers et d’articles divers nécessaires aux immigrants qui se fixaient à York ou dans les environs. Dans cette société, où circulait peu d’argent sonnant et où n’existait aucun établissement bancaire officiel, Miles joua à l’occasion le rôle de banquier privé. Il fournit aussi un service de transport par voiture, et, à partir du printemps de 1796, associé à Samuel Heron, il exploita un schooner, le York, qui voyageait à Newark et à Genesee Town. L’année suivante, il s’associa avec Eli Granger, de Handford’s Landing, dans l’état de New York, pour la construction du Jemima, premier navire bâti par des Américains sur le lac Ontario.
Au début de 1796, Miles avait agrandi son local pour ajouter une auberge où il servait des repas et des boissons alcooliques, et logeait les voyageurs. Dans les rudes conditions du nouvel établissement, la taverne constituait sans doute l’un des rares endroits où fermiers et habitants de la ville pouvaient se réunir afin de se divertir et de discuter. Comme York ne comptait pas d’édifices publics, si petits fussent-ils, la taverne devint un lieu d’attraction où se déroulèrent des activités sociales comme des ventes aux enchères, des danses et des célébrations spéciales, tels les dîners francs-maçons. Toutes les assemblées annuelles de la ville, de 1798 à 1803, se tinrent sous le toit de Miles.
En 1797 et 1798, Miles fut choisi comme inspecteur des chemins de la ville, et, en 1798, il devint aussi quartier-maître de la milice d’York. Comme aubergiste, il fut automatiquement nommé constable par la Cour des sessions trimestrielles. En 1800, lors d’une assemblée tenue afin de désigner des fonctionnaires municipaux pour les cantons de Markham, de Vaughan, de Whitchurch et de King – où il possédait des terres –, Miles fut élu estimateur et percepteur des contributions.
À l’instar de plusieurs marchands ambitieux du Haut-Canada, Miles semble avoir été un spéculateur foncier. Outre sa concession originale et les concessions de ses deux lots urbains, il reçut en 1796 le lot no 21 donnant sur la rue Yonge, qu’il vendit deux ans plus tard à l’arpenteur général David William Smith*. En 1803, il obtint des lettres patentes pour des terres dans les cantons de Markham, de Vaughan et de Whitchurch. À sa mort, selon un historien local, il laissa quelque 2 000 acres.
La pénurie d’argent liquide dans la colonie, de même que l’augmentation probable du nombre de ses propriétés foncières, influença les affaires de Miles. Ses problèmes étaient communs aux premiers marchands d’York, comme Heron et William Willcocks. Le 31 août 1799, il publia une annonce dans l’Upper Canada Gazette, demandant à ses débiteurs de lui rembourser leurs dettes, et, le printemps suivant, un de ses créanciers obtint, par ordonnance du tribunal, l’autorisation de vendre la part de Miles dans le Jemima. En 1801, il avait remis la gestion de sa taverne d’York à son gendre James Playter et à Ely Playter ; par la suite, il la vendit à un autre ancien résident de la région de Genesee Town, le docteur Thomas Stoyell. Que ce fût à cause de ses difficultés financières ou des avantages que pouvait espérer un marchand entreprenant dans les nouveaux établissements situés au nord d’York, Miles alla s’installer en haut de la rue Yonge, en 1800, sur les lots nos 45 et 46, à la limite des cantons de Markham et de Vaughan, à 16 milles d’York, endroit qui sera connu sous le nom de Miles’ Hill (Richmond Hill). En 1802, il ouvrit de nouveau un magasin, semblable à ceux qu’il avait tenus à Genesee Town et à York. Il dirigea aussi une fabrique de potasse ; en 1805, il exploitait de nouveau une taverne. Après sa mort, en 1806, son fils James prit en main son entreprise de la rue Yonge.
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Craig Héron, « MILES (Mighells), ABNER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/miles_abner_5F.html.
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Auteur de l'article: | Craig Héron |
Titre de l'article: | MILES (Mighells), ABNER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |